15/12/03 9.11 t.u. Roland Gaucher

Amusant, la très faible place accordée par L’Huma (9 décembre, en page 14) aux élections en Russie. On y apprend que le parti de Vladimir Poutine " rafle la mise " (on n’aurait jamais vu cela sous Staline !). Jirinovki qui a obtenu 12 % des voix est qualifié de " Le Pen russe ". L’alliance nationaliste Rodina (Patrie) est qualifiée d’" invité surprise ". Quant au Parti communiste de Ziouganov, qui a essuyé un lourd revers, on n’en parle pour ainsi dire jamais dans le quotidien communiste.

Ah ! qu’il est loin le bon temps de Staline, d’où pleuvaient les picaillons ! Et qui n’a guère de chance de revenir à la surface.

Pour notre part, ce que nous retiendrons ici, c’est la montée d’une formation populiste : Rodina. Elle a à sa tête d’anciens communistes et on pourrait la définir comme nationale-révolutionnaire.

Les populismes progressent partout en Europe. Au point d’avoir fait l’objet, quelques jours avant les élections en Russie, d’une enquête spéciale dans Le Courrier international : " Les populistes, des xénophobes à la conquête de l’Europe " (4 décembre).

Il va de soi que l’enquête n’est pas du tout favorable, mais qu’elle soit la reconnaissance d’un danger, dans un pareil organe, est un phénomène significatif. La démocratie va être " cannibalisée ". Les populismes sont, en général, jugés " nauséabonds ", épithète " politiquement correcte ". Puisqu’on parle des populismes, en Suisse, en Italie, au Danemark, en Pologne, en Autriche, au Portugal, il serait naturel d’accorder la place qui lui revient au Front national. Marine Le Pen a tout juste droit à sa photo et à quelques lignes minuscules, dont la plus longue ne dépasse pas vingt signes et intersignes.

Retenons cependant de ces analyses , trop souvent lassantes par leur conformisme, un article signé Remo Badei qui mérite l’attention. Il est consacré à la situation en Italie et s’intitule " Du Duce au vidéocrate ". Il commence ainsi : " Le populisme moderne est né en 1895, l’année ou Gustave Lebon publie La Psychologie des foules. Face aux tentatives des masses ignorantes et violentes de s’organiser dans les partis socialistes et devant l’incapacité des élites libérales à mettre un frein à cette dangereuse ascension, Le Bon suggère un modèle de dirigisme politique centré sur la logique du meneur de foule. "

Par la suite, l’auteur italien souligne qu’au meneur est venu s’ajouter un facteur technique : la pénétration de la télévision et de la vidéo dans les foyers.

Voilà qui mériterait d’être discuté, d’autant que si nous considérons le cas de la France, un homme comme Le Pen est pratiquement exclu de la télé. Mais il faudrait aussi tenir compte d’un autre facteur technique, l’invention de l’internet, et ses progrès foudroyants.

Les populismes sont en plein essor. Ils ont, certes, leurs différences.

Mais il est de leur intérêt, face à la puissance de l’impérialisme américain de s’unir entre eux. Et d’abord d’apprendre à se connaître. La multiplication de réseaux internet devrait contribuer à ces échanges indispensables à la montée en puissance des nationalismes européens.