Badiou, philosophe pour péripatéticiennes
Ce matin 4 février, j'ai écouté avec stupéfaction et malaise l'émission de notre Finkielkraut national, Réplique. Il avait invité Alain Badiou. Soit. Il paraît que c'est le philosophe le plus vendu; sans jeu de mots. Il rendait compte de son dernier ouvrage où il se pique, comme un Racine imitant sans esclavage Euripide, de reprendre la République, de Platon, en l'"actualisant", notamment en en adaptant le langage. On avait tenté la même chose avec les Confessions de saint Augustin, et le résultat n'avait pas été heureux. Notre Badiou, au demeurant, ne se contente pas d'adapter, il pourfend. Car il est un philosophe engagé. No pasaran !
Il faut reconnaître que Finkielkraut ne dit pas que des sottises, et, qu'au surplus, ce qui ne gâte rien en notre siècle de bouillie, il est sensible à la qualité de l'écriture, au style. Et, justement, il était titillé, ayant, au fil des pages, découvert un passage usant d'"un langage contemporain assez stupéfiant".
Notons que, dans la bouche de Finkielkraut, "contemporain" n'est pas un terme très valorisant, à juste raison.
De quoi s'agit-il ? Badiou, et c'est son droit, a remplacé un interlocuteur, Adimante, par une femme, Amanta, qui, aux dires de Finkielkraut, est une vraie "pétasse".
Jugez-en : rompant avec la langue élégante de la philosophie, elle évoque "un mec vraiment bien", "une nana super sympa". Elle critique un médecin : "S'il n'a choisi que les militaires qui pètent la santé, je ne lui fais pas confiance". Elle s'en prend à Socrate : "Il est naze, le gars Socrate", "un gars qui trouve à dire que si le nul, il est nul, alors l'intello ramène sa fraise". "Je te jure que c'est trop". "C'est quoi, Socrate, ton intelligence ? Tu fais quoi, avec ton intelligence ? Au lit, il faut triquer, pas intelliger ». Etc.
Finkielkraut, à juste titre, y trouve de la complaisance. Badiou, lui, une précaution.
Car attention ! La pute Amanta joue un rôle. Elle imite. On penserait qu’elle « copie/colle » le parler vulgaire, démembré, approximatif, misérable, puant la bêtise et l’ignorance de nos lycéens qui, ayant lu un digest léger et démago, se prennent déjà pour Spinoza (s’ils ont entendu ce nom quelque part…). Justement, ce type de "djeuns" qui, mus par un réflexe pavlovien, vont manifester contre la "bête immonde"...
Mais non ! Amanta joue le rôle ironique d’un … « fasciste de type lepéniste ».
Voilà qui devrait enrichir la pensée philosophique universelle ! Certes, un Calliclès, dans le Gorgias, prône un vitalisme assez rugueux. Mais son argumentation n’est pas médiocre, et il parle grec, lui, au moins !
Le degré de réflexion proposé par nos médias est, n’en doutons pas, un signe. Non que la perspicacité, la rigueur, soit banies de notre pays : Alain de Benoist, Jean-Claude Méchéa, et bien d’autres, sont là pour démontrer le contraire. Toutefois, s’il n’est pas un signe, il est un symptôme : celui d’une grave maladie, qui s’appelle la décadence, ou, plutôt, pour ne pas galvauder un vocable qui possède ses lettres de noblesse, celui du pourrissement. Monsieur Badiou, vous êtes rance !