Un noir bataillon dans les rues de la capitale
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12/05/04 |
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10.23 t.u. |
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François Ryssen |
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Ce 9 mai, sans mentir, c’était de la balle, comme on dit aujourd’hui, et tout le monde doit être à peu près d’accord là-dessus. Evidemment, il y aura toujours un rabat-joie pour nous sermonner et nous faire la morale sur ce que nous aurions dû faire, sur les risques que nous prenions en cette période trouble de profanations de cimetières juifs.
Bien sûr, les choses auraient pu mal tourner ; bien sûr, nous aurions tous pu finir au poste de police ; bien sûr, nous aurions tous pu être inculpés de je ne sais quoi, pour voie de fait, incitation à la haine raciale, troubles à l’ordre public, association de malfaiteurs, bande armée, violence organisée, en réunion, avec arme, avec préméditation, avec mauvaise pensée, regard inamical et discourtoisie envers Français de fraîche datte ou autres fariboles. Nous le savons bien. Nous savons pertinemment que le régime libéral ne nous fera aucun cadeau si nous sommes pris en flagrant délit de résistance à l’ordre bourgeois et à ses dépravations multiculturelles.
Mais l’important n’est pas là. L’important est que rien de tout cela n’a eu lieu : aucune arrestation n’a été à déplorer ; aucun heurt ni aucune déprédation d’aucune sorte n’ont été commis pendant la manifestation. De toute évidence, les militants fafs savent se tenir. Et nous irons même plus loin en disant qu’ils ont fait preuve d’un remarquable esprit de discipline pendant tout le trajet parcouru. Gloire aux fafs donc ! Longue vie aux fafs ! Honneur aux camarades qui ont eu le courage de se déplacer pour affirmer leurs convictions.
Quant aux cimetières juifs, nous sommes désolés de le dire, mais nous n’y sommes pour rien. Est-ce notre à faute à nous si des cimetières juifs sont profanés à 500 kilomètres de l’endroit où nous devions déposer une gerbe de fleurs pour honorer la mémoire de Sébastien Deyzieu ? Nous n’y pouvons rien, et d’ailleurs, ce n’est pas tellement notre problème, surtout lorsque l’on sait que depuis quelques années, certains Juifs sont capables de se mutiler (rabbin Fahri) ou de s’envoyer des himèles antisémites (Machin Cohen) pour faire accroire à une recrudescence de l’antisémitisme. Il y en a même qui s’injurient tout seuls chez eux en hurlant et qui se réclament jours et nuits des indemnités (qu’ils refusent de payer, bien entendu) ; enfin, paraît-il. A cause d’abrutis de ce genre, on en est arrivé au point où, quand un cimetière juif est profané, on soupçonne quelque rabbin facétieux de faire des virées nocturnes avec la camionnette et de revenir à la maison les mains couvertes de peinture rouge. Après tout, il n’y a pas besoin de s’appeler Sherlock Holmes pour se rendre compte que le crime ne profitent qu’à eux, même si ça fait plaisir à d’autres. Pas vrai ?
L’heure en tout cas était grave, très grave, ce 9 de mayo. En ce printemps 2004, l’UMP, le parti de la droite bourgeoise, venait d’introniser le responsable de la LICRA pour conduire sa liste aux élections européennes. Patrick Gaubert était son champion ; un vrai pro de la lutte contre l’antisémitisme. Ce proche de Charles Pasqua (la terreur des terroristes) était programmé depuis son plus jeune âge à chasser de l’antisémite : génétiquement programmé, pourrait-on dire. Il était tout à fait le type d’homme capable de conquérir le cœur de notre bonne bourgeoisie française, bien pourrie jusque dans sa moelle, bien veule et bien dégueulasse, bien repue dans ses appartements cossus du sixième arrondissement, pendant que le bas peuple croupissait dans ses taudis de banlieue au milieu des immigrés.
Comme nous l’apprenait la dernière lettre de " Faits et Documents ", la France venait d’être félicitée à Berlin pour sa lutte contre l’antisémitisme dans le cadre de la " Conférence de L’Organisation de sécurité et de coopération européenne ". On peut donc dire que manifester notre liberté de Gaulois était un vrai défi à ce moment précis.
Avec Sarkozih et ses potes dans les ministères, les trublions de l’Ordre nouveau n’avaient qu’à bien se tenir, et tout porte à croire que la préfecture avait donné des ordres pour se saisir au plus vite de ces " jeunes nationaux turbulents ".
Pour le dixième anniversaire de la mort de Sébastien Deyzieu, 300 jeunes révolutionnaires – ou un peu plus, ne chipotons pas – s’étaient donné rendez-vous comme à leur habitude sur l’avenue de l’Observatoire pour un pacifique défilé aux flambeaux. Et cette année encore, pour la deuxième fois, les gauchards avaient appelé à une contre-manifestation sur la place de Port Royal afin de les empêcher de se recueillir et de déposer une couronne de fleurs dans la cour de l’immeuble où il était décédé. La manifestation anarchiste était bien sûr autorisée par le pouvoir en place et bénéficiait d’une importante protection policière.
Les cinq ou six cents militants libertaires de la CNT qui étaient réunis pour dire non ! non ! non ! au fascisme et au racisme n’avaient donc pas de soucis à se faire. L’Etat bourgeois les dorlotait, leur assurait la plus large impunité et relayait complaisamment dans les médias depuis des années les mots d’ordres les plus délétères en faveur de l’ouverture des frontières et du métissage généralisé. Avec pareils jobards, la bourgeoisie avait encore de beaux jours devant elle.
Il faut voir ses abrutis d’anarchistes agiter leurs drapeaux rouge et noir. Il faut voir cet énergumène avec son téléobjectif disproportionné qui flashe les militants natios pour avoir le plaisir de publier leurs photos sur internet. On se dit que pour faire ce boulot, ces crétins devraient au moins demander à être payés par le pouvoir ! Mais non, ils le font gratuitement !
Il faut écouter un anarchiste. Si vous ne l’avez pas encore fait, nous vous y invitons fermement. Mettez un bandana rouge autour du cou, brossez-vous les dents avec du tabac à rouler et allez causer un peu. " Alors, euh, compagnon : la guerre sociale, ça avance-t-y ? " Là, normalement, le mec va vous parler pendant deux plombes de " La conquête du pain " de Kropotkine (1880 et des bananes) et des misères que leur ont faits les Stals à Cronstadt et pendant la guerre d’Espagne. Il faut voir comment ils se branlent sur la guerre d’Espagne, c’est quelque chose de tout à fait burlesque. Les dingos exaltent les expériences de fermes autogérées en Catalogne et en Aragon, où quelques braves bougres étaient parvenus à faire fonctionner trois villages en mettant tout le matos et les moutons en commun. Deux cents ans plus tard, ils s’exciteront encore sur cette sublimissime expérience qui a bouleversé l’histoire de l’humanité. Avec Makhno et ses armées noires d’Ukraine (allez, reconnaissons que le mythe est ici attirant), nous avons à peu près fait le tour de leurs références historiques. Tout cela est bien pauvre en vérité. Nous pourrions nous étendre longuement sur ce sujet, mais passons à autre chose, et laissons là notre " compagnon " anarchiste, à la pointe du combat pour la société multiculturelle et pour un monde sans frontière. Quand il se sera rendu compte qu’il bosse pour les oligarchies financières, il viendra peut-être taper à notre porte… et rejoindre ses anciens camarades qui l’ont précédé dans cette démarche.
Du côté des révolutionnaires, les choses se passèrent un peu moins bien au départ. Il était 21 heures environ quand trois anciens responsables du GUD furent appréhendés par les flics. Il était assez clair que la maison poulaga avait assez l’intention de renouveler ses fichiers de militants ultras, ce qui n’avait pas été le cas depuis 1996 et l’attentat bidon à la lettre piégée contre Tribune Juive (qui n’avait fait d’ailleurs aucun blessé, puisque qu’il n’y avait eu aucun attentat ni aucune lettre piégée, comme de bien entendu).
Le lourd cortège ne s’était alors pas encore ébranlé de l’avenue de l’Observatoire, point de rendez-vous traditionnel depuis une dizaine d’années. Des lourds, il y en avait ! Des gros lourds, des moyens lourds et des lourds légers. L’idéal aurait été évidemment d’affronter les gauches, pour leur montrer à quel point nous sommes des gens " frileux " et " repliés sur nous-mêmes ". Mais que nenni. L’heure était grave, et il ne fallait pas oublier que nous étions là pour honorer la mémoire d’un des nôtres.
Puisque le chemin de la rue d’Assas était barré par les flics et les anars, les militants révolutionnaires se dirigèrent vers la place Denfert-Rochereau, avant de s’engager sur le boulevard Raspail. C’est là qu’il allumèrent les torches qui flambèrent dans la nuit. Il faut bien ici délivrer un bon point aux organisateurs parisiens, qui avaient en outre prévu pour chacun des masques en papier et du collyre anti-inflammatoire pour les yeux, au cas où les flics auraient usé prématurément de leur matériel de répression. Fort heureusement, tout cela a été inutile, mais comme on dit, mieux vaut prévenir que guérir.
Saisissant spectacle que ce noir bataillon avançant dans la nuit. Loin, loin devant, les girophares firent enfin leur apparition. Quelques instants de réflexion furent nécessaires. Quelques minutes au cours desquelles les militants restèrent dans un ordre impeccable au milieu de la chaussée, tandis qu’un comité restreint délibérait à l’avant. Saluons tous ces braves pour leur discipline exemplaire. La décision fut finalement assez prompte : Direction Montparnasse ! De calme et digne dans un premier temps, la cohorte avança d’un pas plus rapide, mais sans jamais courir. L’avant-garde des patriotes s’engouffra sur le boulevard Edgard Quinet, qui raisonna aux cris de " Europe-Jeunesse-Révolution ", " Bleu-Blanc-Rouge : la France aux Français ". La vaste clameur sortie de 300 poitrines emplit de toute sa puissance le carrefour de la rue de la Gaîté où nous fûmes applaudis et salués par des badauds. C’est ainsi que le lourd et mobile bataillon arriva à Montparnasse : en hurlant à pleins poumons ! Ahhh, quelle réjouissance de pouvoir enfin marcher librement dans notre capitale !
" Ça ne sert à rien ", diront encore les grincheux. Evidemment que non, ça ne sert à rien. Mais ça donne simplement le sentiment de sentir ce que peut être la force lorsque nous sommes unis, décidés et organisés. Ceux qui ont vécu cette manif ne l’oublieront pas de sitôt. On peut d’ailleurs remercier les flics et les anars de nous avoir orientés dans une autre direction que celle habituellement empruntée, car cette petite escapade à travers les rues de Paris fut incontestablement réjouissante pour tous.
Les gyrophares refirent leur apparition au bout de la rue de Rennes, et nous décidèrent à nous engouffrer dans la rue Ferrandi. A gauche encore, et nous remontions vers Montparnasse par la rue du Cherche-Midi. Bernard-Henry Lévy et consorts pouvaient continuer à siroter tranquillement leurs coquetèles préférés au Café de Flore et aux Deux-Magots.
Notre pas rapide compliquait assurément la tâche des poulets, mais il fallait bien tout de même qu’ils pointent le bout de leurs casques. Ils apparurent de manièrent assez soudaine sur le boulevard du Montparnasse, espérant nous bloquer dans les rues étroites, mais nous étions déjà passés. Heureusement que nous n’avions pas perdu de temps à des altercations sans importance dans les petites rues adjacentes : cinq minutes de plus et nous étions cuits. La fête était néanmoins terminée. Un ordre de dispersion fut lancé quand nous atteindrions la Gare Montparnasse, mais déjà, devant la charge des CRS, le cortège s’était scindé en deux morceaux entre la rue de Vaugirard et l’avenue du Maine. Une course à pied de quelques minutes nous éloigna du péril bleu. Peu après, il nous semblait que tout était redevenu calme. C’était fini. Les militants s’étaient évaporés à nouveau dans la grande ville. Les flics et les anars l’avaient eu dans le cul. On peut le dire. C’était un succès sur toute la ligne.
On gage que le dépôt de gerbe a eu lieu beaucoup plus tard dans la nuit en comité restreint. La statue du maréchal Ney, symbole de courage et de fidélité, aura regardé passer ces quelques braves, fidèles héritiers de la Grande Armée, toujours prêts à prendre les armes pour la défense de notre sol, pour la défense de notre sang. Un peu plus loin, sur la place, le Lion de Belfort, symbole de la résistance à l’envahisseur, n’aurait pas dédaigné lui non plus l’hommage porté à la mémoire de notre camarade. Ce 9 mai, il a poussé un long rugissement, et nous sommes nombreux à l’avoir entendu !
François Ryssen
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