Nous sommes habitués aux déclarations tonitruantes, aux célébrations trompettantes, aux commémorations pontifiantes, du moins notre patrie n’a-t-elle jamais été chiche quand il s’agissait de symboles.
Seulement, il y a symbole et symbole.
Les obsèques du grand Alexandre Soljenitsyne méritaient évidemment une présence française au moins officielle, si elle n’était sincère. Or, paraît-il, si l’on en croit les medias, il n’y aurait pour uniques témoins de cette cérémonie moscovite que deux députés français, venus là officieusement, tous deux souverainistes, dont Philippe de Villiers.
Issue de la révolution française (un bloc !), la république française ne s’est jamais remise de la perte de sa (longue) mémoire. Pour elle, le monde a commencé vraiment dès ce grand ébranlement, qui a mis bas l’édifice ancien, et a permis au peuple d’entreprendre sa marche vers le soleil radieux d’une meilleure vie.
Parcours erratique s’il en fut. Et pas de tout repos. Mais somme toute irrésistible. Et tous ceux qui s’opposaient à cet exode vers la terre sainte étaient diabolisés, condamnés, exécutés (parfois physiquement) comme réactionnaires. Le XXème siècle est une fosse commune d’ennemis de la Révolution populaire !
Il existe donc une logique à l’absence de représentants français à Moscou (hormis nos deux compères très croyants). Souvenons-nous : en 73, L’Archipel du Goulag paraît. De la dynamite ! Or, qui n’a pas eu son petit mot, à gauche comme à droite, non seulement pour douter, mais aussi pour accuser ? On a beau jeu, maintenant, d’y aller de sa petite phrase (minimaliste !), qu’on abandonne comme une aumône, la plus hypocrite prétendant qu’on ne savait pas. Négationnistes, va !
Car on savait ! Beaucoup de témoignages faisaient état de l’existence de camps en URSS, et d’exterminations de masse, comme le procès Kravchenko l’avait fait dans l’immédiate après-guerre.
La vérité est que la classe politique française, ayant massivement accepté les prémisses du progressisme le plus vulgaire, étant depuis longtemps à gauche, a considéré dans son ensemble Alexandre Soljenitsyne comme un empêcheur de progresser en rond, et, que l’on m’excuse, comme un emmerdeur. Il pouvait pas crever dans son camp, cet apôtre ! Si au moins il avait eu la reconnaissance du ventre pour l’ami américain !
Nul doute qu’il y aura plus de monde pour l’enterrement d’Elie Wiesel !