Le périple aura surpris le marais des idiots utiles : pour son voyage destiné à affirmer son soutien à nos troupes combattant la terreur takfirî, Marine Le Pen a fait le choix du Tchad comme point d’arrivée. Ni le plus opulent ni le plus riche de nos amis en Afrique, mais bien un vieil ami : le pays qui fournira lors de la Bataille de Koufra, 1ère victoire de la France Libre, ses plus solides combattants. Choix qui a le mérite de rend hommage aux valeureux Tchadiens qui, de toujours, se battent aux côtés de la France… 1ère partie
Que vous inspire le voyage de Marine Le Pen au Tchad ?
Jacques Borde. En tant qu’observateur des questions géostratégiques, ce périple m’a fait une étrange impression. Qu’un des candidats à nos présidentielles se rende, enfin, auprès de vrais amis de la France (que sont les Tchadiens) plutôt que d’aller ramper devant les têtes couronnées de l’Orient compliqué comme cela est traditionnellement le cas de la part des représentants de notre classe politique étant plutôt rafraîchissant géopolitiquement parlant. Entre le sang versé des uns et l’or corrupteur des autres, ce choix fait du bien à la France et à l’Afrique dans notre lutte commune contre la terreur takfirî !
Soulignons, ici, les lourds sacrifices des militaires tchadiens combattant aux côtés des nôtres.
Rappelons-nous aussi le Serment de Koufra…
Vous pouvez préciser ?
Jacques Borde. À l’issue de la Bataille de Koufra, qui est la première victoire terrestre des Forces françaises libres (FFL) contre les forces de l’Axe depuis la défaite de 1940, le 2 mars 1941, le colonel Philippe Leclerc prête avec ses hommes ce qu’on a appelé le Serment de Koufra :
« Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ».
Les Français libres tiendront ce serment en libérant Strasbourg le 23 novembre 1944 à la tête de la 2e Division blindée (DB). Rappelons aussi que la Bataille de Koufra est glorieusement portée sur le drapeau du Régiment de marche du Tchad (RMT), une de nos plus prestigieuses unités.
Et donc le président tchadien a reçu Marine Le Pen ?
Jacques Borde. Oui, le président tchadien, Idriss Déby Itno, notre si précieux allié dans la lutte contre le nazislamisme takfirî dans cette partie du monde, a reçu la présidente du FN. Les images disponibles montrent un entretien serein et plutôt détendu entre Déby et la délégation frontiste. La prise de parole de Marine Le Pen devant la représentation nationale tchadienne lui vaudra même des applaudissements.
Je note que c’est là le 2ème chef d’État, juste après le président Aoun, qui reçoit ainsi Marine Le Pen. J’y vois plus qu’une coïncidence.
Laquelle ?
Jacques Borde. Déby et Aoun sont tous deux à la tête de pays qui sont nos plus fidèles alliés et avec lesquels nous sommes historiquement et géopolitiquement très liés. De ce fait, je ne pense pas que ces pays aient été choisis par hasard. Ce fait est systématiquement passé sous silence : mais tant de nos Frères du Levant1 sont tombés aux côtés des FFL pour notre libération, y compris face aux forces de Vichy2. Mais pour s’en souvenir il faut avoir la mémoire longue ou dans sa bibliothèque quelques ouvrages oubliés comme De Londres à Alger3 de Soustelle. Mais qui le lit encore aujourd’hui ?
Les Tchadiens – eux aussi et bien avant d’autres – ont joué un rôle de premier plan aux heures les plus sombres de notre Histoire.
C’est de N’Djaména que sont parties les premières colonnes de la France libre qui ne s’arrêteront qu’au Nid d’aigle d’Hilter ! Ces frères par les armes n’ont pas été avares de leur sang dans la lutte pour libérer la France de l’occupant. Il est heureux qu’enfin un candidats à nos présidentielles s’en souvienne. À se demander pourquoi Marine Le Pen et son parti sont les seuls à le faire, alors que le nom du général de Gaulle est invoqué par tous…
Et, vous pensez, vous aussi, que la lutte contre le terrorisme passe par N’Djaména ?
Jacques Borde. Oui, tout à fait. D’ailleurs, je crois pas que Marine Le Pen soit la seule à le penser. Mais elle, au moins, à fait ce déplacement ! Nous unir avec nos frères d’armes tchadiens contre la terreur takfirî m’a toujours semblé une évidence. Exactement comme en 1940 face à l’hitlérisme. Et, là, encore nous pouvons compter sur ces soldats remarquables que sont les Tchadiens. Ils font preuve d’un courage et d’une abnégation au feu qui forcent l’admiration.
Au-delà, comme l’a souligné Marine Le Pen, le président Déby « estime que son pays est capable de régler le problème du terrorisme islamiste dans la région mais il a besoin d’un soutien en terme de moyens ».
C’est tout à fait exact. Or, ce manque de moyens pourrait être comblé.
De quelle manière ?
Jacques Borde. Les capacités de frappe aéroportée tchadiennes sont, par exemple, très limitées. Trop. Or dans cette région, taper loin et vite est primordial.
De mémoire, le seul avion d’armes au couleur de la Force Aérienne Tchadienne (FAT) est le Su-25UB Frogfoot, acquis à 8 exemplaires mais dont aucun ne serait en état de vol. Pas plus semble-t-il que les Mil M-24 Hind, qui eux sont des hélicoptères d’assaut, tout aussi made in Russia que le Frogfoot.
En fait, le gros du soutien aérien provient des appareils français détachés dans la région. Ce qui est, désolé de le dire, notoirement insuffisant. Et même, quelque part, un peu absurde…
Qu’y peut-on ?
Jacques Borde. Si Paris voulait faire preuve d’audace, le plus simple serait de rééquiper au plus vite la FAT.
Comment ?
Jacques Borde. Les solutions ne manquent pas. Il existe sur le marché des appareils assez simples d’utilisation. Je pense notamment au Air Tractor AT-802U Archangel. Un engin robuste disposant de 6 points d’emports qui a été développé pour répondre au programme de Light Attack/Armed Reconnaissance (LAAR) de l’US Air Force. Les AT-802U (ou Block 3) ont connu l’épreuve du feu au Yémen, puis en Libye, où ils ont été engagés, discernement et indirectement, par l’Al-Quwwāt al-Jawiyya al-Imārātiyya (UAEF)4.
Ça n’est, bien sûr, qu’un exemple.
La France n’a rien à disposition ?
Jacques Borde. Proprio motu, non. Pas d’engins de ce type. Mais d’autres options pourraient être tentées…
Comme quoi ?
Jacques Borde. Le problème de la Bande Sahélo-saharienne (BSS) est qu’il lui faudrait des appareils à demeure. La rotation ad vitam æternam d’appareils de notre armée de l’Air est la fausse bonne solution à ce problème. Surtout que nous n’avons plus que des appareils à l’entretien coûteux et dont nous avons par ailleurs besoin pour assurer notre propre défense, Rafale ou Mirage 2000D et N. User à des missions de nettoyage nos appareils destinés à la dissuasion nucléaire est une aberration…
Donc nous sommes bloqués ?
Jacques Borde. Oui et non. Une idée serait d’acheter aux Russes un petit lot de Su-25 Frogfoot. Mais qui irait les entretenir ? Ou, mieux, de remettre en service une partie de nos Mirage F1, retirés du service actif. Voire des Mirage F15 venant d’un des onze pays les utilisant encore. Nos derniers F1 opérationnels étaient les Mirage F1 CR de l’Escadron 2/33 Savoie, qui ont été retirés du service le 13 juin 2014. Il existe des projets de remise à niveau de ces appareils pour les revendre à des pays tiers.
Sinon, de mémoire, les Marocains ont encore en parc une partie de leurs 50 Mirage F1 MF2000.
Mais nous ne voulions pas les vendre ?
Jacques Borde. Nos F1 ? Si. À l’Argentine, dont la Fuerza Aérea Argentina (FAA) n’a pas été en mesure de remplacer ses Mirage IIIEA/DA et VP Mara. Du coup, le ministre de la Défense argentin, Julio Martínez, avait évoqué l’achat de 12 de nos Mirage F1.
Mais devant la représentation nationale, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a reconnu n’attendre que « 40 millions de la vente des Mirage F1 à l’Argentine ».
Quarante millions ! Une question Ne seraient-ils pas mieux à leur place sous livrée tchadienne à matraquer les colonnes de Kamiz brunes ?
L’appareil n’est pas un peu dépassé ?
Jacques Borde. Absolument pas. Allez dire ça aux Espagnols qui négocient (eux aussi) avec l’Argentine pour la vente de leurs 20 Mirage F-1M6. Ces appareils basés à la Base aérienne de Los Llanos à Albacete ont été retirés du service fin juin 2013. Les nôtres un an après…
Les Tchadiens ont les bonhommes pour ce type d’appareils ?
Jacques Borde. A priori, non. Mai les anciens pilotes de F1 (d’active ou de réserve) ne manquent pas. Tout comme les mécanos. D’ailleurs, une bonne partie d’entre ont fait la BSS. Ils ne seraient pas dépaysés.
Une fois encore, la décision ne peut être que politique. Alors, rendez-vous après les présidentielles…
[à suivre]Notes
1 Majoritairement chrétiens, beaucoup de Musulmans faisant le choix de l’Axe.
2 Et un certain Moshé Dayan, futur Rosh Ha’Mateh Ha’Klali et ministre de la Défense, qui y perdra un œil.
3 Envers & contre tout. De Londres à Alger, Jacques Soustelle, 1947, Robert Laffont.
4 United Arab Emirates Air Force, Force aérienne des Émirats Arabes Unis.
5 Construit à plus de 700 exemplaires.
6 Pour un montant de 221 M$US.