04/11/02 4.07 t.u. Christian Bouchet

Dans la mentalité des dirigeants de la nouvelle Carthage rien n’a de prix car tout à un prix ... y compris l’honneur d’une nation.

Afin d’obtenir l’échec électoral de Milosevic, on se souvient que l’Occident avait clairement fait dépendre l’aide, économique et humanitaire, promise à la Serbie du comportement électoral de sa population.

Le Financial Times, dans un article de James Harding, nous apprend maintenant que l’oncle Sam envisage d’obtenir le soutien de la France et de la Russie grâce à des arguments sonnants et trébuchants. En langage diplomatique cela s’écrit : « Face aux réticences de la Russie et de la France quant à une attaque contre l’Irak, l’administration Bush présente des assurances quant aux opportunités commerciales des deux pays en Irak dans la période post-Hussein ». En Français de tous les jours cela peut se formuler ainsi « Aidez nous, vous ramasserez nos miettes et nous veillerons à être généreux » ! Sans compter que les intérêts économiques qui pourraient être retirés par les pays, et qui sont évoqués par le Financial Times, sont déjà acquis (comme le développement de la zone pétrolière de West Qurna par la société russe Lukoil) mais actuellement bloqués par l’embargo imposé au peuple irakien. Ce n’est donc même plus des miettes qu’auront éventuellement la Russie et la France mais tout simplement le droit de tirer enfin des bénéfices d’investissements parfois anciens.

Dans un de ses messages d’actualité, l’analyste financier Jean-Pierre Rondeau commente avec raison la proposition yankee : « - Donnez-nous votre appui, accompagnez nous. Nous vous assurons que nous partagerons les richesses avec vous quand nous serons les maîtres du pays, grâce aux dirigeants fantoches à notre botte que nous aurons mis en place à la demande du peuple irakien -. Mais comme au Kosovo, les Français n’auront rien ! Les industriels américains accompagnaient les troupes. Ce sont même les italiens qui construisaient les routes. Pareil au Koweit et en Arabie Saoudite ».

Je ne sais pas s’il y a eu une réponse française ou russe aux propositions américaines. S’il y en a eu une, j’ose espérer qu’elle fut digne et qu’il existe encore des diplomates ayant le sens de l’honneur (et de la géopolitique). Dans les années trente un grand leader populiste annonçait, lors d’un meeting, à son peuple la guerre a venir et lui demandait s’il préférait « Du beurre ou des canons », et la foule lui répondait unanime : « Des canons ! ». Espérons que ceux qui nous dirigent ne répondront pas à Washington « Du beurre et des canons ».
Christian Bouchet