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Fascisme, Fascismes, National socialisme
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26/11/03 |
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9.02 t.u. |
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Thomas Stahler |
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3. Les racines idéologiques du fascisme
Le fascisme est un des héritiers de la révolution française de 1789. Mussolini, dans son ouvrage, «La dottrina del fascismo», souligne cet héritage, rejette l’ancien régime, et s’inscrit dans la légitimité républicaine. La république fasciste idéale de Salo en est le témoignage le plus probant; le rejet de la monarchie, du capitalisme et des Juifs qu’affiche le Mussolini de la fin le montre clairement.
Il faut donc rechercher ce qui, avant et pendant la révolution française, a pu inspirer le fascisme et le national-socialisme.
Les origines idéologiques du fascisme remontent à l’aube de l’histoire européenne. Les sociétés aryennes ancestrales relèvent clairement d’un socialisme communautaire c’est à dire d’une forme archaïque de socialisme national. L’Inde védique, l’empire perse, les cités grecques, les peuples italiques, les tribus celtiques ou germaniques, possèdent tous un système que l’on pourrait qualifier de socialiste. La trifonctionnalité sociale indo-européenne pourrait en être l’incarnation originelle.
C’est surtout avec Platon puis avec Aristote que le fascisme prend sa source. Platon, dans sa république idéale, souligne le rôle fondamental des gardiens dans le maintien de la société parfaite. Aristote, dans l’Ethique à Nicomaque, rejette le système libéral que défend toute société cosmopolite car il est source de tyrannie. Au contraire, il considère que le combat contre le libéralisme passe par le maintien de l’homogénéité raciale des peuples.
C’est ensuite avec la Renaissance que le fascisme prend source, notamment dans la pensée d’un néo-platonicien byzantin, Georges Gémiste Pléthon, dans son ouvrage fondateur, « Les Lois ». Celui-ci développe une idéologie raciale valorisant la «race européenne» et le peuple grec; favorable à l’hellénisme, notamment celui de l’empereur Julien, mais aussi à la romanité ancestrale, celle régénérée par Frédéric II Hohenstaufen au XIIIème siècle, il condamne le christianisme mais également les injustices sociales. Il entend remplacer le christianisme et l’islam par une religion européenne fondée sur le culte de Zeus. Un de ses héritiers est Marsile Ficino qui inspirera un penseur pré-fasciste, Nicola Macchiavelli. Après avoir rédigé un manuel de tactique politique, Le Prince, il développe ses idées républicaines et néo-païennes dans son Discours sur la première décade de Tite-Live. Sa condamnation du christianisme inspirera notamment Nietzsche.
Avec le penseur français Voltaire, le fascisme se dote d’un grand précurseur. Voltaire condamne en premier lieu le christianisme, répétant comme un leitmotiv «écrasons l’infâme», nouveau «delenda est Carthago». Mais il pousse sa critique en condamnant également les Juifs, perçus comme une des sources des maux de l’Europe et comme les responsables, vaguement involontaires, de la christianisation, comme il le souligne dans l’article Juifs de son Dictionnaire Philosophique. Il souhaite même qu’ils retournent en Orient.
Le XIXème siècle va donner au fascisme ses lettres de noblesse. Le triptyque nationalisme - socialisme - antisémitisme qui peut définir tout mouvement fasciste est largement répandu chez les penseurs de la gauche. Ainsi Blanqui et Proudhon, mais aussi Fourier, Saint-Simon, Jaurès et Sorel, développent des thèses proto-fascistes. Pour Jaurès, pourtant encore valorisé aujourd’hui, tout adversaire de droite est «un Juif», même un antisémite. Le boulangisme fut le premier mouvement proto-fasciste en Europe, rassemblant dans un faisceau nationalistes et blanquistes. Le jeune Maurice Barrès se présentera à la députation sous une étiquette «national-socialiste». De même, la Commune, qui précède le boulangisme, présente des aspects authentiquement fascistes; la présence du socialiste nationaliste Louis Rossel en est un des symboles. Tous les penseurs de gauche, ou presque, jusqu’à 1914 présentent des caractéristiques fascistes. Ainsi Jean Allemane, Georges Valois, Edouard Berth et même le marxiste Jules Guesde, développent des idées fascistes. Certains les assumeront, d’autres non.
En Allemagne, de nombreux penseurs présentent des idées fascistes avant la lettre. Chez Hegel par exemple, le paganisme antique est présenté comme largement supérieur au christianisme; de même la guerre est considérée comme un bienfait. La phrase de Hegel, «les périodes de paix sont les pages blanches de l’histoire» est significative. De même, chez Goethe comme chez Lessing ou encore Hölderlin, on trouve un curieux mélange de nationalisme, d’antisémitisme et d’amour du paganisme grec. On pourrait rajouter à cette liste le nom d’Heinrich Heine. Bien que d’origine juive et pris comme cible par certains Nationaux-socialistes (ses livres subiront des autodafés dans les années 30), son amour du paganisme grec mais aussi son nationalisme allemand paradoxal ont influencé de nombreux Allemands. De plus, ce visionnaire parle «du dieu Thor détruisant les cathédrales à coups de marteau» et évoque, bien avant la lettre, ce que le national-socialisme allemand allait défendre.
Richard Wagner a également particulièrement influencé le fascisme allemand; par certains aspects, Hitler peut apparaître comme un de ses disciples post mortem. Bien que conservant un vague vernis chrétien, vernis que dénoncera Nietzsche, il défend aussi dans la Tétralogie de l’Anneau du Nibelung une théologie païenne. Il valorise en particulier le dieu Wotan, perçu comme le double germanique du Christ. De plus, son philo-paganisme se double d’un farouche antisémitisme en même temps que de conceptions socialistes. Wagner est bien un pré-fasciste.
A cette liste, il faut ajouter Friedrich Nietzsche. Certains historiens veulent protéger la philosophie nietzschéenne et dénoncent une mauvaise interprétation national-socialiste de ce grand penseur. Pourtant une lecture approfondie de son oeuvre montre bien son aspect pré-hitlérien. Certes, il aurait peut-être rejeté le national-socialisme, quoique Heidegger, pétri de nietzschéisme ne l’ait pas fait. Mais son paganisme, essentiellement grec bien que parfois germanique, son antisémitisme antichrétien, sa «volonté de puissance», son «inversion de toutes les valeurs», son aryanisme, en font un ancêtre idéologique du fascisme. Dans la Généalogie de la Morale, Nietzsche met en avant la brute blonde germanique et dénonce dans le Vatican une Rome judaïsée; les Juifs sont dénoncés à la lumière de Tacite, dont il cite la phrase célèbre, «les Juifs sont les ennemis du genre humain». Dans l’Antéchrist, il se double d’un antisémitisme virulent et s’en prend à Jésus-Christ. On sent également une opposition entre Aryens et Sémites dans son premier ouvrage, La Tragédie de la morale. Son ami Franz Overbeck dira de lui que « son antichristianisme est essentiellement antisémite. »
Hitler a offert à Mussolini l’intégrale des oeuvres de Nietzsche alors que Mussolini lui a envoyé celle de Machiavel. Ainsi, on pourrait dire que la triade Machiavel-Voltaire-Nietzsche est un des fondements idéologiques du fascisme.
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