28/09/04 2.23 t.u. Christian Bouchet

L’hebdomadaire nationaliste corse Arriti titre en couverture de son dernier numéro « Une victoire historique ! ».

Il fait bien sûr allusion à l’accord passé entre le Syndicat des travailleurs corses (d’obédience nationaliste) et la compagnie maritime SNCM. Un accord qui a fait beaucoup de bruits puisqu’il prévoyait « un rééquilibrage des recrutements des navigants résidant en Corse ».

Présenté comme cela, l’affaire apparaît banale. Et si elle apparaît telle, c’est bien parce qu’elle l’est !

Des accords entre de grosses entreprises et des régions pour favoriser un recrutement régional ne sont pas rares. Il me revient d’ailleurs à l’esprit qu’au début des années quatre-vingt dix, la région Ile de France se déclara en faveur de l’ouverture du parc Eurodisney suite à un accord de ce type qui avait été exigé par le Front national. A l’époque, ce cas de « préférence régionale » ne choqua personne. Et quand la Nouvelle Calédonie (le 5 mai 1998), la région Centre ou celle des Pays de la Loire négocient une convention de ce type, l’affaire est tellement naturelle qu’elle est à peine signalée.

Mais si le bat blesse c’est qu’en l’espèce nous avions affaire à une région un peu particulière : la Corse. Un « pays » qui a encore une identité, dont les habitants ne se laissent pas marcher sur les pieds. Un « pays » qui est un solide grain de sable dans la machinerie du Nouvel ordre mondial, de l’uniformisation généralisée et de la marchandisation totale.

Pensez donc - et ce n’est qu’un exemple - ces salauds de Corses font sauter au plastic les villas, les hôtels et les lotissements pour touristes, construits grâce à des permis dont la légalité n’est pas la caractéristique première. Il y a déjà 43.600 résidences secondaires sur le littoral corse. Pourquoi diable, malgré la « loi littoral », ne pas en implanter encore quelques milliers ? Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et pourquoi pas bétonner tout ce qui reste ? Je vous le demande en effet ? La Côte d’Azur est si belle et si agréable maintenant qu’il ne reste plus un pouce de terrain constructible en bord de mer... Et il y a tant de bénéfices à se faire pour les promoteurs et leurs sociétés.

Et je le précise bien ce n’est qu’un exemple. Ces salauds de Corses résistent à leur manière et ils ont le culot de vouloir être maître chez eux.

Cela explique beaucoup de choses. Cela explique qu’il y a eu cent une arrestations pour des raisons politiques dans les huit derniers mois...

Cela explique cette levée de bouclier contre cette « corsisation » des emplois. Une corsisation qui ne peut être que du « racisme » comme l’ont déclaré un certain nombre d’hommes politiques du système, drauche et goite confondues. La palme de la déclaration la plus « signifiante » revenant sans doute à ce dirigeant de l’UDF qui a déclaré, sans la moindre gêne, qu’il était favorable à la discrimination positive pour les enfants d’immigrés mais opposé à celle-ci pour les travailleurs corses !

Cela explique aussi cet intérêt soudain pour le sort des pieds noirs rapatriés en Corse et qui ont eu maille à partir avec les nationalistes. Pour une fois que l’on s’inquiète des pieds noirs, ce n’est pas un mal me direz-vous. C’est un fait, mais il me semble que ces rapatriés sur le sort desquels on s’apitoie soudain (avec pour certains une vingtaine d’années de retard) ont été choisis avec soin. J’ai en effet entendu sur une antenne nationale un intervenant dénoncer l’antisémitisme des nationalistes corses. En effet, certains des pieds noirs qui furent exposés aux intimidations du FLNC auraient été juifs ! De la à conclure que le Front de libération choisissait ses cibles en fonction de critères raciaux ou confessionnels, il n’y a qu’un pas qu’on aimerait bien nous voir franchir.

Et quitte à faire des Corses des antisémites, ne nous arrêtons pas en si bon chemin, faisons-en aussi d’affreux racistes anti-arabes. D’où ces étranges attentats qui font tant de copie dans les médias continentaux.

Qu’il y ait un problème immigré en Corse est incontestable. Maintenant, il est surprenant que le groupe « Les Clandestins corses » attaque à la fois des immigrés et le mouvement nationaliste traditionnel... Il est frappant aussi que Résistance corse, une organisation sérieuse qui a lutté manu militari contre la criminalité d’origine immigrée avant de rejoindre le FLNC, dénonce les « Clandestins » comme une création policière. Il est étonnant aussi que le dernier meurtre d’un marocain ait été très largement médiatisé comme un crime raciste et immédiatement oublié quand on s’est rendu compte qu’il était maffieux.

En définitive, en Corse comme sur le continent, le système utilise toujours les même recettes pour démoniser et disqualifier ses opposants : racisme et antisémitisme. Ce sont des accusations parfaites qui provoquent des réflexes pavloviens et de bien utiles rideaux de fumée qui permettent d’éviter de parler de l’essentiel et de traiter des vrais problèmes.

Christian Bouchet