Il fallait évidemment que la révolte arabe actuelle ait quelque utilité pour notre désormais reconnu clown national Bernard Henri Levy, lequel ne manque jamais une occasion de soigner son plan com., qui le rappelle à notre bon souvenir.
Aussi, dans le style héroïco-comique qui le caractérise loue-t-il ces soulèvements qu’Israël devrait saluer à leur juste valeur. Ne portent-ils pas avec eux la démocratie ? S’en prenant aux autocrates comme Kadhafi ou Moubarak, sanguinaires ou fous à lier, il oppose régimes dictatoriaux et démocraties, comme la guerre à la paix.
C’est faire preuve de bien d’ingratitude, et si l’ancien raïs a du temps à perdre à lire la prose de notre philobobo, il pourra lui rétorquer qu’il a fait tout ce qu’il a pu pour l’Etat sioniste, emprisonnant ses opposants, les torturant, installant une barrière infranchissable à la frontière en Gaza et l’Egypte, soutenant sournoisement l’opération « Plomb fondu » etc. Quant à Kadhafi, ses liens avec les milieux pétroliers américains sont un secret de Polichinelle, et son « opposition » affichée à Israël comporte bien des zones d’ombres. La critique, pour déclamatoire qu’elle soit, tombe bien à plat.
A quoi il faudrait aussi ajouter les centres de torture que l’Otan avait délocalisés dans ces pays arabes (tout comme dans certains pays de l’Est européen), et d’autres semblables viols des sacro-saints droits de l’homme, à propos desquels notre philosophe des médias est resté discret.
Nous sommes accoutumés, il faut le dire, à une certaine confusion de sa part, et nous n’aurons pas la cruauté de revenir sur certaines erreurs dignes d’un lycéen inattentif. Néanmoins, la réflexion qu’il tente de mener au sujet d’une opposition entre régimes autoritaires et démocraties à propos des politiques belliqueuses des uns et des autres paraît bien aventureuse. Sans remonter à l’hégémonie rien moins que pacifique des Athéniens, qui trouvèrent le moyen de se mettre toute la Grèce à dos, ni à l’Empire romain qui instaura une longue paix, songeons à la révolution française, paradigme démocratique s’il en est, qui, bâtissant la démocratie, donc imposant la conscription, ouvrit aux massacres de masse la carrière que l’on sait. Et que dire de la « seule démocratie du Proche orient », cet Etat sioniste si peu scrupuleux sur les moyens de massacrer des civils ? Les USA sont-ils si exemplaires en ce domaine, eux qui ont exterminé les Indiens, ont volé des terres aux Mexicains, ont semé le trouble et la souffrance en Amérique latine, en Asie, au Vietnam, au Cambodge et ailleurs, et les ont répandus, ou les infligent encore en Irak, en Afghanistan, tout en rêvant de sang et de destruction en Syrie et en Iran ?
Douce démocratie !
Qui a colonisé un monde qui s’en serait bien passé ? Les démocraties française, anglaise, hollandaise etc. !
Certes, on ne prétendra pas que dictatures et systèmes totalitaires sont pacifiques ! La simple rigueur scientifique interdit de tels manichéismes. En tout cas, un vrai philosophe se garde bien de tomber dans cette bouillie pour chats.