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:::::::: histoire :: allemagne ::

Éléments pour une biographie politique d’Ernst Jünger

15/07/02 18.04 t.u.
Frédéric Kisters



JÜNGER décrit la lente, mais inexorable, montée de la menace, jusqu’à son apogée, quand les forces maléfiques détruisirent les falaises de marbre. Plusieurs épisodes de son roman, nous paraissent aujourd’hui prémonitoires. Lors d’une patrouille, les deux frères découvrent avec horreur l’atelier d’équarrissage de Köppels-Beeck. On trouve aussi dans le texte une expression devenue célèbre : « Les actes de banditisme que la Campagna connaissait déjà se renouvelaient alors, et les habitants étaient enlevés à la faveur de la nuit et du brouillard (= Nacht und Nebel). Nul n’en revenait »(2).

La censure nazie ne s’y trompa point; le Reichsleiter BÜHLER entama une procédure à l’encontre de l’auteur et son éditeur eu maille à partir avec la Gestapo. Ernst JÜNGER survécu sous le IIIe Reich, en partie grâce à son statut de héros national, en partie grâce au succès de ses écrits de guerre qu’HITLER admirait. En revanche, le dictateur n’a sans doute jamais lu les « Falaises de marbre ». Il avait demandé à ses services de ne point importuner l’écrivain. A vrai dire, si HITLER avait lu ce roman, il aurait vu son véritable visage et ce spectacle déplaisant aurait entraîné la mort prématurée d’Ernst JÜNGER. Après la guerre, l’auteur fit souvent allusion, de manière sibylline, à ses protecteurs, sans le(s) nommer. Pour notre part, nous inclinons à croire que GOEBBELS, ce « nazi de gauche », était l’un d’entre-eux.

Nombre d’anciens enrôlés dans la Wehrmacht se souviennent qu’il lisait, sur le front ou en permission, « Sur les falaises de marbre »; le texte constituait comme un fil impalpable qui reliait les opposants au régime. Savoir que d’autres partagent vos idées constitue déjà un réconfort.

LA GUERRE DE KNIEBOLO

Le capitaine JÜNGER participa, bien malgré lui, à la campagne de 40 en France. Dans son journal, il affirme qu’il s’agit de la guerre d’HITLER et non de la sienne. Par prudence, il désignait le dictateur par le surnom, à consonance satanique, de « Kniebolo », dans ses journaux.

En juin 1941, son régiment partit pour la Russie. Le général SPEIDEL, qui était un de ses admirateurs et un opposant au régime, affecta JÜNGER au contrôle du courrier militaire, à Paris, afin qu’il poursuivît son oeuvre littéraire.
« Sur les falaises de marbre », la seconde version du « Coeur aventureux » ainsi que « Jardins et routes » (son premier journal) furent publiés en traduction française dès 1942. Durant la même année, il entama la rédaction de « L’appel », texte qui s’intitulera plus tard « La paix ». Il fréquentait les milieux parisiens et rencontra la plupart des grands écrivains de l’époque, comme GUITRY, GIRAUDOUX, JOUHANDEAU et le moins connu Jean POULHAN dont il savait pertinemment bien qu’il était un résistant actif. Ainsi, il participait à la grande « République des lettres ». Il ne passait presque pas un jour sans qu’il discutât avec un homme de lettre. Soulignons qu’il sortait le plus souvent possible habillé en civil, tant il détestait ce que son uniforme représentait, alors qu’il l’avait porté si fièrement quelques années plus tôt.

Il rencontra également CELINE à l’institut allemand, mais ses diatribes antisémites lui inspirèrent de la répulsion. Il appréciait tellement peu ce personnage, que, des années plus tard, il refusait toujours d’en parler aux journalistes.
A la fin de 1942, Heinrich STÜLPNAGEL, un des futurs conjurés du 21 juillet 1944, l’envoya en mission dans le Caucase, afin qu’il estimât le moral des troupes et leur éventuelle volonté d’adhérer à un putsch contre HITLER. A son retour, il rédigea pour SPEIDEL un rapport circonstancié sur les luttes d’influence qui sourdaient entre l’armée et le parti.

Dans son « Garten und Strassen », JÜNGER commentait le Psaume 73. La censure nazie lui demanda de supprimer ce passage. L’auteur refusa. C’en était trop, les autorités nazies l’interdirent de publication.

Le maréchal ROMMEL fut le premier lecteur de son texte « La paix » qui l’aurait convaincu de participer au complot du 20 juillet. En circulant sous le manteau, « La paix » devint en quelque sorte le manifeste des conjurés. Ernst JÜNGER était au courant du complot, mais il n’y prit point part, son propre combat était solitaire. De plus, il n’approuvait pas les attentats politiques. Pourtant, il nota dans son journal qu’il admirait le courage de STAUFFENBERG et de ses camarades. Après l’échec du putsch, il détruisit de justesse des papiers compromettants. Néanmoins, il fut dans un premier temps mis en disponibilité, puis les autorités nazies lui demandèrent de démissionner de l’armée. Il rejoignit son domicile à Kichhorst. Le 1er décembre 1944, le juge FREISLER adressa une lettre à Martin BORMANN concernant la procédure ouverte contre JÜNGER pour « Sur les falaises de marbre ». La manoeuvre visait probablement à le traîner devant le Volksgerecht ( = le Tribunal populaire) pour crime de haute trahison. En effet, il relevait des tribunaux de l’armée tant qu’il demeurait militaire, même en congé.
Le 24 novembre, son fils aîné, Ernstel, alors âgé de 18 ans, était tué par des partisans italiens, non loin des « falaises de marbre » de Carrare. Ernstel avait été arrêté, puis versé dans un bataillon disciplinaire, parce qu’il avait proféré des critiques contre le régime nazi. Ernst JÜNGER se sentit coupable de sa fin. En 1950, Ernst JÜNGER aménagea dans la propriété de Wilflingen, qui avait appartenu à une branche de la famille STAUFFENBERG. Le jardin abritait la tombe d’Ernstel, qui était toujours fleurie.

Quelques mois plus tard, les Américains approchaient de Kirschorst. En tant que commandant du « Volksturm » de la ville, il fit en sorte que ses miliciens ne se sacrifiassent pas dans un vain combat en les convainquant de rendre les armes.

LE « PACIFISTE »

Au sortir de la guerre, Ernst JÜNGER refusa de se soumettre aux procédures de dénazification, puisqu’il avait toujours réprouvé le régime nazi. Soudain, il devenait un auteur décrié, voire dénigré, surtout par les intellectuels communistes et ceux qui voulaient se donner une bonne conscience. Le silence de ses amis parisiens le fit plus souffrir que les vociférations de ses ennemis. En revanche, il apprit que Bertold BRECHT avait demandé à ses camarades communistes de cesser leurs attaques contre lui. Certains de ses détracteurs espéraient se faire bien voir en le critiquant, d’autres lui reprochaient son essai « Le Travailleur » dans lequel les nazis auraient puisé des arguments pour leur propre propagande. La bassesse des premiers est évidente, l’irrationalité des seconds est consternante. En effet, il s’agit du même procédé qui consiste à accuser NIETZSCHE des méfaits du nazisme, en dépit de la chronologie (3). A l’instar du philosophe de Sils Maria, JÜNGER détestait les idéologies de masses comme le nazisme et il prônait plutôt une forme d’aristocratie, au sens étymologique. Surtout, il n’a jamais professé d’idées racistes.

Il fut interdit de publication jusque en 1949, aussi « La paix », qu’il dédiait à la jeunesse d’Europe et du monde, parut-elle clandestinement, à Amsterdam, en 1945. Cinquante ans plus tard, il déclara « A mes yeux, le fruit le plus précieux de ces deux guerres est mon essai intitulé « La paix »; j’y affirmais la nécessité d’une Europe unifiée, et aussi de l’Etat universel.(5) ».

Le texte ne verse pas dans l’universalisme hébété qui est trop fréquent chez les pacifistes. Au contraire, JÜNGER emprunte un style poétique, aux accents guerriers, pour prêcher la paix. En allemand, le substantif « Friede » est du genre masculin.

Selon l’auteur, le dernier conflit ne fut pas un affrontement entre nations, mais une guerre civile mondiale (= Weltbürgerkrieg) qui forgea les peuples comme les coeurs. Ce fut la première oeuvre commune de l’Humanité, la paix doit être la seconde. Pour la réaliser, il faut résoudre trois problèmes fondamentaux : l’espace, parce que les Etats luttent pour conquérir des territoires; le droit, car la concorde ne peut s’établir qu’entre peuples libres; enfin, la question du Travailleur, seule figure capable de mettre la mobilisation totale, opérée pour la guerre, au service de la paix. Maintenant que les frontières sont ébranlées par le séisme, survient le moment propice pour que les peuples s’unissent en de vastes ensembles géopolitiques. L’Europe ne peut être dominée par ses deux avatars, les Etats-Unis et la Russie Les Empires (= Imperien) instaureront en leur sein une unité dans la diversité. A l’intérieur de l’Empire, chacun sera libre d’appartenir au peuple qu’il désire. Le nouvel Etat réconciliera les deux formes de la démocratie, la libérale et la totalitaire. Sous l’égide de l’Etat totalitaire, seront placés les aspects qui relèvent de la civilisation : la technique, l’industrie, l’économie, la défense. Tandis que les domaines culturels seront régis par le pouvoir libéral : la langue, l’histoire, les coutumes, les lois, les arts et la religion. L’ordre nouveau se fondera sur une théologie postnihiliste et l’Etat n’accordera sa confiance qu’aux individus qui croient en une raison supérieure à l’homme (que JÜNGER voyait dans le christianisme, il entamait alors son retour au religieux...)

L’EQUILIBRE DES FORCES : HELIOPOLIS (1949)

« Héliopolis » transpose en partie l’atmosphère qui régnait au Quartier général allemand à Paris et les luttes de pouvoir entre la Wehrmacht et les nazis, dans un univers où l’Etat universel s’est réalisé. Dans la cité d’Héliopolis, deux pouvoirs s’affrontent; d’une part le proconsul, que sert le héros, l’officier Lucius de Geer; d’autre part, le Bailli, un tyran démagogue qui assoit son pouvoir à la fois sur la force, la crainte et la technique. Le maître des basses oeuvres du bailli, l’inquiétant Messer Grande, est d’ailleurs passionné par le progrès sous toutes ses formes et particulièrement par les travaux du docteur Mertens, qui dirige l’Institut de Toxicologie, où, dit la rumeur, on empoisonne les opposants. Lucius s’énamoure de Boudour Péri, la nièce d’un commerçant Parsi, un peuple persécuté. Ceux-ci sont bientôt les victimes du Bailli. Au travers du martyr des Péri, JÜNGER dénonçait la persécution des Juifs. Lucius sauvera Boudour et son oncle Antonio au péril de sa vie, puis ils s’exileront dans les astres, le domaine d’une troisième force, le Régent, qui correspond soit à la sphère religieuse soit à une sagesse supérieure qui protège la liberté de l’individu.

A la fin des « Falaises de marbre », le mal triomphait; dans « Héliopolis », un précaire équilibre des forces s’instaure. A nouveau, la résistance est menée par un groupe aristocratique de militaires. A la fin du roman, le pilote du vaisseau spatial, Phares, déclare à Lucius : « Nous connaissons votre position - celle de l’esprit conservateur qui a voulu se servir des moyens révolutionnaires et a échoué ». JÜNGER constate l’échec de son engagement politique et se tourne vers la sphère magico-religieuse.

LES APORIES DU REBELLE (1951)

Dans « Le traité du Rebelle ou le recours aux forêts » (= Der Waldgänger ), Ernst JÜNGER dessine une nouvelle de ses figures. Le mot « Waldgänger » désigne le proscrit islandais du Haut Moyen Age scandinave qui se réfugiait dans les forêts. Exclu de la communauté, ce réprouvé pouvait être abattu par tout homme qui le croisait. Pour sa part, JÜNGER définit le Rebelle de la manière suivante : « Nous appelons ainsi celui qui, isolé et privé de sa patrie par la marche de l’univers, se voit enfin livré au néant. Tel pourrait être le destin d’un grand nombre d’hommes, et même de tous - il faut donc qu’un caractère s’y ajoute. C’est que le Rebelle est résolu à la résistance et forme le dessein d’engager la lutte, fût-elle sans espoir. Est Rebelle, par conséquent, quiconque est mis par la loi de sa nature en rapport avec la liberté, relation qui l’entraîne dans le temps à une révolte contre l’automatisme et à un refus d’en admettre la conséquence éthique, le fatalisme. A le prendre ainsi, nous serons aussitôt frappés par la place que tient le recours aux forêts, et dans la pensée, et dans la réalité de nos ans(7). »

Au début de son essai, l’auteur dénonce le système de plébiscite pratiqué sous les dictatures, mais nous sentons bien que les reproches adressés à ces caricatures d’élections ou de référendum s’appliquent également au scrutin dans les démocraties parlementaires. Le Rebelle rejette la société moderne, qu’il considère comme totalitaire, quelle que soit la forme de gouvernement. A l’inverse du Travailleur, il refuse la nécessité et combat la technique qui mène le monde à sa perte. Néanmoins, il ne renonce pas entièrement aux instruments modernes dont il a besoin pour préserver sa liberté. Son attitude paradoxale rappelle celle des deux frères de « Falaises de marbre ». En effet, comment combattre le Mal en utilisant les mêmes outils et méthodes que lui ? En revanche, le Rebelle peut se réfugier dans les forêts que tout homme porte en lui : l’art et la pensée. Les apories du Rebelle apparaissent, lorsqu’il doit traduire en actes sa révolte intérieure... Sur ce point, le Rebelle ressemble à Lucius de Geer qui connaît une apothéose spirituelle en se réfugiant dans les domaines du Régent, mais qui, au niveau politique, est un vaincu. JÜNGER a beau souligner que les régimes totalitaires sont fragiles, parce qu’ils doivent mobiliser l’essentiel de leur énergie dans la répression d’une minorité de résistants, cet accès d’optimisme ne convainc guère le lecteur. Ni Lucius, ni le Rebelle, ni l’auteur lui-même ne peuvent rester indifférents devant la douleur d’autrui, mais ils se privent des moyens nécessaires de combattre les bourreaux. Reste qu’avec « Héliopolis » et « Le traité du Rebelle », Ernst JÜNGER se départit de la philosophie contemplative et du retrait intérieur qu’il avait prôné dans « Falaises de Marbre », pour affirmer la nécessité de la résistance.

EUMESWIL(8)

« Eumeswil » achève le cycle de métamorphoses des figures jungériennes. Maintenant vient l’Anarque, qui est une figure affinée du Rebelle. Le héros et narrateur du roman, Vénator, est un historien qui axe ses recherches autour d’une vision cyclique de l’Histoire, dont il traque les figures pérennes, les archétypes de personnages ou d’événements, au moyen d’un ordinateur gigantesque, le Luminar, qui contient tout le matériel historique accumulé par les hommes. L’auteur adopte d’ailleurs le style qu’il prête à l’historien, fait de phrases courtes et incisives. Le soir, Venator officie comme barman du cercle privé de Condor, le dictateur habile et esthète qui règne sur Eumeswil, une des cités-Etats nées de la désagrégation de l’Etat universel. Son bar est un poste privilégié pour observer les jeux du pouvoir. Au contraire de l’anarchiste, l’Anarque ne désire pas supprimer l’autorité, il s’en accommode et apprend à vivre en son sein, tout en préservant sa liberté d’esprit. Le Rebelle fuyait la société, l’Anarque s’insère en elle. « L’anarchiste vit dans la dépendance - d’abord de sa volonté confuse, et secondement du pouvoir. Il s’attache au puissant comme son ombre; le souverain, en sa présence, est toujours sur ses gardes (...) L’anarchiste est un partenaire du monarque qu’il rêve de détruire. En frappant la personne, il affermit l’ordre de la succession. Le suffixe « isme » a une acception restrictive : il accentue le vouloir aux dépens de la substance (...)
La contrepartie positive de l’anarchiste, c’est l’Anarque. Celui-ci n’est pas le partenaire du monarque, mais son antipode, l’homme que le puissant n’arrive pas à saisir, bien que lui aussi soit dangereux. Il n’est pas l’adversaire du monarque, mais son pendant.

Le monarque veut régner sur une foule de gens, et même sur tous; l’Anarque sur lui-même, et lui seul.. Ce qui lui procure une attitude objective, voire sceptique envers le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les figures - intangibles, assurément, mais non sans émotion intime, non sans passion historique. Anarque, tout historien de naissance l’est plus ou moins; s’il a de la grandeur, il accède impartialement, de ce fond de son être, à la dignité d’arbitre(8). »

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