N’est-tu, âme allemande, pas assez riche pour que tu bâtisse ton sanctuaire en-dehors de ton domaine primordial ?
Une pompe orientale suggestive, toujours pleine de zèle pour son absolu, s’est établie dans notre âme et maintient en sujétion la ferveur réceptive, pleine de foi, du jeune Allemand.
Orientale ! Je pense à Moïse avec son « tu ne dois pas ! », ou au « aucun homme ne peut servir deux maîtres » de Jésus, signifiant : ou Dieu, ou Mammon ; ou l’inflexible « il n’est sous les cieux d’autre nom que celui de Jésus par lequel nous puissions être sauvés ! » de Saint Paul. Rappelez-vous aussi l’infaillibilité du pape dans les questions concernant l’âme humaine. A l’âme éternellement en recherche, il répète avec un fanatisme obligatoire, un inexorable et rigide « c’est ainsi ! ». Et plus l’âme se fie à cela, avec confiance et avec foi, plus tôt elle est placée en sujétion par le moyen de l’hypnose.
Le Germanique est soumis à l’Oriental. Il est obligé de l’être, car sa riche sensibilité religieuse recherche encore des réponses en Orient. Là, elles lui seront données. Il doit rester soumis comme un enfant habile et curieux, qui en regardant des miracles sans fin, ne peut pas encore répondre par lui-même, et qui à moitié assoupi et dans un rêve, joue avec des images de géants et d’elfes dans le brouillard, et dépend de ces humains qu’il considère comme plus mûrs et plus sages. De lui-même, le Germanique ne serait pas assez audacieux ou pas assez arrogant pour alléguer et proclamer un « c’est ainsi ! » universel. Il a cru en l’étranger plein de zèle – et s’est montré plus fidèle aux paroles étrangères que le furent ceux qui les prêchaient, de même que l’âme allemande s’est éveillée avec la venue de Martin Luther et a protesté avec ferveur et force. « Ici je suis, je ne puis être rien d’autre ! ». C’était la voix de l’éternité, la voix de la profondeur religieuse, un ordre venant de Dieu. Luther a secoué l’infaillibilité des [catholiques] romains ; mais en recherchant un équilibre des forces, il en a établi une autre : l’infaillibilité de la Bible = la parole révélée du Dieu de l’Orient.
Si seulement il avait découvert que l’âme était la place la meilleure et la plus profonde de la révélation divine, et que l’âme humaine était la loi déterminante de la vision religieuse, qui après tout ne livre aucune autre parole que celle qui vit en elle ! Bien, de toute façon – depuis le temps de Luther, l’âme de l’Allemagne a commencé à s’émanciper du mythe oriental aliénant, et elle recherche son Moi.
Toute science vraie n’est-elle pas une recherche de la vérité ? Toute parole vraie – même lorsqu’elle a des dogmes et des prêtres réunis contre elle – n’est-elle pas une parole divine ? Jésus n’a-t-il pas énoncé aussi une vérité divine lorsqu’il a dit : « Le royaume des cieux est en vous ! – non en ce qui est construit par vos mains ! » ?
Nous sommes au tournant d’une ère nouvelle. C’est comme quand une personne se débarrasse d’un vêtement vieux et familier. Fuyant les oripeaux, l’âme veut être simple – veut être nue. Les hommes sont remplis d’embarras dans leur propre âme, et s’emmêlent dans des fils sortis de la matrice de l’âme.
N’est-tu, âme allemande, pas assez riche pour bâtir un sanctuaire dans ton propre cœur ?
Ludwig Fahrenkrog (1867-1952).