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Juan Domingo Peron et la révolution cubaine
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04/06/02 |
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11.38 t.u. |
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Javier Iglesias |
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LE NATIONALISME CUBAIN FACE AU COMMUNISME
En septembre 1933, dans tout le pays, c'est l'émeute : un soulèvement populaire massif, coïncidant avec un soulèvement militaire, met fin à la dictature de Machado. Le pouvoir passe aux mains des représentants d'un nationalisme révolutionnaire Roman Grau San Martin et surtout Antonio Guiteras, qui va mettre en oeuvre une révolution nationale anti-impérialiste débouchant sur un socialisme qui est, comme l'indique son programme, un produit national né des lois de la dynamique sociale, aux antipodes donc d'une construction politique laborieuses.8
Dès leur installation, les nouveaux dirigeants sont en butte à la double opposition des forces pro-capitalistes soutenues par les Etats-Unis et des communistes indigènes qui en diverses parties de l'île organisent des soviets armés dans le but avoué de faire tomber un gouvernement qualifié de bourgeois.
Si l'ultra-gauche philo-soviétique combat ce gouvernement populaire et anti-impérialiste, c'est en vertu d'un accord qu'elle a conclu dès le mois d'août 1933, en pleine insurrection anti-machadiste. Les responsables communistes Cèsar Villar et Vicente Alvarez « promirent (alors) à Machado de suspendre l'insurrection en échange d'une reconnaissance officielle du syndicat cubain CONC »9.
Alors que partisans et opposants de Machado se livraient une guerre sans merci, les staliniens des Caraïbes, enfermés dans la Iogique de classe de l’Internationale communiste, traitaient avec le « bourgeois » Machado, dans l’espoir d’obtenir pour leur formation politique des avantages particuliers. Quelques années plus tard, Fabio Grobart, fondateur du PC cubain, reconnaîtra que lorsqu'il ordonna de mettre fin à l'insurrection, il ne fut guère suivi. « Les hommes de La Havane qui étaient les seuls à pouvoir imposer ce mot d'ordre, éliminèrent par le dynamisme de leur action tous les doutes quant au caractère de l'insurrection, tant au sein du parti que parmi les membres du CONC. Ainsi était rectifiée l'erreur commise par les dirigeants : les travailleurs votèrent à l'unanimité la grève générale pour chasser Machado du pouvoir ».10
Nous le verrons, cette prise de position fut néanmoins fatale au gouvernement national populaire, en ce qu'elle préluda au rapprochement entre les partisans de Machado et l’ultra-gauche communiste. Cette étrange alliance mit les patriotes cubains en difficulté.
LA FICTATURE DE BATISTA
Le colonel Fulgencio Batista fut l'acteur principal de cette alliance entre droite réactionnaire et staliniens. Elle lui permit de faire tomber le gouvernement Grau-Guiteras, puis dès la fin de l'année 1939, de s'approprier le pouvoir directement d'abord, puis par le biais de présidents fantoches. Il supprima alors les derniers espaces de liberté démocratique et contraignit l'opposition à la lutte armée. Grau San Martin fonda le Parti Révolutionnaire Authentique, dont les racines idéologiques puisent dans « le varguisme, le cardénisme et le péronisme, s'inspirant tout à la fois du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire bolivien et de l'Action Démocratique Vénézuélienne ».11 A son tour, Guiteras constitua l'organisation révolutionnaire politico-militaire Joven Cubs, imprégnée de nationalisme et de socialisme. Cette organisation, influencée par le fascisme, opéra militairement dans les secteurs gagnés aux thèses insurrectionnelles du Parti Authentique et mit sur pied plusieurs milices armées (Union Insurrectionnelle Révolutionnaire, Organisation Authentique, Mouvement Socialiste Réolutionnaire).
En 1938, le Parti Communiste avait adhéré à la ligne antifasciste définie par la III° Internationale, et à ce titre, Batista était un allié possible. Le raisonnement des hommes de Moscou était le suivant : le fascisme européen était désormais l'ennemi principal de l'URSS. Par voie de conséquence, les Etats-Unis devenaient un allié potentiel. C'est ainsi que les gouvernements chapeautés par les Etats-Unis bénéficièrent désormais du soutien des PC locaux. Dans le cas de Cuba, cette stratégie eut pour conséquence la légalisation du PC cubain à la fin 1938. De surcroît, le 25 juillet 1940, le général Batista, qui bénéficiait du soutien actif du PC Cubain, obtint une victoire électorale éclatante sur le Parti Authentique et fit repousser l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution démocratique jusqu'en 1943. Le triomphe de Batista et des communistes était le fruit d'une loi électorale qui écartait du scrutin la moitié des Cubains en âge de voter. Enfin, le 24 juillet 1942, Batista ouvrit son gouvernement aux communistes. Juan Marinello et Carlo Rafael Rodriguez furent les premiers communistes à accéder à un poste de commande en Amérique latine. Paradoxalement, Rodriguez devint par la suite un membre influent du gouvernement castriste.
Les premières élections libres, qui ont lieu en 1944, mettent un terme à la parenthèse Batista-PC. Avec plus de 65 % des voix, le Dr Grau San Martin écrase son concurrent Salgarida, candidat de Batista , sur qui se sont reportées les voix communistes. Privés de l'appareil de l'État, les stalinistes cubains ne tardent pas à perdre pied. Les syndicats authentiques ont occupé le terrain de l'action, aidés en cela par les groupes insurrectionnels qui depuis des années se sont opposés par des actions de guérilla à la dictature de Batista.
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