Rouge et Noir
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27/03/03 |
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20.35 t.u. |
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Thomas Demada |
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Loin de la guerre qui s'abat sur l'Irak et son Raïs, et qui espérons-le initie le crépuscule des faucons américains, notre petit morceau de vieille Europe connaît une nouvelle fois une période de marasme économique. On était presque habitué au cahotement d'un système libéral, qui alternait phase A d'euphorie boursière et phase B de disette financière. Mais depuis le 9/11 (encore et toujours lui) et plus particulièrement depuis quelques mois, l'économie capitaliste, ce monstre schizophrène, passe des rires aux larmes en quelques jours. Alors que penser ? La machine s'emballerait t'elle ? Le capitalisme serait-il, comme le titrait récemment le périodique de la CNT "combat syndicaliste", aux abois ?
Nous nous garderons bien ici d'entretenir l'espoir d'un effondrement du système-monde sur lui-même, si le capitalisme a bien un talent c'est la conservation. L'histoire nous a appris à nous défier des faux prophètes qui monnayent leurs prédications, qu'il baptise dans le Jourdain ou qu'il soit ancien animateur à Skyrock...
La mécanique pourtant simplissime de l'offre et de la demande ne requiert que deux choses pour fonctionner : transparence et confiance. Or ce sont deux notions absentes de la bourse contemporaine. Cette dernière étant soumise à la turpitude de la morale humaine, c'est-à-dire la flagornerie et le mensonge, le cirage de pompe et le trucage des comptes. Les empires financiers ne sont rien de plus qu'un amoncellement de 0 et de 1, les entreprises ne peuvent plus se permettre d'immobiliser leurs capitaux en biens immeubles (mais néanmoins tangibles), elles ont besoin de masses de capitaux toujours en mouvement, les bénéfices (quand il y en a) devant êtres immédiatement réinvestis, tel un Moloch réclamant toujours plus de sacrifices. Le démantèlement de l'empire Enron montre la fragilité de ses colosses de papier, qui gardent des coffres remplis de courants d'air. Ce n'est pas tant le mensonge comptable qui creva la baudruche Enron mais la découverte de ce mensonge, entraînant la rupture de confiance des milieux financiers. Le marché-monde libéral, au contraire des systèmes socialistes, laisse une large part à l'irrationnel, la seule vraie maîtresse de la bourse étant alors : la peur... Notre coeur ne saigne évidemment pas pour les grands patrons et les gros actionnaires, qui réussissent à s'engraisser même pendant les pires catastrophes, pour preuve la fortune de W.Bush amassée au gré des naufrages successifs de ses entreprises. Nous nous préoccupons plutôt du sort de nos camarades travailleurs, trop souvent utilisés comme soupape de sécurité dans les périodes de doute et pour qui salariat rime désormais avec servitude...
Outre la morosité des marchés, deux facteurs se conjuguent pour miner droits et acquis sociaux : la politique de l'UMP, où les libéraux et autres transfuges de l'UDF supplantent désormais les gaullistes et le remodelage américain du moyen- et du Proche-Orient. Le conflit qui n'en doutons pas ne se limitera pas à l'Irak est le paravent idéal pour masquer la situation sociale. Le président Chirac, plus connu dans son rôle d'Arsène Lupin, excelle désormais dans celui du Mahatma Gandhi, planant dans les hautes sphères de la diplomatie internationale et laissant son premier ministre Raffarin les pieds dans le fumier du dialogue social, lui abandonnant les "contingences" selon l'expression "gaullienne". Les fermetures de complexes comme Metal Europe ou Daewoo Lorraine ne sont pas seulement des catastrophes pour leurs employés, elles condamnent également la nébuleuse des sous-traitants et des commerçants gravitant autour de l'usine, en bref elles frappent d'interdit des régions entières. Ces friches sociales inondent les journaux télévisés et les débats de la cuvette parlementaire, où après des ouvertures théâtrales sur la situation du conflit irakien on assiste à la monotone litanie des plans sociaux et des fermetures d'usines dans les actualités ou dans les débats de la cuvette parlementaire, comme un passage désagréable mais désormais obligé, comme la bourse et la météo qui succèdent aux actualités... La géopolitique comme le couvercle sur la marmite de la misère européenne...
Face à une classe politico-marchande solidaire qui ne reconnaît ni race ni religion, une forme novatrice de lutte des classes est nécessaire. Une classe d'exploités, qui compte dans ses rangs aussi bien employés qu'ouvriers, s'émanciperait alors de la férule d'une minorité d'ultra-possédants. Méfions nous tout de même de la terminologie " Lutte des classes ", terme laxatif propice à toutes les diarrhées verbales, qui rappelons le n'est pas une fin en soi même dans la vision marxiste. Il est alors de notre devoir de proposer une alternative populaire et non populiste loin des bobos de la LCR, des trop opaques LO et du trop infiltré PT. Seule une alternative sociale et européenne pourrait concilier la demande du Peuple de justice sociale et d'affirmation de civilisation. Il n'est pas tout de se réclamer d'une gauche national-européenne, il faut le faire sans arrière-pensée et condamner et combattre tous ceux qui s'y opposeraient.
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