contact presentation soutien proposer article contact
transp
 
actualite
blank
blank
Éditorial
Politique
Étranger
Tribune libre
theoriciens
Yockey
Thiriart
Douguine
Evola
Autres
histoire
France
Italie
Espagne
Amérique latine
Allemagne
Pays anglo-saxons
Europe de l'Est
Autres
imperialisme
Entretiens
Antiaméricanisme
Antisionisme
Varia
spiritualites
Alternatives religieuses
Tradition
Varia
liste
liste
detail
sites nc
snc
accueil
recherche
recherchez
avancee
Mercredi, 2 Novembre 2011
imprimer
mail
Le général Fuller, un soldat et un magicien
Stuart Dennis
Spiritualités :: Alternatives religieuses
Le général Fuller, un soldat et un magicien
« Boney » Fuller, souvent présenté comme « le Général intellectuel », fut à la fois un occultiste, le premier biographe d'Aleister Crowley et un des principaux partisans du fascisme en Grande-Bretagne. Il sacrifia sa carrière militaire à ses recherches non-conformistes et à son association avec ces croyances hérétiques.

L'hérétique

John Frederick Charles Fuller naquit en 1878. Il était le fils d'un pasteur anglican. Il devait raconter plus tard qu'il devint un hérétique à l'âge de cinq ans. Alors qu'il avait onze ans, il illustrait à profusion les lettres qu'il adressait à sa mère avec des diables et des châteaux de caractère gothique... Ce furent les premiers signes de son stupéfiant talent d'artiste .

Solitaire, court de taille et osseux, il entra dans une classe militaire au Collège de Malvern en 1893 pour s'y préparer à une carrière soldatique. En 1897, il fut admis à Sandhurst. A cette période il écrivit à sa mère au sujet des hypocrites et des sot qui le stigmatisaient comme hérétique « parce que je refuse de croire à la réalité de certaines fables comme celle de Jonas avalé par une baleine. » Déjà avec un esprit philosophique, il écrivait que le but de la vie n’était ni le bonheur ni la souffrance mais le « développement ». De semblables préoccupations intellectuelles devaient être bien rares chez les élèves-officiers de Sandhurst.

L'armée

Fuller fut nommé, en 1898, au sortir de l'école, lieutenant de l'Oxfordshire Light Infantery stationné en Irlande. Ses occupations ne cadraient pas avec les passe-temps bourgeois des autres officiers. Il occupait la plupart de son temps libre à lire des auteurs grec et des ouvrages de philosophie scientifique. Il s'intéressait aussi à la peinture avec un goût particulier pour Rossetti et Rembrandt. Alors qu'il était officier de renseignement pendant la guerre des Boers, il entreprit d'écrire des poésies.

Il commença également à élaborer sa conception critique de la doctrine et de la tradition militaire qui devait faire de lui, un jour, le principal apôtre de la modernisation militaire. Il maudissait aussi, dès cette époque, la démocratie et les masses.

Affecté aux Indes en 1903, Fuller s'intéressa à la culture locale et à l'occultisme. Non pas qu'il crut à la réalité du surnaturel mais il désirait trouver la signification cachée derrière l'apparence des choses. Il rencontra des yogis et des saints hommes hindous et il commença à pratiquer le yoga.

Aleister Crowley

« Maudit les !, maudit les !, maudit les !, Avec ma tête d'aigle je crève les yeux de Jésus alors qu'il est suspendu sur la croix.»
Liber legis (III, 50-51)

Fuller avait déjà, je ne sais dans quelles circonstances, entendu parler du poète Aleister Crowley. Au milieu de l'année 1905 Crowley était à Darjeeling dirigeant sa malheureuse expédition vers le Kangchenjunga. Fuller lui écrivit pour lui acheter ses livres.

Le capitaine Fuller écrivait alors pour l'Agnostic Journal. Quant à ses idées politiques il les résumait dans une lettre à son frère : « Le socialisme n'est que l'écume du chaudron démocratique. Le socialisme est opposé au progrès, il tend à niveler le plus élevé à l'aune du plus bas. »

C'était ce mépris pour tout ce qui concernait les masses, de la chrétienté à la démocratie, qui était à l'origine de son désir pour une « nouvelle spiritualité ».

En congé de maladie en Grande-Bretagne en 1906, il rencontra Crowley dans un hôtel sur le Strand. Il s'inscrivit aussitôt au concours littéraire que Crowley organisait pour promouvoir sa poésie. Fuller fut le seul participant et le résultat fut la biographie de Crowley The Star in the West.

Crowley reconnaissait en Fuller un militant vaillant contre la chrétienté qui au contraire des divers agnostiques, athéistes et rationalistes de l'époque, était indifférent à la respectabilité. Tous les deux détestaient également les agitateurs socialistes du prolétariat. Crowley écrit à son sujet dans ses mémoires : « Il combattait vaillemment contre la chrétienté au côté de William Ross Steward, qui était le dirigeant d'une des principales branches de l'agnosticisme militant. »

Pendant ce temps la Rationalist Press Association avec qui Fuller était associé, n'avait pas été capable d’organiser la défense de ses partisans contre les poursuites menées au nom des Blasphemy Laws et de ce fait « l'armée de Satan » comme Crowley nommait ce mouvement était au bord de l’éclatement.

« Fuller faisait totalement un avec moi sur la question de l’attitude envers la Chrétienté. Nous la considérions comme historiquement fausse, moralement infâme, politiquement méprisable et socialement pestilentielle. Nous déplorions le fait que les militants de l’athéismes d’alors ne soient pas des aristocrates comme Bolingbroke. Nous n'avions rien à faire avec les sordides écrivains des taudis et avec les râleurs de Hyde Park qui avaient remplacé les aristocratiques libres-penseurs du passé. Nous nous considérions nous-mêmes comme des chefs, mais les seules troupes à notre disposition étaient soit des mercenaires, soit la masse. »

Malgré les études de Fuller et sa pratique du yoga, de la philosophie hindoue et apparemment de son admiration pour le caractère viril de l'Islam. Crowley prétend que Fuller était résistant à toute forme de magie ou mysticisme. Il n'avait pas l'intention de mentionner quoique ce soit de cela dans The Star in the West. Crowley le persuada qu'une telle omission rendait l'essai incomplet. D'où le chapitre sept de The Star qui est, comme Crowley le décrit : « une très complète et juste exposition de mes opinions et il est spécialement à remarquer que dans les cent trente trois pages il n'y a pas de référence au Livre de la Loi. »

Crowley à cette époque n’avait pas encore accepté le Liber legis, considérant lui-même son contenu comme détestable. Il envoya cependant une copie du manuscrit à Fuller, s'attendant à ce que celui-ci le considère comme les divagations d'un loufoque. A la surprise de Crowley, la réaction de Fuller fut enthousiaste. Ce n'est peut-être pas si surprenant que cela le paraît puisqu’en dehors du mysticisme le Liber legis reflète de manière poétique un anti-démocratisme aristocratique et martial, thèses que Fuller lui-même défendait.

L’Equinoxe

En 1907, Crowley créa son propre ordre magique pour supplanter la Golden Dawn. Il l'appela la Silver Star ou Argenteum Astrum (AA). Fuller fut un des deux premiers initiés (l'autre étant George Cecil Jones).

Fuller fut aussi impliqué dans la publication de The Equinox, le luxueux organe de l’ordre, qu'il subventionna et auquel il collabora. Parmi les critiques que Fuller écrivit sous les initiales AQ il y eut la critique de Paganism and Christianity de JA Farrar («Un bon livre qui nous fait regreter d'être né après le Christ.»), celle de The Signs and Symbols of Primordial Man de Churchward («Si l'utilitaire progresse dans les prochaines années comme il l’a fait dans celles qui viennent de s’écouler, bientôt certains individus se revendiquant du socialisme déposséderont le monde de ses derniers grands monuments et construiront des petites maisons pour les travailleurs avec les pierres et les briques des Pyramides, cela parce qu'elles seront ainsi beaucoup plus utiles . »)

La rupture avec Crowley

Bien que l'engagement de Fuller dans l'occultisme dura toute sa vie, son association avec Crowley fut relativement courte. Il semble que les intrigues de George Raffalovitch, fils d'un banquier juif russe qui développait un certain intérêt pour la magie et subventionnait Crowley, y aient été pour quelque chose. Lors d’un voyage de Crowley en Algérie en 1909, il tenta plus ou moins de prendre sa place et «insinua un millier de mensonges malveillants» concernant le maître Thérion parmi ses amis y compris Fuller.

La rupture définitive se produisit en 1911 quand Cecil Jones poursuivit The Looking Glass, une feuille à scandale, à cause d’allégations d'immoralité et d'homosexualité. Le procès se termina par la défaite de Jones et davantage d'hystérie médiatique contre Crowley. Fuller qui craignait pour sa carrière, trouva la situation intolérable et se retira.

Cependant, ils gardèrent tous les deux du respect pour leurs talents intellectuels et Crowley cite Fuller à de nombreuses reprises dans ses Confessions. Crowley essaya de renouer le contact avec Fuller entre 1920 et 1924 mais sans résultat.

Hérésie militaire

«Je vous donnerai un engin de guerre. Avec cela vous châtierez les êtres humains et personne ne se tiendra debout devant vous. Cachez vous ! Retirez-vous ! Sur eux ! Ceci est la loi de la bataille de la conquête.»
Liber legis (3, 7-9)

Pendant ce temps, Fuller avait commencé à se faire un nom comme un militaire rebelle, préconisant dans ses manuels militaires, et ailleurs, l’utilisation de nouvelles tactiques et de la mécanisation à un moment où la cavalerie était encore un corps sacro-saint.

En dépit de ses efforts pour aller au front, Fuller passa la plupart de son temps durant la Première guerre mondiale, à planifier les opérations se déroulant en France. Continuant dans le même temps à écrire des articles et des livres sur la science de la guerre et y attaquant les tactiques conventionnelles.

Promu major en 1916, Fuller fut invité à écrire un cours de recyclage pour les officiers et les sous-officiers. Ce fut le début de l'Ecole de perfectionnement des officiers.

En 1917, Fuller fut affecté au Corps des tanks où il fut nommé responsable de la formation, du renseignement et des opérations. A cette époque, il était décrit par un collègue, le Capitaine Charteris, comme « Un soldat profondémment original, prolifique en idées, à l'aise pour s'exprimer, à couteau tiré avec l'opinion admise, l'autorité et la tradition ... Il pouvait parler d'une façon amusante et paradoxale sur tous les sujets. Ses spécialités étaient les religions orientales à propos desquelles il pouvait être déconcertant, le spiritualisme, l'occultisme, l’histoire militaire et la théorie de la guerre ...»

En 1917, Fuller écrivit le premier manuel d'instruction sur la tactique des blindés. En 1918, il commanda la première grande attaque avec des chars qui fut menée contre la ligne Hindenburg. Défendant la thèse du rôle offensif plutôt que défensif des tanks il fut nommé cette même année à l'Etat-Major Général de l’armée britannique pour prendre en charge l’ensemble de la cavalerie blindée. Son Plan de 1919 pour une stratégie offensive des tanks fut adoptée par les Allemands durant la seconde guerre mondiale et fut très généralement utilisé pendant les guerres Israélo-Arabes. La stratégie étant de paralyser le commandemment ennemi (le cerveau) plutôt que les forces combattantes (le corps).

Nommé responsable de toutes les formations blindées de l'armée anglaise, il réussit à obtenir que le corps des tanks soit constitué en formation séparée de l'armée en 1923. Entre 1918 et 1920, il publia son propre journal consacré à l’arme blindée le Weekly Tank Notes. En 1919, il reçut la Gold Medal Military Essai Prize. Mais son insistance pour que la cavalerie soit remplacé par les tanks lui fit des ennemis parmi de nombreux officiers britanniques de tradition mais lui donna des disciples en France (on estime habituellement qu’il influença un certain Charles de Gaulle) et en Belgique.

A la fin de la guerre il envisagea de démissionner, étant en désaccord avec l'influence des USA sur le monde de l'après-guerre, avec le rôle joué par la Société des nations dans les affaires internationales, avec les combinaisons politiques lors des négociations de paix et avec le rôle que les politiciens souhaitaient accorder à l'armée. Cependant, Fuller décida de rester sous l’uniforme pour défendre le rôle du nouveau Corps des tanks. Il commença aussi à envisager une «science de la guerre» nécessaire selon lui pour réformer non seulement le militaire, mais aussi toute la nation et l'être humain lui-même.

Destruction créatrice

Les vues de Fuller sur la guerre étaient de nature ésotérique et philosophique. «Sans guerre il n'y aurait rien pour faire faire sortir les prêteurs d'argent du temple de l'existence humaine. Le vrai but de la guerre est de créer et non de détruire» écrivit-il dans Reformation of War en 1923. Dans ce livre, il introduisit plus de termes politiques et philosophiques que jusqu'alors. La guerre y était caractérisée comme « le dieu de la destruction créatrice, ce sinistre iconoclaste synthétique » et il insistait sur le fait que «les grandes nations sont nées dans la guerre parce que la guerre est le point focal de la concentration nationale. Les grandes nations se délabrent dans la paix.» Il se déclarait aussi en faveur d’un développement darwinien par l'Etat de ses citoyens favorisant les plus forts plutôt que les plus faibles. Un thème qui est aussi thélémique que son éthos martial, souvenons-nous du Liber legis (II, 17-21) : «Nous ne sommes pas pour les pauvres et tristes. La compassion est le vice des rois : écrasons les malheureux et les faibles. C’est la loi des forts, c'est notre loi et la joie du monde.»

Reformation of War introduit dans l’œuvre de Fuller des thèmes qui seront dorénavant récurrents dans la plupart de ses écrits : l’opposition à la démocratie parlementaire, au socialisme et à la Société des nations. Le livre sera rapidement un bestseller.

Comme instructeur d'état-major à l’Ecole de guerre, Fuller abandonna le curriculum habituel de ses prédécesseurs, demandant à ses étudiants d'étudier la philosophie grecque, l'histoire militaire napoléonienne et l’œuvre de Gustave Le Bon

La guerre comme magie

L'occultisme continua à être une partie intégrale de la pensée de Fuller. Il écrivit un article sur les « Black Arts » dans le numéro d'avril 1923 de The Occult Review. En 1926, il publia Yoga : a Study of the Mystical Philosophy of the Braminhs and Buddhists définissant sa pratique comme menant à la maitrîse sur l'inconnaissable et se décrivantt lui-même comme «un chercheur de Vérité ». En tant que soldat, la guerre était pour lui la façon de trouver cette dernière.

L'occultisme, en vérité, forma la base de sa science militaire. Dans Foundations of the Science of War (1926), il décrit la science militaire comme étant basée sur une nature triple des choses à l'intérieur de l'interaction entre soi-même et l'univers, entre l'inertie et le changement. Le temps est divisé en passé, présent et futur; la force en énergie, déplacement et masse; l'esprit en connaissance, foi et croyance; la nature en terre, eau et air; l'humanité en hommes, femmes et enfants; la matière en solides, liquides et gaz; l'homme en esprit, âme et corps. Le corps à son tour a une organisation triple : structure, commande, entretien. Les trois éléments sont stabilité (négative), activité (positive), coopération (relative).

Fuller appliquant cette règle numérique à la science militaire, les guerres sont basées sur trois forces : mentale, morale et physique, ce qui équivaut respectivement à l'esprit, à l'âme et au corps de l'homme. Un thème Fullérien constant est que la guerre est une force créatrice pour garantir une paix plus parfaite. Il developpe ce thème dans The Generalship of Grant (1929) décrivant la guerre comme «créativement destructive», comme un moyen pour créer quelque chose de meilleur.

En 1926, Fuller fut nommé adjoint-militaire au nouveau chef de l'Imperial General Staff. The Sunday Express commenta cela en écrivant que Fuller «est de loin l'homme le plus intelligent dans l'armée». Mais Fuller continua à rencontrer l'opposition des officiers traditionnels malgré qu'il soit déjà devenu une célébrité mondiale en tant que penseur militaire.

La même année, il fut envoyé aux Indes pour faire un rapport sur la modernisation de l'armée. Puis on nomma Fuller commandant du 7th Infantry et de la Garnison de Tidworth qui comprenait une nouvelle Force mécanisée expérimentale. Fuller considérant les obligations de commandement de la Garnison comme un fardeau, et estimant que son travail avec la force mécanisée était reléguée à un rôle subordonné, donna sa démission en signe de protestation. Certains historiens prétendent que s'il était resté à son poste et avait délégué les responsabilités de la garnison, l’utilisation des blindés par les alliés durant la seconde guerre mondiale aurait pu être différent.

A partir de cette expérience, Fuller commença à considérer de quelle façon une réforme pourrait être réalisée via la politique. Jusqu'à sa retraite en 1933, ses fonctions militaires furent sans intérêt bien qu’il quitta l’armée avec le grade de Major Général. En réalité il employa le plus clair de son temps à écrire et fit publier neuf livres entre 1927 et 1933.

Le feu et le sang

«Conquiers ! C'est assez ... Adores moi avec du feu et du sang; adores moi avec des épées et des lances ... Foules au pied les Païens; sois sur eux, O guerrier, je vous donnerai de leur chair a manger»
Liber legis (III, 11)

Les livres de Fuller de cette époque commencent à développer des thèmes fascistes en maudissant la démocratie et en appelant à une Europe unie. Dans Revolt in India (1931) il définit la démocratie comme un maximum de corps et un minimum de cerveau, nommant cela « une maladie ».

Sa condamnation nietzschéenne de la chrétienté était encore plus vive. Ecrivant à l'ami de toute sa vie, le poète mystique Meredith Starr, il déclarait que le premier pas à faire pour rentrer dans l’«âge de la machine » était la destruction «de l'idéal du monde chrétien - l'idéal des esclaves basé sur la peur».

Il cherchait aussi toujours une « nouvelle spiritualité » pour l'humanité, comme vingt années plus tôt quand il avait rejoint le thélèmisme. Pour lui la naissance d’une nouvelle aristocratie était nécessaire tout comme une mythologie, «un Saint Graal», qui inspirerait à l'homme la poursuite de buts plus élevés que son existence purement animale.

Dans The Dragon's Teeth : a study of war and peace (1932) il préconise un changement politique et social. Il déclare que la démocratie et le socialisme découlent tous les deux de l'idéal chrétien égalitaire et pacifiste. Pour lui la guerre est nécessaire car elle a pour but de perfectionner la paix. « Sans guerre il y a Pax Perpetua. Une devise appropriée pour un cimetière » écrivit-il alors.

Un autre livre, paru en 1932, War and Western Civilisation entraina une protestation du Sous-secrétaire permanent du War Office. Fuller ayant accusé les Britanniques d'avoir manigancé la Guerre de l'Opium pour s’emparer d’Hongkong et pour ouvrir les ports chinois aux marchands étrangers, et de ce fait d’être la lointaine origine de la guerre civile chinoise qui faisait alors rage.

En décembre 1933, après avoir passé trois années à voyager à travers l'Europe en demi-solde, Fuller prit sa retraite à cinquante-cinq ans. A ce moment-là, il était considéré comme tout à fait hérétique par de nombreux officiers. Le nouveau chef de l'Imperial General Staff considérait Fuller comme « déloyal » et refusait de lire ses livres de crainte que cela ne le mette en colère. Néanmoins, Fuller avait alors une importante influence sur la pensée militaire en Allemagne, Espagne, Tchécoslovaquie et URSS.

En 1934, il commença une carrière dans le journalisme pour la presse populaire. Cette année vit aussi la formation de la British Union of Fascists par Sir Oswald Mosley, un autre hérétique impatient, que l'inertie du système avait conduit à repousser une carrière prometteuse dans le Parti travailliste.

En juin de cette année, Mosley tint un énorme rassemblement dans la salle londonnienne de l'Olympia. Ce fut précisément à cette date que Fuller demanda à rejoindre le BUF. Il devint le conseiller militaire de Mosley, travailla au siège du parti, fut membre de son Policy Directorate, parla dans les meetings et écrivit dans le journal du mouvement.

Cette même année dans son livre Empire Unity and Defence il fit référence à la menace d'une oligarchie juive mondiale opérant à travers le communisme et la Société des nations.

En décembre 1934, Fuller rendit visite à Hitler. L'année suivante, il vit le ministre allemand des Affaires étrangères, Ribbentrop, et l'adjoint du Führer, Hess. En septembre 1935, il fut invité comme observateur aux manoeuvres militaires allemandes. Le mois suivant, il fut fait correspondant spécial de guerre pour The Daily Mail par le vieux partisan de Mosley, Lord Rothermere, qui l’envoya observer l'invasion par les fascistes italiens de l'Abyssinie. Ce fut pour lui l’occasion d’une courte halte à Rome et d’une entrevue avec Mussolini, durant laquelle il expliqua au Duce que la raison de la réaction hostile de la presse britannique à l'aventure abyssinienne était due à l'influence juive. En Abyssinie il fut attaché à un détachement de « chemises noires armées ». Il écrivit que c’était «un corps d'hommes très aimables et pleins d'égards et les esprits les plus généreux que j'ai jamais rencontré.»

Son autobiographie, parue en 1936, Memoirs of an Unconventional Soldier se concluait sur la constatation du besoin d'une « nouvelle spiritualité », prophétisait la montée de l'Asie et décrivait la lutte entre la « démocratie usée » et le « fascisme émergeant » qui offrait une « liberté supérieure ».

Cette même année un autre livre The First of the League Wars définissait l'Etat fasciste corporatif, qui était soucieux du corps, de l’esprit et de l’âme de chacun de ses citoyens. Fuller définissait les Etats comme des organismes biologiques qui doivent s'étendre racialement et territorialement. Il comparait les conquérants italiens de l'Abyssinie à des saints chevaliers en croisade, dénonçait le contrôle de l'Allemagne par les juifs avant Hitler, identifiait le communisme Russe et la politique de Woodrow Wilson comme juive. La politique anti-juive du Troisième Reich était expliquée comme le résultat de son opposition à la finance capitaliste internationale.

Malgré le soutien actif que Fuller accorda au Fascisme, il conserva une certaine audience dans les cercles militaires britanniques. On lui demanda d'agir comme observateur du War Office lors de la guerre civile Espagnole. Ainsi, en 1937, il alla rendre visite à Franco et aux troupes nationalistes combattant le communisme. Le War Office fut impressionné par l'objectivité du rapport de Fuller et il lui demanda de faire pour lui une nouvelle mission d’observation en 1938.

En 1937, Fuller écrivit The Secret Wisdom of the Qaballah utilisant toute sa science occultiste pour dénoncer dans le Judaïsme « l'exaltation du peuple choisi de Jehovah sur toutes les autres races de la terre».

Peu avant l'éclatement de la seconde guerre mondiale, il écrivit dans The Army Quaterly que la cause cachée de la guerre civile espagnole était «le conflit entre deux systèmes financiers» : le capitalisme financier international et l'auto-suffisance nationale (autarcie). A son vieil ami, l’historien militaire, Liddell Hart, Fuller expliqua qu'il était attiré par le fascisme non parce qu'il voulait que le peuple soit réduit en esclavage mais parce qu'il désirait qu'il soit libéré : «L'autorité sans liberté est du despotisme et la liberté sans autorité est l'anarchie. Je n'en souhaite aucune, au lieu de cela je veux un équilibre entre autorité et liberté.» Fuller affirmait aussi qu'il trouvait plus de liberté intellectuelle dans l'Allemagne nationale-socialiste que dans la démocratique Angleterre.

En 1939, Fuller fut invité aux festivités du 50ème anniversaire d’Hitler ce qui fit sensation dans la presse britannique. Naturellement il fut impressionné par l'armée allemande totalement mécanisée. Hitler serrant la main de Fuller, lui fit cette remarque : « J'espère que vous êtes content de vos enfants.»

Peu après Fuller déclara à un journal allemand : «Je fus honoré par une invitation de votre Führer pour assister aux festivités de son anniversaire. Malgré les évènements politiques, je l'acceptai parce que ce n'est pas seulement l'anniversaire d'un grand homme, mais aussi celui d'une grande nation.» Il citait Thomas Carlyle qui affirmait que l'histoire est faite par les grands hommes et il remarquait le sentiment de grandeur se répandant dans toute l'Allemagne. Il posait la question : « les Anglais devraient-il être effrayés ou envieux de l'Allemagne pour avoir réalisé une telle grandeur en juste sept années ? », et répondait lui-même par la négative.

La guerre mondiale

«Je suis le Seigneur Guerrier des Quarante : les Quatre-vingts tremblent devant moi, et sont humiliés.»
Liber legis (III, 46)

Les théories de Fuller sur la guerre mécanisée furent totalement validées par la guerre-éclair d'Hitler contre la Pologne.

Bien que le sort d’Oswald Mosley et de plus de sept cents autres fascistes - qui furent arrêtés immédiatement après le déclenchement de la guerre et emprisonnés dans des conditions très dures - fut épargné à Fuller, il resta durant toute la durée de la seconde guerre mondiale sous la surveillance du MI5.

Malgré son association avec le fascisme, Fuller continua à être très recherché comme journaliste spécialisé dans le domaine militaire. Il en profita pour mener une campagne contre la politique de capitulation sans condition, et une autre en faveur des droits des détenus politiques anglais .

Au milieu de la guerre fut publié le second volume de ses Decisive Battles dans lequel il décrivait la défaite de Napoléon comme une victoire des « banquiers juifs ». Il faisait aussi dans cet ouvrage l'éloge de l'idéal napoléonien d'une nouvelle Europe basée sur des nations ethniques avec leurs citoyens liés à la terre selon les principes du sang et du sol.

Magicien et guerrier

Dans un numéro de The Occult Review Fuller expliqua la base occulte de sa pensée militaire : « La magie et la guerre toutes les deux sont coercitives, propriatoires et dynamiques. Leur but est d'influencer les évènements. Quand dans un manuel le militaire déclare que son objectif dans la guerre est d'imposer sa volonté à son ennemi, il entre dans le royaume de la magie et quand le magicien entreprend d'imposer sa volonté à sa victime, il entre dans le royaume de la guerre.» Plus loin, dans le même article, il décrivait aussi la propagande comme une forme de magie et désignait Goebels comme un magicien.

Dans Machine Warfare (1942) Fuller voyait dans la guerre un heurt entre les « Puissances d'Argent » et les « Travailleurs ». Dans le dernier chapître du livre, il recommandait que tous ceux qui étaient incapable de combattre dans une guerre soient « liquidés ».

En 1943 il écrivit à The Evening Standard que la guerre n'est pas inévitable si la primauté est accordée au spirituel ; il citait en exemple un passage de la Bhagavad-Gita où Krishna rappelle au guerrier Arjuna la primauté du spirituel sur le matériel.

Avec l'avènement de l'ère nucléaire, il écrivit à Meredith Starr en 1946 : «L'Homme n'était pas fait pour détruire, il était fait pour créer, mais il a été doté des deux pouvoirs... Il n'est pas seulement Shiva, ou seulement Vishnou ou seulement Brahma, mais tous les trois en un. Chaque cosmos naît avec une « fiat Lux » - c'est ce que le Monde Occidental attend pour aujourd'hui. Pas une nouvelle religion ou une nouvelle politique, mais une étincelle de Divine Imagination qui fera débuter un autre cycle dans l'histoire du monde.»

En 1948, il continuait de réclamer un mouvement rationnel vers « l'Etat total ». Il s'opposait aux jugements des militaires et des dirigeants politiques vaincus pour « crimes de guerre » et il regrettait qu'il ne soit pas possible de rétablir la puissance militaire allemande pour s'opposer à l'URSS. Il croyait alors que le chaos dans le monde était causé par le déséquilibre de son triple système d'imagination, de volonté et de raison, qu'il identifiait dans une lettre à Starr comme symbolisé respectivement par Brahma, Shiva et Vishnou.

Même dans sa célèbre étude The Second World War : A Strategical and Tactical History parue en 1948, Fuller inclut certains sous-entendus fascistes. Il condamnait la brutalité de la guerre en illustrant celle-ci avec les actions des partisans russes, il dénonçait la politique de reddition inconditionnelle en montrant comment elle prolongea la guerre et amena la Russie à s’emparer de l'Europe de l'Est et d’une partie de l'Allemagne. Il déclarait aussi que le bombardement de terreur massive des villes allemandes sans défense par les alliés resterait pour cinquante ou cent ans «comme un monument élevé au barbarisme de leurs conquérants».

Fuller continua sa carrière de journaliste après la guerre et écrivit encore treize livres. Le dernier étant Julius Caesar : Man, Soldier and Tyrant en 1965. Il rédigeait aussi des analyses pour s'opposer au communisme, cela bien que son idéal d'une Europe Unie fut tout aussi hostile à l'hégémonie américaine qu'à l'hégémonie russe. Son plaidoyer pour la défense de l'Europe ainsi que pour une Allemagne forte et réunifiée poussa le spécialiste allemand des panzers Guderian que Fuller avait rencontré avant la guerre, à lui envoyer une lettre dans laquelle il le remerçiait au nom des Allemands.

Dans Decisive Battles, qui fut publié en 1951, bien qu'il fut obligé, par son éditeur, de modérer ses opinions, il fit un éloge prononcé des réformes sociales de Mussolini. Dans le même livre il déclarait que l'idée de nouvelle guerre mondiale avait été rendue désuète par la bombe atomique. Il prédisait plutôt qu'il y aurait une guerre économique et psychologique entre l'Amérique et la Russie ainsi que des guérillas sur leur glacis. Il rejetait aussi l'OTAN, écrivant à Liddell Hart en 1956 : «Autant que je puisse en juger, notre seul espoir possible est que l'Allemagne produise un autre Hitler et que cette fois nous l'épaulions.»

Au milieu des années 1950, Fuller était un homme respecté à la fois par l'Etat-Major militaire américain et par les groupes d'émigrés anti-communistes de l'Est de l'Europe au nom desquels il menait campagne.

En 1963, la Chesney Gold Medal, la plus haute distinction que la communauté militaire peut conférer, fut décernée conjointement à Fuller et à Liddell Hart par le Royal United Service Institute.

Fuller décéda le 10 février 1966. A cette date il était l'auteur de quarante-cinq livres, de centaines d'articles et il était resté un journaliste populaire malgré son peu d'intérêt pour l'opinion des masses. The Tank Journal en fit l'éloge comme d'un «géant intellectuel». Son biographe Anthony Trythall conclut le livre qu'il lui consacra par ces lignes : «Espérons que l'époque des hommes d'une telle curiosité intellectuelle n'est pas révolue».

On notera que vient de paraître aux éditions new-yorkaise Viking, Tank : the Progress of a Monstrous War Machine de Patrick Wright. Ce livre traite longuement de Fuller et n’oublie pas de signaler son engagement occultiste.
0
depeches
blank
faire un don
rss flux rss
blank
 
 
© 2002–09 :: v2.0
derniers documents
Entretien avec Philippe Randa, auteur de Maffia rose. :: 24/08/13
Vladimir Poutine, sur les minorités en Russie. :: 24/08/13
Quand la science découvre les 1 % qui dirigent l'économie :: 23/08/13
Entretien de Pierre le Vigan concernant la modernité: une réflexion. :: 21/08/13
Écrire contre la modernité (entretien avec Pierre Le Vigan) :: 20/08/13