Les Français sont au moins tous d’accord sur deux choses : Premièrement, les caisses sont vides, des réformes s’imposent ; deuxièmement, il n’est pas question de toucher à leurs propres avantages acquis, à leurs alléchantes situations de fait, à leurs juteuses rentes à vie, à leurs privilèges de castes qu’on nomme de nos jours des droits citoyens… Si le gouvernement veut changer quelque chose, qu’il s’en prenne aux autres, pas à eux-mêmes. Et puis quoi, encore !
Ainsi, la réforme militaire annoncée par le gouvernement, prévoyant la fermeture de 82 unités militaires et le déménagement de 33 autres n’en finit pas de susciter la grogne des élus locaux… et de leurs citoyens-électeurs, tout à coup fous amoureux de leurs chers bidasses.
L’anti-militarisme aurait donc vécu… Fini les quolibets sur l’incompétence de nos troupes en juin 40, leur diabolisation d’immondes colonisateurs en Indochine, leurs odieuses pratiques de la torture en Algérie, le danger qu’« un quarteron de généraux en retraite… groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques… », comme aurait dit De Gaulle, ne s’empare du Pouvoir pour faire défiler femmes, enfants et vieillards au pas du coq tricolore, si ce n’est à celui de l’oie teutonne !
Non, à l’évidence, autres temps, autres mœurs, certains redécouvrent les vertus de nos soldats et les qualités essentielles des huiles de nos Forces Armées.
Vertus ? Qualités essentielles ? Sans doute, mais sur ce point également, autres temps, autres mœurs… Ce n’est plus pour la défense de la Patrie, pour empêcher l’invasion de cohortes étrangères voulant faire la loi dans nos foyers que la France a besoin de ses fiers guerriers, mais pour leurs passages hebdomadaires aux caisses des épiceries locales…
Ainsi, Phillipe Guérin, maire de Cugnaux, ville de 17 000 habitants « voisine » de la base condamnée de Francazal, ne mâche pas ses mots : « Le départ des 1076 militaires de Francazal représente un manque à gagner de 30 millions d’euros annuel pour Cugnaux et les communes voisines. C’est aussi une véritable désertion de l’État vis-à-vis de l’agglomération toulousaine, capitale européenne de l’aéronautique ».(1)
Jacques Dutronc avait chanté jadis « Le dragueur des supermarchés »… L’Élu Guérin pourrait aujourd’hui réactualiser les paroles :
« C’est le troufion de la supérette,
Celui qui porte les paniers
Le guerrier des ménagères
Le fantassin des libres-services
Qui libère les prix et les cœurs
Le soldat des grandes surfaces,
Celui qui, au rayon d’en face,
Assure le chiffre d’affaire et fait des farces.
Il est sympa et attirant
Oui, c’est notre chance : c’est un bidasse… »
(1) Libération Toulouse, 24/07/2008. |