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Du Discours aux Actes : les Premières décisions de l’administration Trump [1]

L’adage est connu : on juge un arbre à ses fruits ! Aussi – sans médire de ses tweets, influant notablement sur le comportements de corporates comme Boeing & Ford – est-il intéressant de se pencher sur les premiers actes de Trump en tant que président ! Plutôt positif quant à ses engagements de campagne. Qui peut en dire autant dans le camp occidental ? 1ère Partie.

« Arrêtons les larmes de crocodile sur les enfants, les pauvres enfants migrants. Ce n’est pas le sujet. le sujet est que ce sont des jeunes gens en pleine forme, en age de combattre qui devraient être renvoyés en Syrie ou au Moyen-Orient et lutter pour leurs patries »..
Sheriff David A. Clarke Jr., 64ème Sheriff (démocrate) du Milwaukee County, Wisconsin.

Quid de la décision de Trump de renvoyer Sally Yates ?

Jacques Borde. Faisons simple et direct : une sage décision. Sally Q. Yates n’était là qu’à titre transitoire, en attendant de laisser la place à l’Attorney general1, Jefferson B. Jeff Sessions III, choisi par Donald J. Trump. À ce titre, les us de la Grande république dont nous parlait Tocqueville sont extrêmement clairs : le partant doit assurer le passage de relais avec son successeur et ne pas entraver la mise en place et les décisions de l’administration montante.

À ce titre, je partage l’analyse de ceux qui accusent Sally Q. Yates de haute trahison. Sur ce point, le terme utilisé par le White House Press Secretary2, Sean M. Spicer, est betrayal of her office. Que je traduirai par trahison de sa charge.

Restons en France un instant, que pensez-vous des positions soudainement pro-iraniennes, si l’on peut dire, exprimées pas Jean-Marc Ayrault ?

Jacques Borde. (Soupir) J’ai rarement vu le Quai d’Orsay et son titulaire tomber aussi bas et faire n’importe quoi et n’importe comment !

Comprenez-moi, je connais bien l’Iran et les Iraniens et j’ai longtemps travaillé avec eux. Par ailleurs, j’ai toujours préféré l’état de paix à l’état de guerre entre les nations, notamment avec la RI d’Iran. Mais, la posture de notre le chef de la diplomatie est tout bonnement indéfendable.

Pourquoi donc ?

Jacques Borde. Pour des tas de raisons qui se juxtaposent :

1- Parce que l’Iran, pas plus que tout autre pays, n’a vocation à nous servir de variable d’ajustement dans nos relations avec un pays tiers : ici les États-Unis.

2- Prenant le contre-pied de l’administration Trump, Jean-Marc Ayrault souhaite que le nombre de visas accordés aux Iraniens soit doublé cette année. Pourquoi pas en effet ! Mais, simple question : quel rapport avec le décret anti-terroriste (et non anti-immigration comme le prétendent nos media munichois) pris aux États-Unis ?

3- J’ai suffisamment critiqué et dénoncé notre politique arabe de la France, devenu une politique pro-arabe de la France, nous liant – au gré du fait de nos princes élyséens successifs, et des fonds dont ils tiraient profit – pour croire que devenir d’un coup de baguette magique pro-iraniens pour, excusez la formule, emm… Trump était une politique étrangère crédible, viable et durable.

Encore une fois, tout ceci n’est pas sérieux…

La décision n’est pas suffisamment réfléchie selon vous ?

Jacques Borde. Non. Elle est carrément aberrante. Et démontre l’abyssale ignorance de notre diplomatie faite de coups de mentons et d’incantations absurdes et contre-productives.

De quelle manière ?

Jacques Borde. Reprenons les propos mêmes d’Ayrault : il nous parle des « binationaux, franco-iraniens, irano-américains, qui sont meurtris par cette situation. C’est un choc pour eux, c’est vécu comme une blessure ».

C’est un gag !

Rappelons aux apparatchiks du Quai d’Orsay que :

1- Les binationaux irano-américains dont nous parle Ayrault sont familiers de ce genre d’aléas (Cf. la crise des orages et le long embargo visant la RI d’Iran). Le monde ne va pas s’effondrer.

2- Cette mesure, contrairement aux précédentes, n’est que temporaire.

3- La mesure n’est pas dépourvue de recours. De fait, la majorité des binationaux irano-américains qui sont, pour la plupart issus de milieux d’opposition au régime (sic) n’auront guère de mal à se faire comprendre du Homeland Security3. Ou, plus simplement, reporteront leurs déplacements.

4- Beaucoup de ces mêmes binationaux irano-américains, qui sont des électeurs américaines de plein droit, seraient plutôt favorables à la politique de l’administration Trump et en accord avec ce décret anti-terroriste. Par quelle aberration intellectuelle et enflure de l’ego Ayrault se permet-il de penser à leur place ?

Idem pour la plupart des Arab-Americans (terme générique) qui, pour la plupart, ont fui l’Orient compliqué pour échapper à son terrorisme endémique.

Et pour finir, je crains fort que le chef de la diplomatie française et ses si piètres conseillers ne soient rapidement dépassés par la situation…

Comment cela ?

Jacques Borde. Les relations irano-américaines s’inscrivent dans le grand jeu de puissances dans cette partie du monde. Donc :

1- Je ne pense pas que Ayrault ait la carrure et l’intellect nécessaires à ce genre de challenge.

2- Ce grand jeu est une partie de longue durée, n’en doutons pas. Qu’espère y faire un acteur à la fois aussi insignifiant et sur le départ ?

Mais certaines des propositions de Trump franchissent quelques bornes, non ? Celle du mur avec le Mexique notamment…

Jacques Borde. (Sourire) Vous dîtes ça parce que cous connaissez mal l’Amérique et les Américains ! Or, comme l’a, opportunément fait remarquer Eber Addad, « Pour ceux qui poussent des cris d’orfraies au sujet du mur avec la Mexique, rappelons que l’administration Obama avait fait payer le Canada 2 Md$US pour un pont et un poste frontaliers incluant même le bâtiment qui doit être occupé par les douanes Américaines. En 2012 l’ancien premier ministre Stephane Harper a refusé de payer pour ce bâtiment arguant que c’était la responsabilité du gouvernement américain de payer pour un bâtiment abritant ses services mais le Canada finit par céder. Pas un mot dans les journaux français sur ce sujet, ni à l’époque ni maintenant! Mémoires sélectives des media… ».

Vous verrez, je vous parie que, dans ce dossier, Donald J. Trump finira par trouver un accord avec le président mexicain, Enrique Peña Nieto, ou son Secretarío de Relaciones Exteriores (chef de la diplomatie mexicaine), Luis Videgaray Caso. Et, quelque-chose de moins excessif que l’exemple canadien cité par Eber Addad !

Là, c’est sur le dossier de l’immigration que Trump vient d’imposer sa marque  ?

Jacques Borde. Oui, mais plutôt sur la lutte contre le terrorisme et l’immigration. Une semaine après s’être installé à la Maison-Blanche, Donald J. Trump a pris son décret Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux USA. Texte publié le 27 janvier 2017, au soir.

C’est lors de la cérémonie au Pentagone, en l’honneur de l’intronisation du US Secretary of Defense, le général (Ret) James Mad Dog Mattis4, que Trump a annoncé qu’il mettait « sur pied de nouvelles mesures de contrôle pour maintenir hors des États-Unis les terroristes islamiques radicaux ». Car, « Nous ne les voulons pas ici », a assuré Trump. « Nous voulons être sûrs que nous ne laissons pas entrer dans notre pays les mêmes menaces que celles que nos soldats combattent à l’étranger (…) Nous n’oublierons jamais les leçons du 11-Septembre » 2001.

Et qui est visé ?

Jacques Borde. Ce faisant l’administration Trump interdit pendant trois mois l’arrivée de ressortissants de sept pays musulmans : Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Seules exceptions : les ressortissants de ces pays détenteurs de visas diplomatiques et officiels et qui travaillent pour des institutions internationales.

Autre volet, Washington va aussi arrêter pendant quatre mois le programme fédéral d’admission et de réinstallation de réfugiés de pays en guerre, toutes nationalités confondues.

Quant aux réfugiés syriens, dont seulement 18.000 ont été acceptés aux États-Unis depuis 2011, ils seront définitivement interdits d’entrée, jusqu’à nouvel ordre.

Mais vous réfutez l’accusation de viser les musulmans ?

Jacques Borde. C’est du n’importe quoi, comme chaque fois qu’on parle de Trump. Lui- même l’a dit : « Ce n’est pas une interdiction contre les musulmans mais cela concerne des pays qui ont beaucoup de terrorisme ».

Ensuite, regardons les chiffres, si vous voulez bien :

1- Selon le Pew Research Center en 2010, 49 pays avaient une majorité de population. musulmane.

2- Si vous prenez cette bonne vielle Organisation de la coopération islamique (OCI)5, elle compte 57 États, parmi ceux-ci les pays qui comptent majoritairement des musulmans soit : l’Indonésie, qui abrite 12,7% des musulmans du monde, le Pakistan (11%), le Bangladesh (9,2 %), etc.

3- Restent donc non-visés par la décision, avisée selon moi, 50 pays sur 57. De la marge, non ?

Aucun des trois plus gros pays musulmans (Indonésie, Pakistan, Bangladesh) n’est visé par la décision de l’administration Trump, ce qui laisse présager une décision avec d’autres critères que le seul facteur religieux.

Sur quels critères alors, selon vous ?

Jacques Borde. À ce stade, je ne peux risquer que des conjectures. On peut raisonnablement supposer que le patron du Homeland Security, le général John Francis Kelly6, le National Security Adviser, le lieutenant-général (Ret) Michael T. Mike Flynn7, et le directeur de la CIA, Mike Pompeo8, ont été consultés et associés à la prise de décision. La communauté du Renseignement ayant quelques lumières à apporter quant à la dangerosité de pays musulmans par rapport à d’autres.

Même, si je dois le dire, une partie de ses choix me surprend un peu.

Lesquels ?

Jacques Borde. Des noms me surprennent un peu : des absents et un présent.

L’absent, je veux dire le plus gros d’entre eux le Pakistan, qui a, de toujours, fourni de solides effectifs au terrorisme takfirî. Mais qui, d’un autre côté, reste un atout dans la manche des États-Unis. Autres absents surprenants : aucun pays du Maghreb, à l’exception de la Libye. À cela,on précisera que les pays de djihâd choisis généralement par les takfirî maghrébins sont (aller au plus simple et au moins dangereux) les pays se situant de l’autre côté de la Méditerranée.

Le présent : l’Iran. Je doute que beaucoup à Téhéran puissent être tentés, même à moyen terme, d’infiltrer des cellules terroristes sur le sol étasunien. Qu’il s’agisse du président iranien, le Dr. Hassan Feridon Rohani, ou même du Rahbar-é Enqelâb (guide de la révolution), l’Ayatollah Sayyed Ali Hossaini Khâmeneî9.

Ceci dit, il y peut-être une raison plus classique concernant la RI d’Iran : ses SR, le Vézarat-é Ettela’at va Amniat-é Keshvar (VEVAK) notamment, ne sont pas des manchots en matière d’espionnage. Là, le grand jeu entre Washington et Téhéran, étant toujours d’actualité, l’administration ferait tout simplement d’une pierre, deux coups…

Et, l’absence de l’Arabie Séoudite sur la liste ?

Jacques Borde. En dépit de toutes mes préventions à l’endroit de Riyad, je ne vois pas ses dirigeants – à commencer par ses hommes forts, le roi Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd, et son ministre de la Défense, Mohamed Ibn-Salmān Āl-Séʻūd – se prêter à ce genre de jeu de guerre avec l’Amérique de Trump. Trop risqué. Bien sûr, cela ne veut pas dire que Riyad et Washington ne resterons inactifs au plan géostratégique, mais pour les coups bas, ce ne sont pas les proxies qui, de part et d’autre, manquent vraiment. Le grand jeu toujours…

Notes

1 Ministre de la Justice.
2 Porte-parole de la Maison-Blanche.
3 DHS, la Sécurité Intérieure.
4 Contrairement aux fantasmes colportés par les Démocrates et leurs relais divers et variés, Mattis est considéré comme un intellectuel par ses pairs, notamment en raison de sa bibliothèque personnelle comptant plus de 7.000 volumes. Il a toujours avec lui, lors de ses déploiements, un exemplaire des Pensées pour moi-même de Marc Aurèle. Le major-général Robert H. Scales le décrit comme « … l’ un des hommes les plus courtois et polis que je connaisse ».
5 Munaẓẓamat at-Taʿāwun al-islāmī, Organisation of Islamic Cooperation (OIC), appelée Organisation de la conférence islamique jusqu’en 2011.
6 Ancien patron du US Southern Command (USSOUTHCOM). Lui aussi, un technicien à un poste où il aura, de toute façon, des comptes à rendre à Flynn et à Trump.
7 Ancien directeur, de 2012 à 2014, de la Defense Intelligence Agency (DIA, Agence du Renseignement militaire), répond aux besoins du président des États-Unis, du US Secretary of Defense, du Joint Chiefs of Staff (JCS, Comité des chefs d’état-major interarmées). Michael T. Flynn est l’auteur avec Michael Ledeen de The Field of Fight: How We Can Win the Global War Against Radical Islam & Its Allies. St. Martin’s Press. ISBN 1250106222.
8 Élu républicain du Kansas , siégeait à la Commission du Renseignement au Congrès sortant et a participé à la Commission d’enquête sur l’attaque du consulat des États-Unis à Benghazi, en septembre 2012, où l’ambassadeur Christopher Stevens et trois autres Américains ont été tués.
9 Aussi appelé Rahbar-é Moazzam (guide suprême, pas une titulature officielle).

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