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Un albatros s’en est allé
C’est un dernier témoin d’une époque désormais révolue. Une époque que les enfants du XXIe siècle n’ont forcément pas connue. Une époque de sombre traversée de désert politique pour les nationalistes français, puis de renaissance sur fond de diabolisation ; une époque où la presse ressemblait encore plus ou moins à ce qu’elle avait été depuis sa création, avant la révolution internet… C’étaient les années post-68 ! Avec le terrorisme intellectuel de la gauche, l’exhibition (plus que la libération) sexuelle, les chocs pétroliers, l’immigration incontrôlée rapidement devenue incontrôlable et l’apparition de ces longues durées de chômage dont certains de se relèvent plus… C’étaient les années Giscard, les années Mitterrand, les années Chirac, les années de ceux qui ont le souvenir nostalgique de leur vingt et quelques années…
Ce témoin, c’était Serge de Beketch, emporté voilà quatre jours par ce qu’il est convenu d’appeler les suites d’une terrible maladie.
Je laisse à d’autres le soin de vanter ses qualités forcément inestimables autant qu’innombrables. La mort a au moins cet avantage qu’on vous pare subitement de toutes les qualités qu’il n’était pas question de vous reconnaître de votre vivant. On y passe tout autant sous silence vos défauts. La convenance l’exige, paraît-il. Paix aux cendres chaudes.
Mais la convenance est-elle vraiment de mise avec Serge de Beketch qui, toute sa vie durant, s’en est allègrement moqué, au grand dam de ses amis encore plus que de ses ennemis ?
Déjà, il avait une lourde hérédité qui ne le faisait pas bien voir des grands démocrates de progrès, qu’ils soient estampillés socialistes ou communistes : petit-fils de l’aide-de-camp du général Denikine, chef des armées blanches en Russie impériale et fils d’un sous-officier de légion étrangère « mort pour la France » à la bataille de Dien Bien Phu, comment voulez-vous qu’il portât plus que ça les gens de gauche dans son cœur ? Aujourd’hui que le communisme n’est plus grand chose, on peut dire de celui-ci du mal sans trop de danger. Les gens de droite ne s’en gênent pas. Mais durant les années giscardo-mitterando-chiraquiennes, il n’était guère conseillé de s’y risquer.
Serge de Beketch se jeta dans le politiquement incorrect avec une allégresse frôlant, il faut bien le dire, la folie pure : pilier de l’hebdomadaire Minute où il entra comme pigiste avant d’en être propulsé un quart de siècle plus tard son directeur de la rédaction après avoir dirigé entre temps celle de National hebdo, autre hebdomadaire, encore plus exécré des bien-pensants.
Puis, jugé par trop de monde « incontrôlable », il avait créé ce Libre Journal de la France courtoise qui paraît tous les dix jours depuis maintenant presque quinze ans… six ans après avoir co-fondé avec Jean Ferré Radio courtoisie où il y animait une émission toutes les semaines.
Et dire qu’il se définissait volontiers comme un paresseux congénital – je crois bien qu’il ne plaisantait pas et qu’il en était sincèrement persuadé – tandis que les vrais travailleurs se reconnaissent aujourd’hui plutôt cramponnés à leurs avantages acquis et aux 35 heures de madame Aubry.
Ami déclaré de Jean-Marie Le Pen, on ne se gêna pas pour lui faire porter l’étoile jaune la plus infâmante qui soit depuis un demi-siècle: celle de l’antisémite furieux… oubliant toutefois qu’il s’était s’engagé en 1967 dans Tsahal à l’occasion de la Guerre des six jours et qu’il fut le co-fondateur quelques années plus tard du Cercle d’amitié française juive et chrétienne (avec Bernard Antony, Alain Sanders, Jean-Pierre Cohen et Pierre Semour).
Il fut également franc-maçon et ne s’en cacha jamais, surtout après avoir rompu assez brutalement avec les obédiences qui l’avaient si profondément déçu. Depuis, il n’était guère tendre envers les frères trois points. Au moins avait-il approché de près le Grand Architecte de l’Univers autrement qu’à la lecture de quelques livres de fantasmes aussi obsolètes que maniaquo-complotistes… Ça ne l’empêcha pas, toutefois, de conserver nombre d’amis maçons, à tel point qu’on aurait pu parfois se demander non pas qui était frère dans son entourage… mais qui ne l’était pas. J’exagère ? Sans doute, mais ça l’aurait bien fait rire et il était vraiment trop mal placé pour reprocher à qui que ce soit d’exagérer.
Car Serge de Beketch exagérait, il faut bien le dire quand même ! En tout ! En journalisme, en politique, en religion, mais encore plus, peut-être, en amitié. Ça lui donnait un côté Don quichotte, un peu maladroit, gaffeur, irritant autant que touchant, bref un côté albatros, vous savez ce vaste oiseau des mers auquel Charles Baudelaire a consacré un de ces plus beaux poèmes.
C’est que Serge, en fait, et pour tout vous avouer, était bien semblable au prince des nuées ; il hantait la bêtise et se riait des juges… Il s’en était retrouvé forcément exilé au milieu des huées de la bien-pensance… sauf que lui, ses ailes de géant, personne n’était parvenu à les couper !
Allez donc lire l’entretien où il raconte son parcours professionnel (http://fr.novopress.info) ; et allez donc voir aussi le site du Libre Journal (http://www.francecourtoise.info)… et si vous ne le connaissiez pas, procurez-vous enfin un numéro du « très beau et très cher » (dixit son fondateur) Libre Journal, disponible dans certaines librairies ou par abonnement annuel au prix de cent dix euros payables en une ou plusieurs fois. En espèces, par chèque ou mandat (avec les regrets, déjà du vivant de son vénéré directeur, de ne pas accepter les bons de la semeuse et les chèques Tintin) à l’ordre de SDB, 4 place Franz Liszt 75010 Paris.
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Niveau 2 :: La Lettre « Les Nôtres »
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Niveau 3 :: Résistance Hors Serie
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