Les traditions de ne perdent jamais, en Orient. Le jeudi 3 février, le Secrétaire Général de l’ONU, de visite à Gaza, a essuyé des jets de chaussures et de pierres, partageant ainsi le sort du président Bush, qui, en décembre 2008, avait évité de peu un lancer de godasses, et celui de Jospin qui, on s’en souvient, dans cette même Palestine humiliée, n’avait dû son salut qu’à une fuite grotesque.
On a maintes fois souligné combien de tels gestes exprimaient le dégoût, la colère et le rejet. L’appel à Israël, d’atténuer le blocus de Gaza, du bout des lèvres, n’était pas en mesure de répondre à l’urgence d’une situation tragique d’apartheid et d’agressivité permanente de l’Etat juif. Aucune nation au monde ne soutiendrait impunément une telle politique de discrimination, d’assassinats ciblés, de privation, de destruction d’infrastructures … payées en partie par l’ONU, bref, la mise en place délibérée, méthodique d’une épuration ethnique qui a commencé en 1948. Israël est intouchable. Aucune résolution n’a abouti, on le sait bien, ce qui éclaire d’une lumière dramatiquement ironique celles qui ont mené aux désastres yougoslave et libyen, dont on sait qu’elles ont été contournées pour légitimer l’agression néo-colonialiste de l’OTAN.
La déclaration de Ban Ki-moon, qui s’inquiète « profondément ( sic) de la capacité militaire du Hezbollah » prêterait à sourire, s’il n’était question de la vie et du destin de millions d’êtres humains, dont l’existence semble être infiniment moins précieuse que celle d’un colon sioniste. Ban croit-il que des Résistants aussi farouchement attachés à leur dignité que les Chiites libanais vont s’agenouiller devant leurs agresseurs et tendre le cou ?
Le « deux poids, deux mesures » a été souvent souligné, et déconsidère ce que De Gaulle nommait le « Machin ». On fait mine maintenant de s’apercevoir que les soi-disant rebelles libyens possèdent des armes, dont ils font usage pour semer l’anarchie dans le pays, et pratiquent la torture dans des centres d’internement. Il y aurait 7000 prisonniers kadhafistes. Peut-être aurait-il fallu y penser plus tôt, et ne pas, en outre, trouver « conforme » l’usage abusif, meurtrier, des armes de destruction de l’OTAN, qui a provoqué la ruine d’hôpitaux, d’écoles, d’une station de télévision, de quartiers entiers, et la mort de milliers de civils. Ban Ki-moon s’est définitivement déshonoré dans l’affaire, comme les dirigeants atlantistes qui ont joué avec la vie humaine de façon cynique, et s’apprêtent à récidiver avec la Syrie et l’Iran. L’AIEA, en ce qui concerne ce dernier pays, joue un rôle trouble de propagande et de manipulation, afin de donner un prétexte pour une offensive contre les Iraniens, comme le gros mensonge des armes de destruction massive avait produit celle des USA contre l’Irak. Rappelons aussi l’étrange discrétion au sujet des tortures « délocalisées » diligentées par la CIA en Europe centrale et dans certains pays du Maghreb. Et ce n’est pas pour rien, pour la petite histoire, qu’un Koffi Annan avait réussi, en trompant son supérieur hiérarchique Boutos-Ghali, et en autorisant les frappes contre l’ex-Yougoslavie, à s’emparer du secrétariat général, avec la bénédiction des Américains…
Les affinités électives entre l’ONU et le camp atlantiste se font de plus en plus manifestes. Aucune action ne semble remettre en cause la puissance de l’empire américain, au contraire. Non seulement parce que, par le truchement des fonds privés des magnats américains et du financement états-unien du gros machin (22% du budget de 5 milliards, et une part substantielle des impayés), l’Amérique possède un moyen de chantage sur l’ONU, mais aussi parce que cette dernière porte en elle l’idéologie contemporaine de la gouvernance mondiale.
Dès sa naissance, en 45, à la suite de la SDN, qui avait « failli » (il faudrait voir dans quelle mesure, car son hostilité à l’Allemagne n’a pas été pour rien dans la mise en œuvre de la guerre), elle présente un projet « utopiste » de paix générale, de « tolérance », de coopération internationale, et, à terme, le programme d’un gouvernement planétaire, si cher à Attali. En octobre 2011, Antonio Guterres, le Haut-commissaire pour les réfugiés, organisme lié à l’ONU, déclarait : « A mon avis, les sociétés multiculturelles, multiethniques et multireligieuses ne sont pas seulement une bonne chose, elles sont inévitables. Construire des communautés ouvertes [à la marchandise, sans doute, et aux produits sous culturels américains, qui détruiront les âmes et les corps] et tolérantes est un processus lent et délicat. Mais la non-discrimination est un principe de base des droits de l’Homme [nouvelle religion contemporaine] et tous les Etats ont le devoir de les respecter ».
On aura prêté attention au ton comminatoire et menaçant de la fin de cette déclaration. Et ce n’est certes pas une figure de style. En octobre 2008, en effet, le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, révélait que, le 23 septembre, en catimini, comme tous les traîtres, Ban Ki-moon et le secrétaire de l’OTAN, Joap de Hoop Scheffer, avaient signé une « Déclaration commune des Secrétariats des Nations unies et de l’OTAN ». Le flou de cet accord autorisait tous les coups bas et tordus. On en voit la mise en œuvre. OTAN et ONU ne sont que les deux visages d’une entreprise totalitaire de destruction des identités et des peuples.