Émile Michel Cioran est né le 8 avril 1911 à Rasinari (Roumanie).
Très jeune, il lit les oeuvres de Nietzsche, Dostoievsky et Schopenhauer, trois penseurs qui exerceront sur lui une grande influence. En 1928, il entreprend des études de philosophie à l’Université de Bucarest et obtient sa licence en 1932 après avoir complété une thèse sur Bergson. Son premier livre paraît en 1934 et le titre révèle déjà le programme de toute une vie: Sur les cimes du désespoir.
Après avoir ressenti le besoin de rompre avec ses racines roumaines, Cioran s’établit en France en 1939. Son premier livre écrit en français paraît chez Gallimard en 1949, Précis de décomposition.
Signalons au passage deux livres qui peuvent servir d’introduction à une oeuvre portant sur la souffrance d’exister: Syllogismes de l’amertume et De l’inconvénient d’être né.
Pour Cioran, la philosophie est souvent «produite par des hommes sans tempérament et sans histoire» qui ne veulent surtout pas tenir compte des «misères du moi». Mais, à l’instar du penseur russe Léon Chestov, Cioran pense qu’il faut situer le désespoir au coeur même de toute véritable réflexion philosophique.
Éviter la souffrance, c’est courir le risque de se perdre dans des abstractions qui n’ont rien à voir avec l’existence humaine.
Oeuvres
Précis de décomposition, Paris, Gallimard, 1948
Syllogisme de l’amertume, Paris, Gallimard, 1952
La Tentation d’exister, Paris, Gallimard, 1956
Joseph de Maistre: Introduction et choix de textes, Paris, éd. du Rocher, 1957; introduction rééditée sous le titre: Essai sur la pensée réactionnaire, Fata Morgana, 1977
Histoire et utopie, Paris, Gallimard, 1960
Chute dans le temps, Paris, Gallimard, 1964
Le Mauvais démiurge, Paris, Gallimard, 1969
De l’lnconvénient d’être né, Paris, Gallimard, 1973
Écartèlement, Paris, Gallimard, 1979 (collection Arcades)
Exercices d’admiration. Essais et portraits, Paris, Gallimard, 1986
Des larmes et des saints, traduit du roumain par Sanda Stolojan, éditions de L’Herne, 1986. Paru en roumain en 1937
Aveux et anathèmes, Paris, Gallimard, 1987 (collection Arcades)
« Sissi ou la vulnérabilité », dans Jean Clair (dir.), Vienne 1880-1938. L’Apocalypse joyeuse (catalogue d’exposition), Paris, Centre Pompidou, 1986
Sur les cimes du désespoir, traduit du roumain par André Vornic, éditions de L’Herne, 1990. Paru en roumain en 1934
Entretiens avec Sylvie Jaudeau (suivis d’)une analyse des oeuvres, Paris, José Corti, 1990
Le livre des leurres, Paris, Gallimard, 1992 (collection Arcades). Paru en roumain en 1936
Bréviaire des vaincus, Paris, Gallimard, 1993 (collection Arcades). Écrit au cours des années 1930. Inédit jusqu’en 1993
Le crépuscule des pensées, Librairie générale française, 1993. Publié en roumain en 1940
Cahiers 1957-1972, Paris, Gallimard, 1997
Texte en ligne
Syllogisme de l’amertume (extraits)
De l’inconvénient d’être né (extraits)
Extraits des Cahiers 1957-1972 (Gallimard), publiés dans le magazine Lire, novembre 1997
Commentaires
Cioran et Klages
À quiconque connaît un tant soit peu l’oeuvre de Ludwig Klages, le lien entre sa pensée et celle de Cioran paraîtra manifeste. Le paragraphe qui suit, de Cioran, est une admirable synthèse de la conception klagésienne de la volonté.
« Vouloir signifie se maintenir à tout prix dans un état d’exaspération et de fièvre. L’effort est épuisant et il n’est pas dit que l’homme puisse le soutenir toujours. Croire qu’il lui appartient de dépasser sa condition et de s’orienter vers celle du surhomme, c’est oublier qu’il a du mal à tenir le coup en tant qu’homme, et qu’il n’y parvient qu’à force de tendre sa volonté, son ressort, au maximum. Or, la volonté, qui contient un principe suspect et même funeste, se retourne contre ceux qui en abusent. Il n’est pas naturel de vouloir ou, plus exactement, il faudrait vouloir juste assez pour vivre ; dès qu’on veut en deçà ou au-delà, on se détraque et on dégringole tôt ou tard. Si le manque de volonté est une maladie, la volonté elle-même en est une autre, pire encore : c’est d’elle, de ses excès, bien plus que de ses défaillances, que dérivent toutes les infortunes de l’homme. Mais s’il veut déjà trop dans l’état où il est, qu’adviendrait-il de lui s’il accédait au rang de surhomme ? Il éclaterait sans doute et s’écroulerait sur lui-même. Et c’est par un détour grandiose qu’il serait amené alors à tomber du temps pour entrer dans l’éternité d’en bas, terme inéluctable où peu importe, en fin de compte, qu’il arrive par dépérissement ou par désastre.» Entretiens
Aux yeux de Klages, cet héritier du romantisme allemand et de Nietzsche, l’esprit, qu’il assimile à ce que nous appelons aujourd’hui la raison instrumentale, est une entité négative qui se manifeste par la volonté. Le batteur de records est le type même du porteur de cette volonté. Le sens de l’histoire dans cette perspective est la vampirisation de la vie et de l’âme par l’esprit et la volonté.
Vérification faite, Cioran a suivi des cours de Klages en 1933. Voici ce qu’écrit Korpa à ce sujet: «À la fin des années 20, il est envoyé à la Faculté de Littérature et de Philosophie de Bucarest puis, grâce à une bourse de la fondation Humboldt, s’inscrit à l’Université de Berlin en 1933 où il suit les cours de Nicolai Hartmann et surtout de Ludwig Klages, philosophe vitaliste pour qui l’histoire de l’humanité se résumait à « un combat de Titans entre l’Esprit et l’Âme. » Source
Luc Nannens écrit à ce sujet: « Pour Cioran, l’homme a tout de l’animal et rien du divin mais le théologien analyse mieux notre condition que le zoologue. L’homme a échappé à l’équilibre naturel, par le biais de l’esprit, ce trouble-fête. L’homme est donc tiraillé entre deux ordres irréconciliables. Pour Hell, cette vision de la condition humaine se retrouve chez Kleist, dans son « Marionettentheater » et, plus récemment, chez cet héritier de la tradition romantique que fut Ludwig Klages. Pour ce dernier aussi, la conscience, l’esprit, trouble l’harmonie vitale. Klages comme Cioran partagent la nostalgie d’une immersion totale de l’être humain dans un principe vital suprapersonnel. Klages comme Cioran critiquent tous les deux la fébrilité, la vanité et la pretention activiste de l’homme, notamment dans la sphère politique.» Source : Cioran: eu
Documentation
La vie est-elle possible après Cioran?, par Marc Sylvestre (L’humaniste combattant, vol. 1, no 1) (Cégep régional de Lanaudière, Joliette, Qc))
E.M. Cioran:To Infinity and Beyond, par Stephen Mitchelmore (Spike Magazine)
The Anti-Gnosticism of E. M. Cioran, par David Lavery (tiré de Late for the Sky: The Mentality of the Space Age, Southern Illinois University Press, 1992)
Cioran, le flâneur aux idées noires, par Didier Sénécal (Lire, mai 1995)
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