On la prenait pour une potiche de la gauche bohème, tout juste bonne à choisir la couleur de ses tailleurs et à sourire béatement aux caméras. Le jugement était peut-être quelque peu hâtif. Ségolène Royal vient de mettre les pieds dans le plat avec quelques propositions fort peu gauchisantes et très lepenisantes. Pour tacler Nicolas Sarkozy sur son propre terrain, certes… et pour répondre aux aspirations des électeurs aussi, semble-t-il. La gauche en a quelques vapeurs… On la comprend.
Plutôt qu’un langage de voyou…
Depuis que Charles Maurras l’avait écrit noir sur blanc, on le savait bien : quand le pays légal est aux antipodes du pays réel, rien ne va plus. Comme en France aujourd’hui. Rendons justice à la Présidente de la région Poitou-Charente d’avoir rompu avec la langue de bois habituelle de son camp en amenant le débat avec des propositions concrètes sur des sujets qui fâchent : la sécurité et l’emploi.
Envisager « des systèmes d’encadrement à dimension militaire destinés aux jeunes à partir du premier acte de délinquance », est-ce vraiment aberrant ? Pas plus, finalement, que de continuer à acheter une paix sociale artificielle en payant rançons à de « grands frères » qui ne sont bien souvent que les caïds des quartiers, organisateurs des trafics en tous genres…
« La suppression du service militaire a été une erreur, il faut en inventer un nouveau », affirme la rose élue du Poitou.
Un nouveau service militaire adapté à l’époque ? L’idée me semble moins choquante que certaines déclarations de matamore voulant « karchériser » les cités où l’on n’a plus été capable de faire respecter l’ordre républicain. Au moins n’est-ce pas un langage de voyous, reconnaissons-le.
Quant à la mise sous tutelle des allocations familiales — et non leur suppression, la nuance a son importance – c’est, me semble-t-il, également la moindre des choses : la grande majorité des parents de délinquants n’assure leur responsabilité qu’en se contentant de hurler à l’injustice ou au racisme, selon affinités. Leur remettre les points sur les « i » en les touchant sur les seules valeurs qui leur tiennent vraiment à cœur, celles sonnantes et trébuchantes, aura au moins l’avantage de la moralité.
Ce que la droite a été trop lâche pour faire…
La sécurité est une chose, l’économie française en est une autre. Souvent proches, d’ailleurs. Ségolène Royale a donc remis le couvert avec une critique à la hussarde de la catastrophique « loi des 35 heures » de sa collègue Martine Aubry, celle qui ressemble, dixit Laurent Gerra, a une « infirmière qui battrait les malades ».
Les 35 heures ont provoqué, selon elle, « une dégradation de la situation des plus fragiles, notamment les femmes ayant des emplois peu qualifiés ». À cause de cette loi, également, « la proposition des horaires flexibles est passée de 10 % à 40 %, soit plus que les salariés américains », tandis que « les rythmes de travail ont été intensifiés, les amplitudes horaires étendues et la segmentation de la journée de travail accentuée ».
Exemple à l’appui, Ségolène Royale cite Michelin, entreprise où « les cadres ont bénéficié de jours de congé supplémentaires et les ouvriers sont venus travailler le samedi… ».
Ce constat sévère, encore bien en-dessous de la vérité, aucun ministre de la Chiraquie n’a jamais eu le courage de le faire. Mais si la droite parlementaire était courageuse, il est vrai que cela se saurait.
Quelle conclusion tirer de tout cela ? Attendons de voir si l’égérie rose va rentrer dans le rang en expliquant qu’elle a été mal comprise… ou si elle va persister. Comme tout politique, elle a l’œil rivé aux sondages et ceux-ci lui sont favorables. Encore plus qu’avant ses déclarations, preuve qu’elle a touché juste.
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