Tout en détricotant la France avec méthode, la droite de l’argent distille diligemment ses produits toxiques pour brouiller l’opinion, et ménager éventuellement de précieux soutiens pour contrer l’offensive de la gauche de l’argent. L’aile sécuritaire de l’UMP, la Droite populaire, s’échine à rebattre un jeu « nationaliste », qui n’est qu’un jeu d’ombres sur une scène passablement dévastée. C’est ainsi qu’elle a lancé une vaste pétition contre le vote des étrangers, qu’elle combat l’homoparentalité, qu’elle demande que soient revues les conditions de l’usage des armes à feu par les policiers, qu’elle veut exclure du minimum vieillesse les ressortissants étrangers extra-européens, qu’elle désire encourager les privatisations, même celle … des églises, bref, qu’elle propose une politique néocon. Cette comédie de façade tente de masquer la réalité, un désastre commis par la caste même à laquelle appartient ce parti, la désindustrialisation de la France, un taux de chômage record, la paupérisation de la Nation, l’alignement servile du pays sur l’axe israélo-américain, l’explosion de l’immigration de masse, et une crise majeure de l’intégration européenne. D’un point de vue tactique, il est aussi judicieux de garder plusieurs louches dans le chaudron. A coups d’œillades et de frôlement de cuissardes, on laisse entendre qu’un accord opportuniste, dans telle ou telle circonscription, est possible, et on fait même miroiter, à partir de rodomontades rhétoriques du résident de l’Elysée, qu’une orientation musclée est tout à fait possible.
Cette hypothèse n’est sans doute pas à exclure, comme nous le prouve la politique américaine, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Les guerres impérialistes de domination que les USA ont menées en Irak, en Afghanistan, et qu’ils continueront à semer comme la mort, possèdent leurs répliques mimétiques dans l’agression récente des collaborateurs européens de l’Otan contre la Libye, véritable assassinat colonialiste, dans lequel la France a trempé avec férocité et cynisme. Les guerres organisées par ce cartel de malfaiteurs internationaux sont programmées, et les offices de propagande conditionnent depuis des années l’opinion publique contre des la Syrie, l’Iran, le Venezuela, Etats dont l’unique défaut est de tenir tête à l’hyper puissance américaine et au marché mondial. Dans le même temps, l’adoption du patriot act, à la suite de l’attentat du World Trade Center, a montré qu’une démocratie peut instaurer un Etat quasi policier, sécuritaire et dédaigneux des droits de l’homme et des lois élémentaires, comme le camp de Guantanamo et l’usage de la torture en illustrent les dérives.
Ce jeu de miroirs aux alouettes mérite qu’on s’y attarde un instant, tellement il paraît simpliste, mais malheureusement parfois opérant. Car la politique est un art à la fois de finauds et de lourdauds. Il faut détenir en même temps la technique des signes, et la maîtrise d’un obusier.
Un exemple entre tous : le maire de Montfermeil, le bien nommé Xavier Lemoine, qui déclarait en 2006 : « C’est eux ou c’est nous. S’ils gagnent, nous sommes morts. Je suis fier d’être français et catholique et je n’ai pas l’intention de vivre comme un “dhimmi” dans mon propre pays. Nous sommes différents d’eux et ces gens ne sont pas compatibles avec la France. »
Nous avons à peu près tout dans cette diatribe, et la récente collusion, à l’occasion de l’attentat de Charlie Hebdo, et même avant, avec l’opération « Saucisson et pinard », entre laïcistes et « identitaires », prouve que le mal n’a fait que croître. La finalité de cette agitation est somme toute assez claire : au moment où la crise va jeter des millions de personnes dans la gêne, la pauvreté ou la misère, et que l’hyper puissance américaine, suivie par ses chiens aboyant parfois plus qu’elle ne fait, s’apprête à régler le problème par une fuite en avant belliqueuse, dans le même temps où la France d’en bas, écœurée, désemparée, cherche à trouver une issue que ne lui offre plus une classe politique cynique, embourbée dans les affaires et vendue corps et âme à l’argent apatride, il devient urgent non de désamorcer la grogne, mais de la canaliser dans un sens satisfaisant pour le système.
Chaque terme est donc pesé pour appâter la seule force qui soit en mesure de l’inquiéter. On évoque alors, dans un style hyperbolique, enflé et fébrile, des mots qui sont censés faire mouche, comme « dhimmi », « catholique ET français » (raccourci un peu juste !) etc., plaçant l’alternative entre eux et nous, entre leur défaite ou la mort.
Notre pays aux mille clochers serait donc en voie d’être colonisé par des hordes d’islamistes auxquels nous allons être soumis. Que cette Nation plus que millénaire le soit des Américains et de leur sous culture, que ses chefs aillent quêter la bonne parole, chaque année, au dîner du CRIF, que les bourses fassent la politique nationale, que la logique marchande du libéralisme l’ait mise à genoux, et que le cerveau et le cœur soient livrés systématiquement aux plus répugnants mensonges, voilà ce qui n’émeut guère ces champions d’une identité trop ostentatoire pour être vraie. Ne nous trompons pas d’ennemi ! On préfère s’en prendre, dans un amalgame douteux, à une population, qu’on désigne comme étant la source de tous les maux, en lui associant un extrémisme qui, quand il n’est pas la réaction lointaine de combats menés sur des théâtres d’opérations qui n’ont rien à voir avec ce qui se passe ici, ou bien lorsqu’il n’est pas le jeu pervers de services secrets agissant pour manipuler l’opinion, est plus un repoussoir rhétorique qu’une réalité. Qui sont les véritables terroristes ? Demandez aux Libyens ? Aux Irakiens ? Aux Serbes ? Aux Afghans ? Et maintenant, aux Syriens ? Et demain, sans doute, aux Iraniens ? Tomber dans ce piège grossier n’est pas seulement se tromper, mais risquer de commettre les pires abjections. Quoi ! les immigrés seraient-ils tous des djihadistes assoiffés de sang et désireux de nous asservir ? Il faudrait donc les mettre hors d’état de nuire, les éradiquer, et accomplir le programme dicté par le fameux slogan : « La valise ou le cercueil » ? Ces pitreries, si elles poussent parfois à rire, ne sont pas sans bêtise criminelle. Et rien de mieux pour provoquer une guerre civile. L’Etat vassalisé saura, in fine, départager les camps, et gare !
Le bateau patriote doit donc naviguer à vue, se méfier des écueils, et surtout des sirènes, qui ne laissent que des cadavres. Ce n’est pas parce que tel dirigeant va se signer devant les caméras qu’il faut croire à ses chattemites. Lisez La Fontaine ! Lisez le toujours actuel roman de Renart ! Voilà de la bonne littérature, amusante et profonde, fine et judicieuse. Les raminagrobis, les patelins sont à l’affût : à nous ne n’être ni la belette, ni le petit lapin !