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Vendredi, 21 Janvier 2005
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Conversation avec Miguel Serrano
Juan Manuel Vial
Histoire :: Amérique latine
Tout serait plus facile si Miguel Serrano croyait en la réincarnation. Ainsi, son expérience en Inde pourrait être attribuée à des mérites de vies antérieures. Vécues en Inde, évidemment. Ce qui suit est une conversation entre un protagoniste et un observateur non halluciné.

Je n’avais pas plus de treize ans quand j’ai entendu parler pour la première fois de Miguel Serrano et de ses aventures – ses « recherches », dira-t-il – en Inde. Je m’en rappelle bien parce que l’idée mythique de l’Inde était déjà une obsession pour moi. On parlait de ce Chilien exotique qui s’habillait à la manière hindoue. De vagues potins de bureau racontaient les succès de leur ambassadeur au continent de l’enchantement. Il y avait celui qui parlait de son amitié avec Nehru, et spécialement avec sa fille, Indira Gandhi. L’apogée de certaines anecdotes – bizarres puisqu’elles étaient des filles de la rumeur – arrivait quand, avec un clin d’œil d’admiration (que j’imagine être le fruit d’une déclaration de chauvinisme irrationnel), quelqu’un racontait que Serrano, l’ex-ambassadeur chilien en Inde, s’était amouraché d’Indira Gandhi. La rumeur s’enflait de temps en temps (tout l’épisode est clarifié dans ses mémoires). Ainsi je me suis informé sur Miguel Serrano. Par ouï-dire. Des années plus tard, je l’ai connu en personne et j’ai accédé à ses œuvres sur l’Inde. J’ai été impressionné par le « Serpent du Paradis », et plus tard, par le troisième volume de ses mémoires (« Mission dans les Transhimalayas »). Tous deux, témoignages inestimables, ont fait que son auteur partage une place d’honneur avec d’autres grands de mes lectures sur les Indes ; avec Sir Richard Francis Burton, et avec Kipling.

Il y a cinq mois je l’ai appelé depuis Paris pour lui dire que je partais finalement. « Allez voir le Maharaja du Cachemire », me conseilla-t-il. « Dites-lui que vous venez de ma part. Tout le monde le connaît, il ne vous sera pas difficile de le trouver ». Et il y a quelques jours je l’ai rencontré à nouveau. Pour parler de l’Inde. La sienne – celle d’un protagoniste qui y vécut pendant neuf ans – et la mienne, celle d’un modeste observateur de passage, non halluciné. Pendant les salutations il me dit en riant : « Maintenant vous avez l’aspect d’un hindou... ». Je le pris comme le compliment que c’était, et j’ajoutai : « oui, et des castes les plus hautes ».

La couleur de l’Inde

Deux annotations dans mon journal de nouvel arrivant sont utiles pour illustrer l’obsession hindoue pour la couleur de la peau. La première dans le train super-rapide entre Delhi et Calcutta (19 novembre) : « Je me suis lié d’amitié avec Satirtha Ghosh, un enthousiaste des randonnées dans l’Himalaya qui connaissait assez bien le Chili. Il m’a interrogé sur la Terre du Feu et a gagné mon cœur. Il a aussi dit que je ne paraissais pas chilien, mais anglais, et je n’ai pas voulu le décourager en lui disant que c’était peut-être le cas ici, mais pas à Londres... ». Deux jours après à Darjeeling, la reine des montagnes : « En discutant avec le sympathique directeur du téléphérique (le plus ancien de l’Inde), il a dit de ne pas savoir qu’au Chili les gens avaient ‘fair complexion’, le teint clair. Mon interruption antiraciste ne servit à rien, car pour finir, il retourna à la sienne et affirma qu’il imaginait les Chiliens comme très semblables aux Indiens ». Plus tard arrivèrent dans mes mains les œuvres du brillant auteur bengali Nirad Chaudhuri, celui qui dans « Le Continent de Circé » écrit : « Quels que soient les vices que les anciens hindous peuvent avoir possédés, l’hypocrisie n’en a jamais fait partie (...). En ce temps-là, les hindous des temps passés (descendants des Aryens) ne dissimulaient jamais leur haine aux aborigènes, et n’avaient de cesse de le proclamer ». Ils étaient assez kiplingiens et proclamaient : « Oh, sombre est sombre et clair est clair, et jamais les deux ne pourront se rencontrer ». Puis : « Tous les hindous modernes sont obsédés par le teint clair, et ne peuvent voir aucune beauté dans une personne qui n’est pas blanche. Les anciens hindous étaient libres de cette inhibition. Cela est significatif ». Chaudhuri affirme que tout au long de leur existence en Inde « les hindous aryens n’ont jamais faibli dans leur loyauté et leur adhésion à quatre choses. En fait ils ont adoré les quatre de manière différente, et ces loyautés sont inhérentes à leur façon de vivre. Les choses en question sont les Védas, le teint racial clair, les rivières et les vaches ».

Dans ses livres, Miguel Serrano a aussi parlé du complexe indien de la couleur. Et il commente maintenant : « Les Anglais en tant que colonisateurs ont été un désastre. En Afrique, ils préféraient être avec les autruches qu’être avec un Noir. Dans mon temps en Inde, l’hôtel ‘Cecil’ du vieux Delhi avait un écriteau qui interdisait l’entrée aux chiens et aux hindous. Imaginez que les Indiens, dans leur propre maison, permettaient une telle aberration ! C’était parce qu’ils étaient brutalement humiliés. Vous qui êtes allé au Sikkim, et qui avez vu ces orgueilleux princes du Sikkim (seulement sur des photos, mais ils avaient de la majesté), eh bien, quand ils arrivaient pour étudier à Oxford les Anglais tentaient de les faire se sentir des inférieurs. Sans aller plus loin, au White Club de Londres, dans St. James Street, le Maharaja de Jaipur voulut entrer et ils ne le lui permirent pas. La reine logeait dans son palais quand elle visitait l’Inde... J’ai vu une partie de polo entre l’équipe du Maharaja et celle du Duc de Windsor... Je crois que dans son for intérieur l’hindou voyait une certaine logique dans cette attitude anglaise, parce que c’est celle qu’ils avaient eux-mêmes maintenue avant de se mélanger ».

La première phrase de sa réponse m’encourage. Les Anglais, désastre en tant que colonisateurs. Selon Dickinson, ses compatriotes ont été « parmi toutes les nations les moins capables d’apprécier les vertus de la civilisation indienne, et les plus capables d’apprécier ses défauts ». C’est aussi le ton d’une recherche récente et définitive, « India. A History », significativement écrite par un Ecossais, John Keay. Il cite le cas de Thomas Babington Macaulay, qui, envoyé en Inde au début du XIXe siècle comme « Law Member on the Governor-General’s Council », lutta pour l’objectif, selon ses propres paroles, « de créer une classe de personnes indiennes de couleur et de sang, mais anglaises dans leurs goûts, dans leurs opinions, dans leur morale et dans leur intellect. Ceux qui pourraient être des intermédiaires entre nous et les millions que nous gouvernons ». Plus tard il ajoutait : « Une seule étagère d’une bibliothèque européenne vaut plus que toute la littérature indigène d’Inde et d’Arabie... ». Je répète la citation à Miguel Serrano – avec la jubilation de l’accusateur – et je lui demande s’il est d’accord avec moi sur le fait que la seule bonne chose que les Anglais ont laissée en Inde a été la langue, qui facilite énormément la vie du voyageur. « Et pas seulement cela », confirme-t-il. « Krishna Menon ne parlait pas l’hindi, mais un dialecte du sud. L’anglais lui permettait de communiquer avec des millions de ses compatriotes. Maintenant, en reprenant ses observations, je peux lui raconter qu’Indira Gandhi m’a demandé une fois : ‘Pourquoi les Anglais nous haïssent-ils ?’, question qui lui sortait de l’âme. Je lui répondit que c’était pour une raison simple : ‘Vous possédez une tradition qu’ils ont perdue, la véritable tradition aryenne dans la philosophie’. L’Anglais n’a jamais pu pénétrer ni l’esprit ni la pensée indienne. Et il s’est senti rejeté. L’empire anglais qui est arrivé en Inde, celui de la Compagnie des Indes, n’a pas été un imperium, mais a été un empire commercial dirigé par des pirates ».

Réincarnation, Jung et hallucinés

Miguel Serrano, le Chilien protagoniste en Inde. Tout serait plus facile s’il croyait en la réincarnation. Ainsi, il suffirait de dire que dans sa vie antérieure il était déjà Maharaja. Ou Swami, ou peut-être Siddha. Comme peu d’Occidentaux, Serrano a été lié aux personnages les plus éminents de l’Inde de son époque (en ce moment sa correspondance privée avec ceux qui ont fait l’histoire est révisée pour une publication rapide). Je rappelle qu’il y a quelques années j’ai assisté à la présentation d’un livre sur l’Inde dans la Freer Gallery, faisant partie de la Smithsonian Institution, à Washington. J’achetai un exemplaire et je me mis dans la file d’attente pour avoir un autographe de l’auteur. Quand mon tour est arrivé je lui ai dit que je venais du Chili, et que j’avais un ami écrivain qui savait beaucoup sur l’Inde. « Are you talking of Miguel Serrano ? », me demanda-t-il à l’instant, surpris. Oui, le même qui est allé en Inde pour une recherche mystique. La sienne était une mission. Confiée par son Maître. Il a échoué, parce que les Chinois lui ont interdit l’accès à la montagne magique, le Kailas tibétain. Mais pas complètement. « En plus du fait que je voulais trouver les cités souterraines de l’Himalaya, les ashrams des Siddhas de la connaissance millénaire, je recherchais aussi l’origine de la mythologie et des légendes de nos peuples de la Patagonie, spécialement des Selknam de la Terre de Feu ».

- Est-il possible pour un Occidental de croire et de vivre dans le concept de la réincarnation ?

- Même si nous disons croire en la réincarnation, au fond de nous-mêmes nous n’y croyons pas, nous avons une seule vie. Et dans cette vie on joue tout. Ou on perd tout. Par contre, si les hindous affirmaient ne pas croire en la réincarnation ce serait un mensonge. Elle est en eux-mêmes. Quant au reste, la manière dont la réincarnation a été transférée en Occident, dans ses vagues dernières et définitives, a acquis un sens perverti. Quand Madame Blavatsky a parlé de réincarnation au XIXe siècle, elle l’a fait dans un sens plutôt romanesque. Par exemple « j’ai été Napoléon » ; ou « elle a été Poppée ». Mais personne ne se réincarne en mendiant. Toutefois, l’idée de se réincarner n’est pas étrangère à l’Occident : les cathares croyaient en elle. Maintenant, quel type de réincarnation ? L’idée que présente Nietzsche quand il parle de l’« éternel retour » est une réincarnation, mais d’un type différent. Bouddha parle de la réincarnation, mais ne parle jamais de l’âme. Quand on l’interroge sur l’âme il ne répond pas. Alors, qui se réincarne ? Cela peut être l’éternel retour.

- Quand le professeur Jung revint de l’Inde on lui demanda comment avait été son expérience. Il répondit que pour lui l’Inde avait été « une bonne dysenterie... ».

- On m’a remis les manuscrits originaux sur son expérience en Inde. Il considérait l’hindou comme un être non individualisé, archétypique. Il n’existait pas d’aventure individuelle. Chaque personnage était l’archétype de quelque chose. Neruda me disait sur mes employés de l’ambassade : « Ici on ne peut rien faire. Je ne peux inviter personne ici parce que ceux-là surveillent tout, avec un examen minutieux permanent ». Je lui répondis : « C’est sûr, ils savent tout, mais ils ne l’utilisent pas ». Ce n’est pas leur genre de s’arrêter aux petits détails. Quand on proposa à Jung de rencontrer le Maharishi, il répondit : « non merci... pour ça, j’ai déjà vu Ramakrishna. Ils sont tous pareils. Ils forment un archétype ». En même temps, Jung pensait que le yoga était nuisible pour l’Occident.

Concernant les hordes de d’Occidentaux qui visitent l’Inde à la recherche d’une connaissance, l’écrivain chilien sait que par ignorance et par attitude elle leur échappera toujours. En son temps il y a assisté. Je lui cite le cas lamentable de Krishnamurti (utilisé et finalement détruit) qu’il a connu. Il commente : « Krishnamurti s’est perdu. Ils l’ont pêché ici, en Occident, et l’ont déformé. La même chose arrive aujourd’hui au Dalaï-lama. Ils en ont fait une chose commerciale. Ils ne sont pas innocents ces Occidentaux qui vont déformer par leur présence envahissante l’ancien ordre de la sagesse hindoue. Ces groupes mystiques sont tous des faibles d’esprit. Ils deviennent cinglés, et on rencontre des femmes qui récitent des mantras toute la journée... C’est une absurdité ». Ce qui est immuable, c’est la dévotion de l’hindou dans ses croyances. Serrano la décrit dans « Le Serpent du Paradis » quand il visita le Kumbh Mehla d’Allahabad : « Quatre millions d’êtres se sont réunis dans la ville d’Allahabad. De grandes tours d’acier sont édifiées pour que de là on puisse regarder le spectacle et aussi pour contrôler cette mer humaine. Ici, au milieu de tout cela, je me sens comme une chaîne, perdu, envahi par un indéfinissable sentiment de respect devant des forces qui échappent à toute direction et qui se mélangent, s’unissent : les astres, la terre, l’eau, l’âme. Je traverse la foule avec difficulté, entraîné par ses vagues. Vient la procession des ‘sadhous’. Ils avancent nus, couverts de cendres, avec des faces peinturlurées, de couleur verte. Un énorme éléphant porte sur son dos un chef ou ‘guru’ ». L’éléphant a les pattes enchaînées et marche en se balançant, en cadence. Il lève sa trompe et souffle. Les cheveux du ‘guru’ sont tressés en un chignon invraisemblable, rouge, café, avec du safran et des excréments. Il est complètement dénudé. C’est le dieu Shiva ».

Je lui raconte qu’en février dernier le Kumbh Mehla d’Allahabad a réuni trente millions de personnes se baignant dans le confluent sacré le même jour. Il n’est pas surpris. Je lui informe qu’il n’y a déjà plus d’éléphants. Ils les ont interdits à cause des bousculades qui ont écrasé tant de pèlerins. Et je lui raconte aussi une expérience impressionnante dans la tente d’un guru sadhou – je fus l’objet d’une transmission télépathique très puissante –, je lui demande s’il croit que ces ascètes sages sont encore capables de manier des techniques de connaissance très anciennes, qui seraient terrifiantes si elles étaient mal utilisées. Il me répond en baissant la voix : « Bien sûr, hombre. Il existe encore, ce pouvoir de communication télépathique, bien au-delà des paroles. Cela a été ainsi et l’est encore. Dans les anciens livres hindous il est dit que ces ‘vimanas’, ou disques volants, étaient dirigés par la pensée. Le pouvoir de l’esprit qui a été perdu ».

Miguel Serrano ne rêve plus des étroites allées multicolores de l’Inde. Parfois il rêve des gens qu’il a connus, « des amis chers, comme l’a été Nehru, comme l’a été Indira Gandhi ». Mais si étrange : « Comme un monde sous l’eau, où les choses se passent dans un temps différent, et où personne ne s’ennuie, parce que les gens sont immergés dans un inconscient collectif. L’homme ne vit pas totalement dans le présent. Il a cinq mille vies derrière lui et cinq mille autres devant lui ; il n’est pas pressé. L’attrait est immense, parce que cela implique un abandon momentané de notre Moi ».

Celui qui a foulé l’Inde, il l’a aimée ou l’a détestée. Et s’il l’a aimée – et s’il l’a comprise –, le retour lui sera impératif et bénéfique. Pour moi quand arrivera ce moment je n’aurai plus de pudeurs d’écolier : la première chose que je ferai sera d’appeler le Maharaja du Cachemire. Pour parler de son Inde et de celle de Miguel. L’Inde d’une « recherche intérieure ».


Publié dans El Mercurio, 8 avril 2001
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