La Russie va de l'avant, maintenant Tbilissi doit tomber
Il demande « la prise de Tbilissi », il met le président géorgien Saakashivili face à deux options : « Ou il se livre aux Russes pour être jugé ou il doit mourir ». Alexandre Dougine est le leader du Mouvement international eurasiste, un des groupes qui soutiennent la politique de l'orgueil nationaliste russe retrouvé. Il connaît bien Poutine, aujourd'hui premier ministre, qui écoute volontiers ses conseils. Dougine incarne aussi physiquement le prototype de l'intellectuel russe. Il est grand, maigre, a les yeux bleus et s'est laissé pousser une longue barbe à la Soljenitsyne. La semaine passée il était en Ossétie du Sud et aujourd'hui il est en étroit contact avec les dirigeants de la région sécessionniste. Sur ce conflit il a des idées très claires (et belliqueuses), comme il le montre dans cet interview accordé au quotidien Il Giornale (n° 191, 12.08.2008, entretien réalisé par Marcello Foa)
La Russie n'est pas en train d'exagérer en Ossétie du Sud ?
Pas du tout, nous devions intervenir, parce que l'armée géorgienne a ouvert le feu sur nos casques bleus, mais surtout parce qu'elle mène une politique de génocide envers les Ossètes. Elle a bombardé la population civile, provoquant au moins deux milles morts et trente mille blessés, elle a fait du nettoyage ethnique dans les villages. Nous ne pouvions pas rester indifférents.
Mais a présent les Géorgiens se retirent, cela ne suffit-il pas ?
Absolument pas. C’est le président géorgien qui a fait débuter cette crise. C'est un nouvel Hitler, parce qu'il a attaqué des populations innocentes et non armées. C'est notre devoir de l'arrêter pour ne pas répéter les erreurs de l'histoire. Il n'y a maintenant qu'une seule solution : conquérir Tbilissi et la tenir sous notre contrôle.
Pourtant Saakashvili a été élu démocratiquement…
Il dirige un régime criminel, semblable à al-Quaida ou à l'Allemagne nazie. Il y avait des décennies que l'on n'avait pas assisté à un génocide de cette dimension. Il a maintenant deux options ou il se livre aux Russes pour être jugé à Moscou ou il doit mourir.
Pourtant les Russes aussi sont intervenus en Tchétchénie et certes pas avec des gants. Lui non, vous oui ?
Les massacres contre les civils en Ossétie du Sud sont documentés, tandis que notre intervention en Tchétchénie visait des terroristes, non la population civile. Ces Géorgiens veulent anéantir un peuple.
Mais maintenant le conflit risque de s'étendre. Après la Géorgie touchera t’il l'Ukraine ?
Oui, parce que le gouvernement est en train de se comporter comme le gouvernement géorgien. Il a réhabilité les nazis ukrainiens, persécuté les russes orthodoxes et appuyé Tbilissi dans le génocide en Ossétie du Sud. Il a carrément envoyé là des mercenaires, alors que du côté des Ossète du Sud ce sont des volontaires ukrainiens qui se sont enrôlés.
Donc guerre aussi en Ukraine ?
La situation est très sérieuse et la crise est sur le point d'exploser. Il y a deux peuples avec deux options géopolitiques, deux visions du futur. D'un côté les russophones qui ont comme repère le Kremlin, la religion orthodoxe, l'Eurasie. De l'autre les Ukrainiens qui regardent vers les États-Unis, l'Occident, l'Otan. Les premiers sont avec les Ossètes, les seconds avec les Géorgiens. Comment le pays peut-il rester unis ? Les divisions en Ukraine sont sérieuses, profondes, irréparables.
Mais cela risque de déstabiliser toute la région, n'êtes-vous pas inquiets ?
Je répète que ce n'est pas nous qui avons commencé ce processus. Bien sûr que je suis inquiet, mais les agressés ce sont les Russes et nous devons défendre nos droits à commencer par ceux d’êtres humains.
Savez-vous si le Kremlin partage votre opinion ?
Je parle en mon nom, mais je crois qu'en ce moment une large majorité de l’appareil d’État russes pense de la même façon.