Prostitution médiatique
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11/08/03 |
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9.00 t.u. |
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Thomas Demada |
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Un jeune couple de la région de Menton, dont nous tairons les patronymes vu leur goût pour la tracasserie judiciaire, a porté plainte récemment pour utilisation abusive et surtout non rétribuée de leur image. Leurs profils n'ont pas été couchés sur un placard publicitaire où un quelconque barbouillage factieux, c'est sur une affiche de la très Polit-Korrekt LCR que leurs visages (d') ingrats est furtivement apparus. Furtivement, dis-je, car il faut un œil d'aigle pour distinguer leurs sombres silhouettes sur les habituels rectangles rouge-cola de la Ligue.
L'affiche en question, réclamant le maintien des 37,5 années de cotisations, a été retirée séance tenante de la circulation. Ce n'est sans doute pas suffisant, puisque le duo réclame 3X12.000 euros à la druzyna Krivine/Ben-Saïd. Trois parts, donc, puisque la vague forme noire aux pieds du binôme, qui pourrait aussi bien être une erreur d'impression, n'est autre que le fruit de leur union. Tout porterait à croire qu'il s'agit d'un couple d'affreux réac', qui profite de l'occasion pour croiser le fer avec l'hydre trotskiste. Il n'en est rien, les deux parents, instituteurs de profession, participaient à une réunion publique LO/LCR lorsque la photo utilisée pour l'affiche a été prise.
Au-delà du fait divers et des poncifs sur le droit à l'image, cette chicane juridico-médiatique est symptomatique des maux qui rongent nos sociétés. Primo, nous sommes contaminés par cette désagréable manie américaine, ce syndrome de la Tourette judiciaire, qui consiste à traîner nos contemporains aux prétoires à la moindre algarade. Plus grave, nous assistons à une dépolitisation en profondeur du milieu enseignant, démotivé dans l'esprit, fuyant les syndicats dans les faits. Le temps du marxiste à la barbe fleurie et au verbe assuré, l'époque plus lointaine encore des hussards porteurs des flambeaux républicains, tout cela est révolu. Certains m'accuseront d'être à ma façon un réactionnaire, d'autres me traiteront de stalinien impénitent. Peu importe, ce passé, balancé dans les fosses communes de l'Histoire avait au moins du panache. Nos professeurs sont coincés entre un système libéral qui réclame tout sauf du zèle et des élèves sans illusions, hormis celles de leurs rations quotidiennes de télévision. Nos deux instit' mentonnais sont le fruit de cette mécanique délétère, qu'ils reproduisent à loisir... Le rejet du politique par l'enseignant (et inversement) est total. Le Peuple est unanime pour fuir ces politiciens, n'accordant aucun crédit aux prétendus opposants, décrédibilisés par leur participation à la mascarade électorale et vivant du financement public, véritable monnayage des voix. Nous assistons à un poujadisme mou, qui promet d'être long et débilitant.
La seule chose que l'on puisse reprocher au mouvement de "Krivine et beau-fils", c'est d'avoir abdiquer sans combattre. C'est de gémir sur la forme, sans protester sur le fond. La ligue communiste se crispe sur ses deniers au lieu de montrer les dents face à une jurisprudence désastreuse. Ses militants chantent pourtant dans les manifestations: "le monde n'est pas une marchandise", mais il y a un monde entre les pieuses déclarations de la base et l'action de la synarchie dirigeante. Si la LCR n'est plus riche de ses idées, elle l'est encore de la fortune de certains de ses membres.
Le jugement définitif nous apprendra si le matériel politique sera désormais soumis aux mêmes réglementations que la publicité. Serons-nous contraints d'utiliser des acteurs, devrons-nous rémunérer les syndicats pour utiliser les photos des manifestations ? Toujours dans le wagon de tête du Capital, les populistes de toute l'Europe ont ouvert la voie en achetant l'image de bimbos décolorées ou de bons bébés joufflus. Quand la politique se met à l'unisson du paquet de lessives, il n'y a pas que la ménagère qui trinque. Réponse le 18 septembre...
Thomas Demada
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