Ripoux, premiers servis ?
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06/08/02 |
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11.21 t.u. |
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François-Xavier Massa |
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Telle pourrait être désormais la devise de la République française. En effet, en doublant quasiment (presque, à 70 % d’augmentation) les émoluments de leurs camarades ministres, leurs homologues des assemblées ont confirmé ce qu’avaient largement prouvé les dernières échéances présidentielles et législatives : la France, distançant sans peine les moins regardantes des malheureuses républiques sahariennes et sub-sahariennes (mais n’oublions pas que pour qu’on trouve des corrompus, au Sud, il faut en amont des corrupteurs, au Nord), est aujourd’hui l’une des plus florissantes républiques bananières de la planète.
Nos ministres, déjà notoirement réputés pour leur usage immodéré des prébendes de toutes natures, toucheront dorénavant treize mille et quelques euros au lieu de six mille quatre cent et quelques précédemment. Les smicards qui doivent se contenter d’une poignée nettement plus symbolique de la nouvelle monnaie eurolandienne (sans parler des chômeurs en fin de droits qui avec 404 euros percevaient déjà 6 000 euros de moins que nos ministres) apprécieront la mesure à sa juste valeur…
Comme on sait déjà que le non-cumul des mandats n’est que partiel, reconnaissons que les augustes servi(teur)s de la Ripoublique n’étaient pas à plaindre.
Mais l’intéressant dans cette affaire réside davantage dans ce qui peut se lire entre les lignes dans les propos des “grotos”(1) de la RF qui nous gouvernent.
Citons en deux.
Groto-Poncelet, cacique républicain d’entre les caciques, a, à son corps défendant, mangé le morceau, quant à la raison fondamentale de cette augmentation. Notons qu’en son temps, Groto-Peugeot, le citoyen Calvet, avait mis les syndicats dans la rue pour s’être octroyé (en deux fois) une augmentation annuelle de 40 %. Apparemment, ces derniers, désormais plus soucieux de leurs propres prébendes, ont d’autres soucis que de jeter leurs troupes (ou ce qu’il en reste) à dans les rues.
Groto-Poncelet donc vient de nous faire un bien intéressant aveu. À l’entendre, la majestueuse augmentation concédée aux membres du gouvernement viserait à mettre les membres du gouvernement à " l’abri de la tentation ".
Autrement dit, s’il a fallu, à coup de millions (d’euros) pris dans NOS poches, pour garder nos satrapes de cette " tentation ", c’est bien parce qu’elle existait bel et bien dans les faits – le droit généralement vient réguler des dérèglements davantage que les anticiper –. Et, vu le coup de la mesure préventive, vraisemblablement dans des proportions non négligeables.
Simple question à Groto-Poncelet, n’aurait-il pas été plus “éthique”, voire plus économique, de placer à la tête du pays des hommes et des femmes disposés, par eux-mêmes, à résister à cette " tentation ".
Le fait même qu’il faille disposer une telle barrière autour d’eux laisse en effet présager une bien chancelante probité. La France n’aura donc même plus dans les allées du pouvoir de personnes suffisamment sûres pour constituer un gouvernement probe ? Aetius, le dernier des Romains n’aura pas suffi à sauver Rome de sa décadence. Aujourd’hui, à bien comprendre les soucis de Groto-Poncelet, la République n’aurait même plus une poignée de servi(teur)s de l’État capables, par leur seule force de caractère, de se tenir à " l’abri de la tentation ". Inquiétant, non ?
De son côté, le Groto-UMP Raffarin, nous a appris, lui aussi indirectement, à quoi servaient les fameux fonds spéciaux, hier alloués par le Premier ministre : tout simplement à engraisser les servi(teur)s de la République !
En effet, selon Groto-Raffarin, l’augmentation massue des membres du gouvernement permettra aux membres du gouvernement de se passer de ces fonds supprimés par l’austère Lionel Jospin.
Curieux tout de même ! Quel rapport peut-il y avoir entre la paye des ministres et des budgets officiellement destinés à pallier des situations de crise : rapatriement d’otages, paiement d’informateurs, situations d’urgence, etc. ?
En théorie aucun. Eh, bien, si !
À lire Groto-Raffarin, mieux payés, les satrapes du Chirakistan n’auront plus à plonger leurs doigts dans ces caisses noires pour se sentir plus à l’aise en fin de mois. Là encore, notons que pour être aussi énergiquement combattu, l’habitude devait être sacrément ancrée dans les mœurs ripoublicaines et, que, là encore, demander aux édiles de notre république de se réguler eux-mêmes semblait perdu d’avance…
Notes
(1) groto, ou gros tonneau, terme africain désignant un cacique du régime en place.
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