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6 juin 2004 : Les mots et les actes : Occupation, résistance, libération, terreur…

02/06/04 11.36 t.u.
Jacques Marlaud


L’occupant

L’occupant est toujours perçu négativement, même s’il ne tyrannise pas les populations occupées, car il est l’étranger qui s’est emparé d’un pays par la force et le maintient sous son joug politique. À la domination ou hégémonie qui soumet les dominés au dominateur par des pressions extérieures diverses, allant de la carotte d’une alliance avantageuse au bâton des représailles diplomatiques et économiques, l’occupant ajoute sa présence militaire imposée sur le territoire de l’occupé ou, ce qui revient au même, la possibilité déclarée d’intervenir militairement à tout moment chez le dominé sans que celui-ci ait le pouvoir de s’y opposer. On pense à l’ex-Union soviétique vis à vis de ses satellites hongrois, tchécoslovaque, afghan… mais aussi aux États-Unis vis-à-vis de certaines républiques d’Amérique latine (le Panama, le Nicaragua, la République dominicaine, etc.) et à Israël vis-à-vis des territoires palestiniens et de certains voisins arabes.

Les scènes qui se déroulent en ce moment en Irak où des rebelles légèrement armés résistent courageusement depuis plus de deux mois au cœur de villes saintes, avec l’appui évident d’une grande partie de la population, contre les hélicoptères de combat, les chars et les snipers d’une immense armée d’occupation étrangère dont les geôliers viennent de s’illustrer de la manière la plus odieuse, rappelant toutes les gestapo du monde, devraient arracher le masque angélique de ceux qui moralisent et bombardent simultanément au nom des droits de l’homme et de la lutte contre la terreur ! Mais non, ne rêvons pas : c’est bien cet occupant-là qui vient parader en libérateur dans le décor planté en Normandie pour le 6 juin, avec en prime les congratulations obséquieuses des " collabos " européens, surtout de la part de ceux qui, s’étant opposé à cette agression illégale sans pouvoir l’arrêter, et qui, tout en réprouvant l’appui américain aux crimes de M. Sharon, feront cause commune avec les agresseurs pour la circonstance. Ils laissent ainsi filer une bonne et peu coûteuse occasion de manifester officiellement la réprobation des Européens, par exemple, en envoyant des sous-fifres accueillir Bush, en projetant dans les villes voisines le filme critique de Michael Moore primé au festival de Cannes, voire en organisant plus loin une contre-cérémonie à la mémoire des victimes des guerres scélérates menées partout dans le monde par le plus grand État voyou de la planète.*3 Mais l’Europe à souveraineté limitée qui est la nôtre (ou plutôt, la leur) ne peut se permettre ce genre d’initiative sans en subir les conséquences. Et surtout, sans le courage de les affronter.

Le résistant et le collaborateur

Le résistant a toujours le beau rôle même si certains actes de résistance ont atteint le sommet de l’horreur terroriste (le déraillement de trains bondés de civils sous le prétexte qu’ils transportaient aussi des munitions) et si de nombreuses liquidations sommaires dans la période trouble de l’immédiat après-guerre, perpétrées un peu partout en France et cataloguées comme " crimes de la résistance " par des historiens clandestins, ternissent l’image de cette noble cause. Le collaborateur vaincu, en revanche, a toujours la mauvaise part. Quels que soient l’honnêteté et le niveau de réflexion qui sous-tendent sa démarche, celle-ci reste injustifiable aux yeux du camp résistant qui vole sur les ailes de la victoire. Dans l’esprit du peuple libéré, le collaborateur actif est celui qui mérite d’être liquidé, même si les méthodes employées pour ce faire soulèvent parfois le cœur. Des " deux oncles " de Georges Brassens, celui qui aimait les Teutons ne fera sans doute jamais le poids avec celui qui aimait les Tommies. Le glaive de Brennus dans la balance des Romains et son vae victis ont donné la mesure de la soi-disant justice des vainqueurs qui prévaut encore de nos jours : les Irakiens, après les Afghans et les Serbes, sont jugés, médiatiquement, militairement et juridiquement à une aune que les étatsuniens et les israéliens ne sont pas disposés à s’appliquer à eux-mêmes. Cette inégalité de traitement peut sembler aller de soi, à tort ou à raison, lorsqu’on parle de la collaboration de 1940-44 en France, mais qu’en est-il du " collabo " des Américains au Vietnam, ou aujourd’hui en Irak ? Des harkis des années soixante en Algérie abandonnés par les Français à la vindicte des " libérateurs " qui les massacrèrent par dizaines de milliers ? Que penser des " collabos " arabes des Israéliens lynchés par leurs coreligionaires ou exécutés par les autorités palestiniennes dès qu’ils sont découverts ou parfois seulement soupçonnés ? L’histoire nous enseigne que la haine et la vengeance criminelle font partie de toutes les guerres civiles. Réflexion intempestive, car l’esprit du temps, plus que jamais individualiste et partisan, renforce les préjugés qui déforment la réalité des engagements et des comportements en temps de guerre.

Terrorismes et anti-terrorismes

" Terroriste " n’est, le plus souvent, que l’étiquette donnée au résistant par ceux qui ne partagent pas ses convictions et subissent les conséquences de ses actes. Répandre la terreur, épouvanter l’ennemi est l’une des méthodes de guerre les mieux éprouvées : les éthologues démontrent sans peine son usage dans le monde animal (qui toutefois, à la différence des humains, en reste dans la plupart des cas au stade de la gesticulation). La Saint Barthélémy et les dragonnades en territoire camisard s’inscrivent dans cette logique. Mais l’emploi systématique du massacre à grande échelle de civils comme méthode de terreur est récent. Son premier théoricien, avant Lénine, fut Robespierre qui déclarait, le 3 février 1794 :

" Le ressort du gouvernement populaire en révolution est la vertu de la terreur; la vertu sans laquelle la terreur est funeste, la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. "*4

Cette association entre vertu et terreur est un avatar laïque de l’élection divine qui a conféré aux peuples de tradition monothéiste le droit, sinon le devoir d’exterminer les infidèles comme l’exige du peuple élu, de façon explicite et réitérée, un commandement biblique.*5 L’autre, en tant qu’ennemi tribal, national ou religieux, puis ennemi de classe, enfin ennemi de la civilisation occidentale (tel que l’a récemment défini Samuel Huntington, entre autres), est le masque changeant selon les modes du temps de l’éternelle agression du péché originel, de l’attentat —et de la tentation— diabolique contre la vertu fondatrice postulée dont l’homme est censé hériter avec la possession de la terre et des ses habitants par l’alliance qu’il a contractée avec Dieu, selon l’orthodoxie judéo-chrétienne.*6 Depuis la Révolution française, et surtout au XXe siècle, les verrous qui empêchaient ou limitaient les campagnes de terreur contre les populations civiles, notamment le droit des gens, ont sauté. La diabolisation et la déshumanisation de l’ennemi sont devenues courantes depuis l’apparition de la mobilisation idéologique des masses avec la Révolution française. La parenté qui réunit dans l’horreur le génocide des Vendéens, le massacre des Juifs, les bombardements massifs des populations (allemande, japonaise, cambodgienne, vietnamienne, etc.) et les camps d’extermination soviétiques est désormais établie par les divers " livres noirs " récemment publiés sur le sujet.*7 Pendant les quarante ans de guerre froide, cette forme de terrorisme d’État s’est prolongée à l’abri des alignements de missiles nucléaires stratégiques qui " protégeaient " les peuples enserrés par les dispositifs d’alliance. Il est inutile et indécent d’essayer de prouver que les millions de morts par les bombes, les empoisonnements et la famine résultant des blocus des uns ne pèsent pas aussi lourd que les millions morts dans les camps des autres, ou l’inverse. La guerre froide a épargné au monde le feu nucléaire sans lui éviter les tueries massives, directes ou non, de populations civiles, essentiellement dans le Tiers-Monde, et ses deux protagonistes principaux y ont une part de responsabilité comparable. Cet affrontement " de basse intensité " (sic !) a encouragé de part et d’autre le déploiement de bandes de guérilleros auteurs de la terreur à petite échelle que nous appelons aujourd’hui " terrorisme " lorsqu’elle est infligée par le camp adverse et " résistance " ou parfois " rébellion " lorsque nous y sommes favorables ou indifférents. C’est le moment de rappeler que pour les occupants allemands, les résistants français étaient des terroristes tout comme l’étaient naguère, pour une majorité des Occidentaux, les membres de l’ANC qui posaient des bombes dans les centres commerciaux sud-africains ou comme le sont aujourd’hui les résistants tchétchènes répliquant avec une extrême brutalité à la violence brutale du dominateur russe. Il est à présent notoire qu’avant d’être mis au ban des nations comme les archi-terroristes par excellence, Ben Laden et ses émules ont été formés, financés et armés par les États-Unis pendant de nombreuses années dans le cadre de leur confrontation avec les forces soviétiques.*8 D’autres mouvements terroristes ont opéré avec un appui logistique étatsunien et européen en Amérique latine (les Contras), en Afrique (l’Unita) ou même en Europe (l’UCK au Kosovo). Bien entendu, dans l’autre camp, on ne s’est pas privé de susciter ou d’appuyer de nombreuses bandes de hors-la-loi ayant pour mission de répandre la terreur chez l’ennemi et ses alliés.

On peine à croire que ceux qui ont si généreusement usé de l’arme redoutable de la terreur aient aujourd’hui réellement renoncé à l’employer le cas échéant, tout comme on ne peut prendre au sérieux leurs promesses d’interrompre les trafics d’armes si rémunérateurs auxquels ils se livrent en sous-main ou de démanteler l’arme nucléaire sur laquelle repose leur suprématie mondiale incontestée. On ne court pas grand risque à parier qu’il y aura toujours des États dominateurs et répressifs surarmés et, face à eux, des bandes rebelles prêtes à tout pour les contrer, avec l’appui des dominés rétifs, incapables de secouer le joug d’une autre façon. Les rebelles en armes seront toujours les résistants de quelqu’un et les terroristes de quelqu’autre.

Un anti-terrorisme efficace s’efforce de prévenir et contrôler le danger autant que possible par les voies politiques et diplomatiques simultanément à la répression. Mais la meilleure des préventions consiste à restaurer un ordre international fondé sur le respect des conventions, des États et des peuples, et non sur la seule loi du plus fort. La poursuite d’objectifs politiques, économiques ou maffieux, par le chantage à la terreur est un phénomène moderne, directement lié à la progression de l’individualisme des sociétés bourgeoises. Le terrorisme est attisé par les sentiments d’injustice et les antagonismes (de classes, d’ethnies, de partis et d’idéologies) qu’ils génèrent, et aussi par la pusillanimité foncière et la corruption des élites contemporaines (la " nouvelle classe " ) qui ouvre constamment de nouveaux espaces à toutes les formes de violence sociale. La lutte contre le terrorisme ne peut faire l’impasse sur la nécessité d’une remise en cause radicale du modèle de société où il se répand et prospère.

L’anti-terrorisme discursif de celui qui, comme G.W. Bush, dit : " ralliez-vous à ma bannière lorsque je bombarde et envahis des États (l’Afghanistan, l’Irak, peut-être bientôt la Syrie, l’Iran…) supposés abriter ou alimenter des nids terrorises que je vais nettoyer ", est une dangereuse imposture. Phraséologie d’autant plus nocive qu’elle permet à d’autres États, alliés du soi-disant gendarme du monde, d’employer impunément l’arme de la terreur quand bon leur semble, comme le fit naguère l’Indonésie au Timor oriental, comme le font la Turquie face aux Kurdes, le Pakistan au Cachemire, et surtout Israël dont le propre ministre de la justice, Yossef Lapid, vient de déclarer que les récentes destructions meurtrières à Rafah (40 morts, des milliers d’habitants jetés à la rue par les bulldozers, appuyés par des chars, qui ont rasé leurs logements), lui rappellent les brutalités nazies contre les juifs dont ont été victimes ses parents*9. L’anti-terrorisme de propagande, qui tente de masquer la réalité de guerres et de répressions féroces illustrées par la stupéfiante découverte de l’ordinaire carcéral à Abou Ghraïb, Guantanamo, Bagram… ne parvient pas, si l’on en croit les sondages, à empêcher une large majorité des Européens de penser que la principale menace actuelle contre la paix ne provient ni des terroristes ni des États classés par Washington sur " l’axe du mal ", mais bien de l’attitude actuelle des États-Unis et d’Israël.

Face à cet échec relatif, les vendeurs d’idéologie sécuritaire font feu de tout bois en criant au danger islamique qu’ils voient partout, du voile de quelques fillettes dans nos écoles aux prêches de quelques imams qui ne brillent pas toujours par leur civisme républicain ou leur féminisme accompli*10. Ils crient au loup face à la nouvelle vague d’antisémitisme qu’ils voient déferler à travers d’opportunes profanations picturales de cimetières et de monuments. Un ministre français, de retour de New York où il se disait fier de s’entendre appelé " l’Américain " devant un parterre d’associations juives s’est récemment prêté à ce petit jeu sur une scène pré-électorale en accusant ses opposants de ne pas avoir assez combattu l’antisémitisme. Monsieur Bush qui, au moment de nos divergences avec sa politique, stigmatisait le prétendu antisémitisme des Français, a du se réjouir de cet appui opportun au moment où son armée s’enlise en Irak, sa politique pro-israélienne court au désastre et sa popularité chute dans les sondages. *11

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