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Vendredi, 24 Février 2012
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Internet : du virtuel poétique au réel prosaïque
Claude Bourrinet
Théoriciens :: Autres
Internet : du virtuel poétique au réel prosaïque
De l’utopie internet

Marshall MacLuhan, dans les années 50, alliait contenu du message et nature du canal utilisé : pour lui, toute l’évolution des mass medias annonçait le « village planétaire ». C’est avec l’Internet que semble se réaliser cette utopie.

L’action fascinante d’une technologie révolutionnaire n’est pas sans rappeler le pouvoir de Méphisto dans Faust. Car sa magie arrache au réel, considéré comme un nœud de contraintes. Par enchantement, l’espace n’est plus un problème, ni le temps, puisqu’on est en prise directe avec n’importe quelle partie du monde. Les frontières ont disparu, et surgit, sur l’écran, une ouverture infinie sur l’univers. L’individu, alors, semble, grâce à la souris et au clavier, maîtriser la vie, d’où un sentiment de liberté absolue, d’autonomie au sens propre, d’évasion, de possibilités illimitées d’exprimer désirs et volontés. La parole du serpent biblique résonne alors étrangement : « Vous serez comme des dieux ». Même la mort semble vaincue, par l’existence électronique d’un profil numérique, qui peut survivre à la vie biologique de son concepteur.

Dans les années 50, le cybernéticien Norbert Wiener liait libre circulation des flux informationnels et savoir. Plus les échanges s’intensifient, plus s’approfondit ce que Teilhard de Chardin a nommé la « noosphère », cette communauté globale fondée sur la connaissance. La communication est donc le vecteur essentiel de rapprochement entre les hommes. L’interconnexion entre ordinateurs sera la source, à partir d’un protocole commun TCP/IP, qui fera figure de langue universelle et gage d’une transparence totale, d’un monde meilleur doublant une réalité décevante car opaque et génératrice de conflits.

A l’utopie libérale

Plutôt que d’Utopie faudrait-il parler d’« écotopie ». Le « lieu » de l’économie, de ses flux d’hommes et de marchandises, est le monde globalisé. Le nomadisme, réel ou virtuel, la culture du tarmac ou de l’écran virtuel, est sa nouvelle pratique. La société de consommation offre en outre toutes les illusions de la puissance, de la satisfaction sensorielle, de la réalisation du désir pulsionnel. Par la magie d’un clic de souris, dans une immédiateté presque irréelle, il est loisible de croquer les fruits d’une abondance à portée de clavier. L’homo oeconomicus est devenu l’homo numericus, et a remplacé l’homo politicus. Car on échappe par la même occasion à la complexité de la société, de ses conflits obsolètes, archaïques. Tout est tellement plus simple en optant, sur un écran qui est chez soi, bien au chaud, en sécurité, pour le Bien, et contre le mal ! Peut-être un jour une cyberdémocratie radieuse naîtra-t-elle à l’échelle mondiale ?

La réalité libérale telle qu’en elle-même

L’Utopie de l’Internet est avant tout une dystopie, une contre-utopie. La technique n’est jamais neutre, elle moule et engage les relations sociales. Les liens risquent de se tisser au-dessus du vide. Les réseaux sont autant de ghettos, où le même recherche le même, et qui se croisent sans se mêler. Loin de maîtriser le temps, on le fragmente, on n’y échappe pas, notre être en est émietté, comme une identité flexible, protéiforme, à géométrie variable, parfois volatile ou dissimulée derrière des simulacres, des pseudonymes, pétrie de nos phantasmes, de nos lubies, de nos insatisfactions, de nos ressentiments.

Loin d’être différenciés, nous sommes livrés aux sollicitations du mimétisme de masse, de la publicité, des modes. La manipulation, commerciale ou politique, n’a jamais été si présente, dans notre bureau, dans notre chambre. On suscite de fausses révolutions avec des blogs, des rumeurs, des articles de propagandes, et des réalités si bien forgées qu’elles remplacent la vraie.

Car loin d’approfondir l’esprit critique grâce à l’accès à une masse édifiante de documents et d’informations, l’Internet nous noie dans le flot, dans un tsunami où tous les « chats » ont de la peine à respirer. La technique, selon le mot de Heidegger, crée une « l’uniformité sans distance ». La surface plane de quelques centimètres carrés suscite une cataracte de stimuli auxquels nous réagissons par des impulsions. L’internet est réactif avant de solliciter une action qui ne peut, par définition, qu’être virtuelle. On se trouve quitte à cliquer sur la case pour ou contre, en croyant faire de la politique. Lorsqu’on n’est pas digéré par l’industrie de l’entertainment, et qu’on se pique de culture et d’esprit critique, on remplace la durée indispensable, selon Hannah Arendt, à toute connaissance approfondie, pour copier/coller et papillonner de site en site, de manière spasmodique.

Mais le grand absent de l’Internet est, en définitive, le corps. Non pas seulement notre dimension physique, mais les liens sensoriels qu’il entretient avec le monde réel, qui ne serait, somme toute, pour l’univers virtuel de la cybernétique, qu’une fenêtre de plus. Une représentation numérisée de fleur ne remplacera jamais son odeur, la consistance inexprimable de sa corolle et la volupté de son toucher ; une rue animée, l’aimantation des regards qui se croisent ou des étoffes qui se frôlent ne peuvent être transcrits dans l’œil impassible de l’écran ; les rires enveloppants, la sueur et l’ambiance embuée d’un bistrot sont intraduisibles si manque la présence; un tableau vit de mes déplacements qui changent ses couleurs et ses lignes ; une architecture prend toute son ampleur et son sens si j’y glisse mon épaisseur d’existence pour en saisir les fuites, les creux et les arrêtes, les rondeurs et les bosses, ainsi que son rythme et sa respiration.

L’Internet démultiplie la société de l’arrachement, accroît le processus de déterritorialisation, d’abstraction marchande et d’aliénation du vivant. Il n’est que la fébrile neurasthénie d’un système technicisé qui voudrait nous prodiguer l’existence en la travestissant, comme un Frankenstein créant un monstre à partir des cadavres de nos rêves.
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