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Dimanche, 28 Mars 2010
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La Russie et le futur âge de l’esprit
Anatoli Filipov
Histoire :: Europe de l'Est
La Russie et le futur âge de l’esprit
« On ne peut pas comprendre rationnellement la Russie. On ne peut pas la mesurer avec un instrument de mesure. Elle a une nature spéciale. On peut seulement croire en elle. »
Fédor Tioutchev

Dans sa fameuse Lettre aux dirigeants de l’Union Soviétique Alexandre Soljenitsyne observait que la nation russe avait souffert plus que toute autre au XXème siècle. De fait, on pourrait dire que ce siècle fut l’époque du Golgotha de la Russie. Une centaine d’années d’incroyables souffrances humaines et de sacrifice national dévora des millions de vies russes. Durant les cinq premières décennies de ce siècle, le cavalier de l’Apocalypse de la famine et de la guerre ravagea l’immense terre russe. Les points de repères archaïques furent balayés et les vieilles valeurs furent renversées pour être remplacées par de nouveaux principes radicaux qui se révélèrent bientôt déficients. Les triomphes matériels spectaculaires furent accomplis au prix de la liberté et payés en sang humain.

L’effondrement de la superpuissance soviétique ne délivra pas la Russie de ses souffrances. La fin du règne communiste soumit la Russie aux pires excès du marché capitaliste. Le chaos financier, le banditisme mafieux et la corruption de la vie politique remplacèrent rapidement la stagnation et les certitudes d’un État autoritaire autrefois grand.

Déjà au XIXème siècle, le penseur politique russe Alexandre Herzen concluait : « Le désordre sauve la Russie ». Car en dépit de tous les troubles et douleurs externes, l’essence immuable et éternelle de l’âme nationale russe demeure. Cette essence ou Idée, qui ne doit rien aux politiciens ou au pouvoir terrestre, est préservée par l’humilité, un désir insatiable de vérité, des siècles de recherche de Dieu et de souffrance.

La principale fête de l’Orthodoxie russe est la fête de Pâques. Le christianisme est interprété avant tout comme la religion de la Résurrection. La souffrance est rédemptrice. Jésus souffrit sur la Croix avant de ressusciter. D’après l’ancienne sagesse, de longues épreuves et souffrances sont inévitables pour le pèlerin sur le chemin de l’illumination spirituelle, puisqu’elles conduisent à la purification. Sur le plan national, on peut dire que la souffrance purifie la société pour préparer un renouveau collectif. Il existe un but, une signification transcendante dans toutes les épreuves et les tragédies de l’existence terrestre.

Dostoievski, prophète de l’âge d’or

« Dieu a pris des graines dans d’autres mondes et les a semées sur cette terre et elles ont germé. Mais ce qui pousse ne vit et ne connaît la vitalité que par son sens du contact avec les autres mondes mystérieux. Beaucoup de choses sur terre nous sont cachées, mais en échange nous avons reçu un sens secret et caché de notre lien vivant avec un autre monde. »
Fédor Dostoïevski [1]

« Le thème de la rédemption par la souffrance », observe l’auteur américain Tim McDaniel, « est absolument fondamental pour la culture russe, et essentiel pour bien comprendre la singularité russe » [2]. Pour l’écrivain russe Fédor Dostoïevski (1821-1881), « la principale et plus fondamentale quête spirituelle des Russes est leur désir insatiable de souffrance ». Dostoïevski qualifia la nation russe de « phénomène extraordinaire », avec un caractère national unique, différent de tout autre peuple européen. « Le caractère du peuple russe », disait Dostoïevski, est « si différent de celui de toutes les autres nations européennes contemporaines, que jusqu’à présent les Européens n’ont pas réussi à le comprendre – au contraire, ils l’ont absolument mal compris. L’Europe est en train de perdre son universalité et les liens chrétiens entre les gens perdent de leur force. Contrairement à l’Europe, la capacité hautement synthétique de pan-réconciliation, de pan-humanisme, est de plus en plus forte parmi les Russes. Un Russe n’a pas la maladresse, l’impénétrabilité, l’inflexibilité des Européens. Il peut s’entendre avec tout le monde, il a l’instinct du pan-humanisme. »

Le pan-humanisme obtenu par l’amour et la souffrance et le seul antidote à l’égoïsme et au matérialisme de l’Occident. En Occident, remarquait Dostoïevski, « tout est maintenant conflit et logique », conduit par « le rêve de Rothschild », la recherche sans âme de « l’argent comme la plus haute vertu et obligation humaine ».

Par contre, « la vocation russe », pensait Dostoïevski, « est d’attendre que la civilisation européenne expire afin de prendre ses idéaux et ses buts et de les élever à une signification pan-humaine ». Peu avant sa mort, il prophétisa : « Une nouvelle Russie naîtra qui en temps voulu régénérera et fera revivre l’ancienne et montrera à cette dernière le chemin qu’elle doit suivre ». « Être un vrai Russe », dit-il à un auditoire moscovite fébrile en 1880, « signifie devenir le frère de chacun, devenir le tout-Homme. Cela signifie trouver une issue pour l’angoisse de l’Europe, dans l’âme russe toute-humaine et toute-unifiante ». Le pan-humanisme russe est une nouvelle idée mondiale ouvrant la voie à un stade supérieur de civilisation, où les conflits seraient résolus en créant un « concert de toutes les nations dans l’Évangile du Christ ». Dostoïevski écrivit : « Le soleil se lève à l’Est, et c’est de l’Est que le jour nouveau viendra pour l’humanité. Quand le soleil brillera dans toute sa gloire, alors on comprendra ce que sont les vrais “intérêts de la civilisation”. »

Fedor Dostoïevski est un vrai prophète du retour de l’âge d’or perdu. Ses écrits nous emmènent « du réel au plus réel », alors qu’il cherche le sens de la vie dans les profondeurs de l’expérience humaine. Il plaçait son espoir pour le futur non pas dans les « fourmilières » de l’Occident capitaliste, mais dans un nouvel âge d’or de « communauté fraternelle, le sacrifice de soi, volontaire et totalement conscient, dans l’intérêt de tous, fait sans aucune contrainte ». Voilà le destin de la Russie, sa mission mondiale. « Les nations sont mues », lisons-nous dans Les Possédés, « par une force dont l’origine est inconnue et inexplicable. C’est ce que les philosophes appellent le principe esthétique ou moral ; je l’appelle simplement la quête de Dieu ».

Les occultistes européens appréciaient Dostoïevski comme un initié de la sagesse ésotérique et certains auteurs modernes se demandent s’il n’a pas été membre d’une société secrète. Ses écrits montrent la profonde influence d’un mysticisme chrétien imprégné de gnosticisme, et nous savons que durant toute sa vie il communiqua avec des dissidents religieux russes comme les Vieux-croyants. « L’œuvre créative de Dostoïevski est eschatologique de bout en bout », disait le philosophe russe Nicolas Berdiaev. « Il s’intéresse seulement à l’ultime, seulement à ce qui est orienté vers la fin. Son art prophétique consiste dans le fait qu’il a révélé le fondement volcanique de l’esprit ; il a décrit la révolution intérieure de l’esprit. C’est précisément dans Dostoïevski que la conscience messianique russe se fait le plus profondément sentir… C’est à lui que les paroles “Le peuple russe est un peuple porteur-de-Dieu” appartiennent. » [3]

Le troisième royaume

« Tout ce qui nous est visible
N’est qu’un éclair, une ombre
De ce qui ne peut pas être vu
Par l’œil. »
Vladimir Soloviev (1853-1900)

Comme Dostoïevski, la talentueuse poétesse russe Zinaida Gippius (1869-1945) attendait l’aube de l’âge d’or, où la terre s’unirait au ciel en un royaume merveilleux. Et comme Dostoïevski, Gippius voyait la tragédie de l’existence humaine dans l’aliénation de l’homme vis-à-vis du monde spirituel et dans la superficialité de la simple foi en Dieu. Beaucoup de ses écrits expriment l’épreuve de l’esprit dans ses tentatives de se libérer de la réalité matérielle et de s’envoler vers le ciel.

Gippius et son mari, le célèbre romancier et critique russe Dimitry Merezhkovsky (1866-1941), distinguaient trois phases dans l’histoire de l’humanité et son avenir. Ces phases représentent trois royaumes différents : le royaume de Dieu le père, le créateur – le royaume de l’Ancien Testament ; le royaume de Dieu le fils, Jésus-Christ – le royaume du Nouveau Testament, la présente phase qui est en train de se terminer ; et le royaume du Saint Esprit, de la divine Sophia (la sagesse) – l’ère du Troisième Testament, qui va bientôt commencer, délivrant graduellement son message à l’humanité. Le royaume de l’Ancien Testament a révélé le pouvoir et l’autorité divins comme vérité ; le royaume du Nouveau Testament révèle la vérité par l’amour ; et le royaume du Troisième Testament révélera l’amour comme liberté intérieure.

De même que les royaumes précédents symbolisent un changement dans la conscience humaine, le Royaume final du Troisième Testament doit être inauguré par une nouvelle conscience religieuse, la genèse d’une nouvelle humanité. Le Troisième Testament résoudra toutes les antithèses actuelles – sexe et ascétisme, individualisme et société, esclavage et liberté, athéisme et religiosité, haine et amour. L’énigme de la Terre et du Ciel, de la chair et de l’esprit, sera résolue dans le Saint Esprit. Le Saint Esprit rachètera le monde, donnant à l’humanité une nouvelle vie dans la paix, l’harmonie, et l’amour. Le Trois en Un sera réalisé, et le christianisme spirituel – poussé à la clandestinité depuis bien longtemps – sera révélé au grand jour. Dieu le Père et Dieu le Fils seront synthétisés par le Saint Esprit, la sagesse divine. L’accent que le couple Merezhkovsky plaçait sur le Saint Esprit rappelle la pensée de Dostoïevski : « Le Saint Esprit est une conception directe de la beauté, une conscience prophétique de l’harmonie et par conséquent un effort résolu vers celle-ci. »

En propageant leur « Cause du Trois en Un », Gippius et Merezhkovsky espéraient une révolution religieuse, une métamorphose spirituelle de l’homme pour le préparer au Troisième Royaume. D’après Gippius, le but de tout développement universel-historique est la fin de l’humanité et du monde dans leur forme actuelle, par l’Apocalypse. Seule la venue du Christ unira l’humanité dans l’amour fraternel et l’harmonie comme une seule famille vivante. À ce moment de l’évolution spirituelle de l’humanité, l’Église apocalyptique sera établie, non comme un temple, mais comme une nouvelle expérience de Dieu dans la conscience humaine et dans l’âme humaine.

Gippius et Merezhkovsky exprimaient l’idée messianique qui est au cœur de la vie russe. En cela ils s’inspiraient des doctrines eschatologiques populaires parmi les gnostiques et les sectes religieuses russes. Depuis ses origines, la pensée russe était saturée d’un dualisme gnostique particulier, caractérisé par une lutte constante entre les puissances du mal qui organisent la terre (et la vie terrestre) et les forces du bien qui cherchent la cité de la vérité et de la justice à venir. Gippius et Merezhkovsky voyagèrent profondément dans la Russie au-delà de la Volga, pour rendre visite aux mystiques russes dans leurs monastères à l’écart du monde. Sur la route de Kerzhenets, près de la légendaire cité invisible de Kitezh, ils rencontrèrent des représentants de diverses sectes mystiques. Merezhkovsky entretint une correspondance avec certains de ces gnostiques russes et Gippius écrivit une nouvelle décrivant, avec une grande connaissance directe, les rites secrets de la communauté gnostique des Khlysty.

Les Khlysty, connus sous le nom de « gens de Dieu », étaient les héritiers des bogomiles et des premiers gnostiques chrétiens. Sauvagement persécutés par l’Église orthodoxe officielle, ils préservèrent leurs enseignements en secret. Ils ne se rencontraient pas dans des églises mais dans des lieux isolés habituellement connus sous le nom de « Jérusalem » ou de « Mont Sion ». Ils ne célébraient pas un service solennel mais une « réjouissance ». Ils ne formaient pas une congrégation mais une « arche », et étaient conduits non par un prêtre mais par un « pilote » pour le voyage menant du monde matériel au monde spirituel – jusqu’au septième ciel où les hommes pouvaient redécouvrir leur divinité perdue. Les moyens de l’ascension se trouvaient en partie dans l’« alchimie de la parole » – des hymnes et des chants spirituels qui produisaient un état d’extase, un sentiment de libération vis-à-vis du monde matériel. Les Khlysty n’étaient que l’une des nombreuses communautés chrétiennes spirituelles qui donnaient leur allégeance non pas à l’Empire russe ou à l’Église officielle, mais au Troisième Royaume. Le plus important de leurs commandements était : « Croyez au Saint Esprit ».

En recherchant la liberté de l’esprit, l’étincelle divine intérieure, les Khlysty rejetaient toutes les lois et institutions terrestres. Un chrétien spirituel guidé par le Saint Esprit n’avait pas besoin d’obéir à une loi externe quelconque. Le rapport officiel du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe, en 1900, reconnut que les Khlysty étaient la plus influente de toutes les sectes. Un éminent missionnaire de l’Église déclara en 1915 que les Khlysty avaient envahi toute la Russie et que sous une forme ou sous une autre la secte était présente dans toutes les provinces.

Révolution spirituelle

Après la Révolution bolchevique, beaucoup de gens qui avaient jadis placé leurs espoirs dans la religion et la magie se tournèrent alors vers la science et la technologie. Les bolcheviks adaptèrent les idées, les symboles et les techniques occultes à la propagande politique. Des idées occultes et quasi-occultes nourrirent les débuts de l’utopisme soviétique, imprégnèrent la littérature et les arts, et contribuèrent au culte de Lénine [4]. Zinaida Gippius et Dmitry Merezhkovsky pensaient que la Révolution bolchevique était une perversion diabolique des influences spirituelles du Troisième Age approchant, une parodie monstrueuse et catastrophique du Royaume de l’Esprit. Après avoir fui la Russie, Merezhkovsky explora les liens entre le peuple russe et les dénommées tribus perdues d’Israël. Dans les prophéties bibliques des Israélites dispersés, il vit le présage du sort catastrophique de la Russie, et condamna le bolchevisme comme représentant l’Antéchrist.

D’autres mystiques et dissidents religieux russes accueillirent la Révolution bolchevique comme une partie nécessaire de l’accomplissement du plan divin par la Russie. Le fait même que la Révolution avait eu lieu en Russie était une démonstration frappante de la mission historique unique de la Russie. Avant la première guerre mondiale, le « fou de Dieu » Marfa Medvensky, dont les déclarations prophétiques avaient un grand succès populaire, avait délivré un « verdict de mort sur toutes les manifestations externes de la religion, tous les sacrements, tous les rituels, toutes les institutions humaines ». La prise de pouvoir des communistes en octobre 1917 mit fin aux cruelles institutions de l’Église et de l’Empire, qui persécutaient depuis si longtemps les chrétiens spirituels de la Russie.

« La république est pour l’esprit, la Mère Russie est pour le cœur. La république est pour l’esprit, la cité de Kitezh est pour le cœur. » (Nicolas Kliuev)

Alexandre Blok (1880-1921), le plus grand poète russe du début du XXème siècle et contemporain du couple Merezhkovsky, écrivit en 1918 : « Je vois devant moi la Russie, cette Russie que de grands écrivains ont vue dans leurs terrifiants rêves prophétiques. Je vois cette Petersburg que Dostoïevski voyait, cette Russie que Gogol appelait une troïka rapide. La Russie est destinée à subir les souffrances de l’humiliation et de la division. Mais elle sortira de ces humiliations renaissante et grande d’une nouvelle manière ». Avec une vision intérieure, il prédisait : « La Russie est un grand navire qui est destiné à faire un grand voyage ».

S’inspirant de Dostoïevski et de la tradition mystique russe, Blok discerna dans le bolchevisme les premiers rayons d’une renaissance nationale cosmique. Son poème Les Douze saisissait la dimension spirituelle au-delà du chaos externe de la Révolution. A la fin du poème, le Christ apparaît devant les soldats de l’Armée rouge bolchevique, symbolisant le destin spirituel final de la Russie.

La révolution communiste et l’expérience soviétique peuvent être comprises comme les douleurs de l’enfantement du Troisième Age, la manifestation sur le plan terrestre d’une transition spirituelle entre une ère et la prochaine. La mise en œuvre dans l’histoire mondiale d’une phase de la grande bataille cosmique. Dans la Révolution bolchevique, les vieilles idées du Premier Royaume, le pouvoir et l’autorité, rivalisaient avec l’exigence affaiblie du Deuxième Royaume, le service et l’égalité absolus. En exprimant tous ces éléments, la Russie révélait un désir intérieur pour le Troisième Royaume. Mais l’élément crucial qui manquait était la liberté spirituelle. La liberté pour l’homme intérieur, la réalisation de Dieu en lui.

L’Idée Russe qui se trouve au cœur éternel de la vie et de la culture russes est l’idée de communauté et de la fraternité de l’homme. Elle est apocalyptique et messianique, inaugurant la nouvelle ère du Saint Esprit, une ère d’amour, de pan-humanisme et de liberté intérieure. La civilisation européenne occidentale laïque et rationnelle a fait l’erreur de prendre la liberté d’exploiter et de consommer pour la vraie liberté de l’esprit. Une civilisation laïque, exhibant un besoin arrogant de rejeter tout ce qui n’est pas jugé matériellement utile, ferait bien de tenir compte de l’Idée Russe. Selon les mots de Nicolas Berdiaev : « Le peuple russe, en accord avec son Idée éternelle, n’a pas d’amour pour l’organisation de cette cité terrestre, et lutte pour une cité qui est à venir, pour la nouvelle Jérusalem. L’esprit de communauté et la fraternité de l’humanité sont une nécessité pour la nouvelle Jérusalem, et pour les atteindre il faudra encore faire l’effort de faire l’expérience d’une ère du Saint Esprit, dans laquelle il y aura une nouvelle révélation sur la société. C’est à cela que la Russie est en train d’ouvrir la voie. » [5]

À la fin de ce siècle nous voyons les Trois Royaumes exprimés dans trois mentalités humaines distinctes. Pour les gens du Premier Royaume, Dieu est surtout un maître d’école sévère, leur pensée est dirigée vers le pouvoir et l’autorité. Ils cherchent à se conformer à la loi et à l’ordre externes. Leur Dieu requiert adoration et obéissance, exigeant : « Tu ne feras pas ». La mentalité du Deuxième Royaume est typiquement une mentalité de service et de partage. Dieu descend vers l’humanité dans la personne de Jésus le Christ et est adoré à travers des actes de service envers l’humanité. Même les événements politiques et sociaux contemporains montrent les tensions entre ces deux modes de conscience. Dans le Troisième Royaume à venir, les êtres humains recherchent Dieu en eux-mêmes. Toutes les oppositions et les luttes qui caractérisent si bien les deux premières ères sont réconciliées. Le Troisième Âge est un âge de vie communautaire fraternelle et le règne du Saint Esprit, une ère d’amour et de liberté. C’est l’âge de l’Esprit qui inspirait Dostoïevski, comme il inspira tous les chercheurs de la vérité à travers toute l’histoire.

Quand la Russie suit des principes développés par d’autres peuples et étrangers à l’Idée Russe, elle subit inévitablement la souffrance et l’esclavage, incapable de réaliser son destin spirituel d’annonciatrice de l’âge de l’Esprit. La mission de la Russie est extraordinaire, mais elle n’existe que potentiellement. La Russie soviétique et la Russie capitaliste postcommuniste ont toutes deux échoué à libérer le pouvoir de l’esprit.

Au troisième millénaire de l’ère chrétienne, la Russie crucifiée descendra de la Croix à laquelle elle a été clouée et construira un brillant nouvel avenir pour elle-même et pour les autres. Ce jour-là, la Mère Russie donnera naissance à de nouvelles voies et ne répétera pas les erreurs de l’Occident, qui a concentré tous ses pouvoirs à construire l’homme extérieur et a complètement oublié d’édifier l’homme intérieur. Durant ce siècle sanglant la providence a préparé la Russie, dans le creuset de la souffrance, à un avenir meilleur. De la Russie viendra une troisième culture qui sera différente et supérieure au marxisme matérialiste et au libéralisme capitaliste. De même qu’au début de ce siècle les penseurs russes ont planté les graines du mouvement du Nouvel âge, durant le prochain siècle la Russie verra l’émergence du Troisième Testament, l’aube de la Troisième Ere, l’Âge de l’Esprit.

Le poète Rainer Maria Rilke partageait la conviction du philosophe allemand Nietzsche, selon qui, bien que Dieu fût mort en Occident, il continuait à vivre en Russie. Avec la vision profonde d’un poète-prophète, il écrivait : « Si j’étais venu sur cette terre comme un prophète, je prêcherais toute ma vie que la Russie est le pays élu au-dessus duquel se tient l’immense main de sculpteur de Dieu, comme dans une action providentiellement retardée : tout ce dont elle a besoin est de descendre sur ce pays, mais l’accomplissement de son destin doit être plus lent et plus clair. »

notes

1 - Fédor Dostoïevski, Les Frères Karamazov.
2 - Tim McDaniel, The Agony of the Russian Idea.
3 - Nikolai Berdiaev, L’Idée russe.
4 - The Occult in Russian and Soviet Culture, présenté par Bernice Glatzner Rosenthal.
5 - Nikolai Berdiaev, L’Idée russe.
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