Nous sommes tous des Israéliens - De l'Histoire et de la Réaction
"Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël?"
La Réaction est un écueil extrêmement dangereux sur lequel menace de se fracasser tout dissident en mal de repère dans l'océan déchaîné de l'Histoire. Il consiste à se représenter comme un point fixe une période historique révolue et imaginairement reconstruite.
Plutôt que de rendre compte de la dynamique d'une société dont on est partie prenante, l'on s'extrait de l'Histoire pour ne plus y voir à l’œuvre qu'une logique de réseaux qu'il suffirait de décrypter jusque dans ses plus infimes ramifications... Dès lors, l'on ramène tout à soi et l'on réorganise autour de sa petite personne une dialectique amis/ennemis qui tourne à vide.
Les uns se retranchent par exemple dans un monarchisme d'opérette - sans voir les évolutions internes de la monarchie qui ont conduit cette dernière à sa propre perte - ou dans un identitarisme de carton pâte - participant ainsi, au nom de leur subjectivité, à la désintégration libérale du sens.
D'autres versent dans un intégrisme religieux qui consiste à s'étouffer le cœur sous le poids d'exigences littérales, d'autant plus "désangoissantes" qu'elles sont pesantes pour soi-même et pour le prochain.
Quelques autres, enfin, s'enferment dans un délire de persécution qui se conforte et qui s'alimente des réactions de rejet qu'il entraîne chez les autres...
On me rétorquera que ma critique de la Réaction confine au relativisme, qu'il n'y a aucune place pour la Vérité dans ma théorie de l'Histoire.
C'est ne pas voir que l'Histoire est le flot tourbillonnant de nos mensonges, qu'il est donc vain de s'obstiner à en remonter le cours et de rechercher un point fixe qui nous soustraie à ses remous tumultueux.
En revanche, il y a une vérité sur l'Histoire que nous devons chercher à découvrir et qui, dès lors que nous sommes prêts à en assumer les contradictions, nous affranchit de l'Histoire. Cette vérité sur l'Histoire relève d'une d'une quête d'amour et de sens, en aucun cas de l'adhésion à un messianisme politique, totalitaire et meurtrier, à l'image de ceux qui ont ensanglanté le XXème siècle.
A la veille de l'Ascension, les apôtres demandaient encore à Jésus : "Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël?"
Après tout, cette question angoissée constitue le fondement du sionisme. Mais ne nous dissimulons pas, derrière une hostilité de façade, qu'elle est ancrée, telle une aspiration vaine et désespérée, au fond de nos propres cœurs.
Certes, nous n'avons pas tous le même Seigneur. Nous n'avons pas tous le même Israël.
Mais chaque fois que, dans le champ politique, nous tentons de substituer une eschatologie à une autre et que nous nous essayons à classifier des fragments d'humanité selon qu'ils s'y conforment ou non, nous retombons dans le piège éternel du mal, c'est-à-dire de l'homme qui se fait Dieu.
Prenons garde que notre anti-sionisme, qui sert aujourd'hui de sésame à une certaine dissidence, ne se transforme en avatar mimétique de ce dernier...
Israël est le concentré, le révélateur, de toutes les contradictions de l'Histoire.
Une miniature, une mise en abyme de l'Humanité.
Nous sommes tous des Israéliens !
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