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A chacun ses Indigènes
Christian Bouchet |
Éditorial
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Pour une fois, j’étais, en sortant du cinéma où j’ai été voir « Indigènes », d’accord avec le quotidien préféré des bobos.
J’aurais, en effet, bien volontiers cosignée l’article de Libération qui a regretté que le film de Rachid Bouchareb soit « étouffé sous les bons sentiments» et relevé que «si l'on s'en tenait strictement à la qualité du film, de sa mise en scène et de son scénario, il n'est pas sûr qu'Indigènes aurait autant fait parler de lui».
On connaît l’histoire : le film relate les aventures de quatre soldats d'un régiment de tirailleurs algériens engagés de 1943 à 1945 dans les combats de la Libération (campagne d'Italie, débarquement de Provence, bataille d'Alsace). Comme l’a relevé L’Express : « ces soutiers de la Seconde Guerre mondiale ne se sont pas tous portés librement volontaires, mus par le désir ardent de «libérer la patrie de l'occupation nazie». Pris dans les rets de l'aliénation coloniale, du paternalisme militaire (fidélité à un sous-officier) et parfois de l'enrôlement forcé, beaucoup furent ballottés d'unité pétainiste en troupe gaulliste au gré des revirements de leurs chefs, avant d'être jetés dans des combats qu'ils n'avaient pas toujours choisis. » Combat, où selon Indigènes, les héros étaient systématiquement envoyés à la boucherie par des officiers de souche européenne…
Rentré à mon domicile, j’ai ressorti mes livres d’histoire et j’ai repensé à tout cela.
J’ai pensé à d’autres algériens qui, eux, se sont à la même période engagés volontaires, ont combattu sans état d’âme pour des raisons idéologiques et ont été traité comme des frères d’armes par les officiers européens avec qui ils servaient, officiers qui respectaient leur foi, leurs coutumes et leurs mœurs.
Qui étaient-ils ces indigènes ? Des maghrébins qui croyaient à l’Europe nouvelle et qui rejoignaient, en toute liberté, les forces armées du Reich (ils furent plus de 20.000 Algériens à le faire) !
Si j’étais un cinéaste algérien, c’est à eux que je consacrerais un film. Ils le méritent bien car ils étaient des révoltés précurseurs du FLN à venir, dont certains devinrent ses premiers cadres.
Mais il est vrai que chaque époque à ses héros et la notre préfère les moutons aux lions.
On lira Stefano Fabei, Le Faisceau, la croix gammée et le croissant, Akribea, 2006 :: lien ››› et Stefano Fabei, Les Arabes de France sous le drapeau du Reich, Ars magna, 2005, :: lien ››› tous les deux disponibles chez librad.com
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