Accueil FOCUS Analyses Courir après Fillon ou se libérer du libéralisme ?

Courir après Fillon ou se libérer du libéralisme ?

Longtemps, l’élection présidentielle, en France, s’est jouée au centre. La raison essentielle en était que seuls deux candidats restent au second tour. Chacun essaie de gagner les voix modérées. Les primaires de la droite et peut-être bientôt celles de la gauche changent les choses. Une présélection se fait sur la base des votes des militants et électeurs les plus motivés. Donc les plus radicaux. C’est ce qui a joué avec le succès de François Fillon. Sur les sujets qui intéressent l’électorat de droite, Fillon avait le programme le plus net : antiétatisme, discours anti fonctionnaires, critique de l’Islam, libéralisme économique et appel à dérèglementer. En d’autres termes, casser le programme du C.N.R comme le souhaite le patronat depuis des années.

Ce que l’on appelle la « droite nationale » – et qui n’a plus grand-chose à voir avec le Front national – a retenu ce qui l’arrange, à savoir que François Fillon clame moins fort son hostilité à l’ « extrême droite » qu’Alain Juppé ne le fait, une extrême droite dans laquelle tous deux, du reste, mettent à la fois les partisans de Marine Le Pen et de la ligne de Florian Philippot, et ceux qui passent leur temps à dire toute la détestation qu’ils éprouvent pour eux, en les qualifiant de « socialistes nationalistes » (Aymeric Chauprade), ou de quasi « communistes » (Yvan Blot à propos de « Marine la rouge »). Sans parler des attaques en dessous de la ceinture. Il faut remarquer que l’on doit reprocher beaucoup de choses à Alain Juppé, et surtout sa politique étrangère quand il était ministre, mais certainement pas de vouloir « islamiser » la France, ne serait-ce que parce que, si quelqu‘un sous-estime le fait religieux, c’est bien un homme comme Juppé qui, comme tous les « modernistes » qu’il se targue d’être, et tous les obsédés par l’économie, gagnerait à lire Régis Debray. Le monde n’est pas que flux de biens matériels. Les déplacements des âmes jouent aussi.

Critique des réformes sociétalistes de la gauche et de la droite « moderniste » qu’incarne aujourd’hui Juppé, Fillon présente aussi l’avantage du point de vue d’une certaine droite de rompre avec l’hostilité caricaturale avec la Russie. Même si ces motivations ne concernent guère l’électorat, on ne peut négliger le côté positif du retour possible (mais cela reste à voir) à une politique internationale réaliste consistant à prendre en compte les proximités de civilisation entre l’Europe et la Russie.

Pour autant, la contradiction qu’incarne François Fillon n’est pas mince. L’Islam ? Mais si c’est un problème, n’est-ce pas dû à une immigration massive ? Et, dans ce cas, quelle est la cause de cette immigration, si ce n’est le libéralisme que prône  Fillon en voulant le renforcer. François Fillon incarnerait une droite sérieuse, soucieuse des deniers publics. Mais où est le sérieux quand on veut réduire le nombre d’agents de l’Etat au point d’étouffer plus encore la France périphérique abandonnée ? En vérité, l’intellectuel libéral Mathieu Lainé a bien vu les choses, de son point de vue, en appelant à un rapprochement entre Emmanuel Macron et François Fillon (Le Parisien, 23 novembre 2016). Car, au-delà des différences de style et de sourcils, ce sont les mêmes politiques qui sont préconisées : Macron n’est jamais qu’un Fillon pour les bobos. Soutenu par des personnalités aussi différentes que Yves de Kerdrel, directeur de Valeurs actuelles, de « droite » et par tant de personnalités dites de « gauche », y compris du milieu « associatif » – obligatoirement « de gauche » (cf. Le Monde, 26 octobre 2016 et Le Parisien, 16 novembre 2016), Emmanuel Macron n’est autre qu’une version branchée du même projet thatchérien : libérer le libéralisme des entraves qui le brident encore.

Face à cela, certains estiment que le Front national devrait se rallier au conservatisme sociétal de François Fillon et abandonner sa critique du système économique capitaliste mondialisé  – qui reste pourtant bien timide – pour accéder au statut de droite sérieuse et responsable. Dans le registre de l’équilibre des comptes, François Fillon sera pourtant toujours plus crédible que Marine Le Pen. Quant aux questions sociétales, on peut critiquer les excès sociétalistes de la gauche de Mme Taubira et de M. Hollande sans pour autant en faire l’enjeu unique des prochaines années de combat politique. Chacun sait du reste que c’est justement parce qu’elle ne pouvait rien proposer de positif dans le domaine social que la gauche a essayé de réactiver le clivage droite-gauche par des réformes sociétales.

La victoire de François Fillon aux primaires de la droite montre que le positionnement antilibéral reste absolument indispensable à l’expression politique du Front national. Dans le registre du libéralisme, Fillon sera toujours plus crédible et a une longueur d’avance. Mais ce ne doit pas être qu’une question de stratégie. Quant au fond même des choses, la France dévastée par le marché et abandonnée par l’Etat n’a rien à espérer de François Fillon. C’est elle qui attend quelque chose de Marine Le Pen. La proposition politique dont la France a besoin, c’est de libérer notre peuple du libéralisme.

23 novembre 2016

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