
Tué parce qu’étranger
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29/01/04 |
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6.31 t.u. |
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Christian Bouchet |
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La scène s’est passé au Croisic, un petit port de la côte bretonne, en mars 2002, au petit matin.
Un homme sort son chien, deux ivrognes rentrent chez eux après avoir consommé un mélange d’alcool et de drogue. Il y a bousculade, insultes, l’homme est renversé à terre et tué à coup de pieds dans le visage.
Il s’appelait Dominique Pradelle. Il avait collaboré à Eléments et au Figaro magazine, il avait été l’auteur d’études érudites et savantes sur le proto-fasciste Hugues Rebell qu’il avait contribué à remettre à l’honneur. Il avait aussi milité dans le mouvement NR et apporté un soutien logistique important à nos camarades italiens à l’époque des « années de plomb »... Quand il a été assassiné, il travaillait à une étude sur le Comte du Graal de Chrétien de Troyes.
On a jugé ses assassins, la semaine passée. L’un a pris six ans, l’autre huit ! C’est bien peu pour la vie d’une homme... C’est bien peu et ce procès laisse à ceux qui y ont assisté une étrange sensation.
Passe encore que le député local (de droite) soit venu témoigner en faveur des assassins (« des jeunes gens très biens, très corrects, très travailleurs » ... qui pochtronnaient et se droguaient chaque nuit !). Mais ce qui est le plus dérangeant, c’est une des circonstances atténuantes qui a été invoquée et dont personne n’a relevé l’ambiguïté : Dominique Pradelle a été tué parce qu’il était « étranger » ! D’ailleurs ses assassins ont ainsi légitimé leur colère meurtrière : il n’avait pas à leur faire de remarques, puisqu’il était « étranger »...
Etranger à la commune s’entend ! Une commune touristique où Dominique Pradelle résidait pourtant plusieurs mois par an depuis quatre décennies.
Maintenant, reprenons l’histoire au début. Et changeons un des personnages. Remplaçons Dominique Pradelle par un Algérien ou par un Béninois et gardons la même argumentation : « tué parce qu’étranger ».
Là vous entendez hurler à la mort le MRAP et la LICRA, vous imaginez les titres en couverture des quotidiens et les comptes rendus aux JT, etc., etc. Bien sûr le député oublie qu’il connaît la famille des assassins... Quant au verdict, on pourrait parier sur vingt ans avec une peine incompressible de sûreté, difficile de faire moins pour un crime raciste.
Voilà, c’est tout ce que je voulais exposer. Il est des faits qui se passent de commentaires et dont la relation suffit pour montrer l’état de déliquescence d’une société et de sa justice.
Christian Bouchet
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