26/07/04 21.46 t.u. Roland Gaucher

Dire que le gros livre de l’auteur américain Robert Paxton, Le Fascisme en action [1] est un ouvrage « politiquement incorrect » serait assurément abusif. Il respecte les tabous : Hitler, cela va de soi, est un monstre. Staline, cité seulement six fois, et fort brièvement, échappe à toute comparaison avec lui.

Il reste que cette étude comporte nombre d’éléments sur les différents types de fascisme, sur leur création, sur la conquête, puis sur l’exercice du pouvoir, sur leur enracinement et leur radicalisation.

Il y a déjà des ébauches de fascismes avant la guerre de 1914. En France, elles s’esquissent avec Georges Sorel et Georges Valois, voire peut-être chez Proudhon, et, dans la rue, avec le coup d’Etat manqué du général Boulanger. La guerre de 14, avec ses énormes sacrifices humains, très oubliés aujourd’hui, et la montée du bolchevisme, explique en partie le surgissement de structures politiques d’un type nouveau. Celle-ci ne se limitent pas au charisme du leader, mais sont aussi dues à l’apparition de cadres et de militants implantés dans la rue, comme chez les formations d’extrême-gauche auxquelles elles vont s’opposer dans une lutte aiguë.

Paxton souligne avec justesse la différence de fonctionnement des régimes fascistes avec celui de Staline. Les premiers sont contraints de partager dans une certaine mesure le pouvoir avec l’establishment conservateur préexistant. En conséquence, l’histoire des régimes fascistes est profondément marquée par les tensions entre les élites traditionnelles, qui entendent conserver leurs privilèges, et les fascistes populistes.

Il en résulte une différence assez nette entre le fascisme italien et le nazisme. Le premier va se dégrader sous la forme d’un conservatisme autoritaire. L’Allemagne nazie, au contraire, se radicalisera.

Paxton note aussi, avec justesse, que le charisme de Hitler et de Mussolini rappelle celui des stars des médias. La radio et les actualités dans les salles de cinéma ont joué à cet égard un rôle incontestable (la voix de Hitler, celle de Goebbels) ; on imagine ce que cela aurait pu être avec le développement de la télévision.

Passons à un autre ouvrage qui traite un aspect des activités post-fascistes. Ce livre a pour titre Nos belles années de plomb (La droite radicale italienne dans l’orage de la lutte armée et de l’exil) [2]. Il a pour auteur Gabriele Adinolfi. Ce qu’il relate, dans un récit alerte, c’est l’histoire mouvementée d’une fraction du post-fascisme. Celle-ci se manifeste par l’activité aiguë d’une poignée de jeunes nationalistes-révolutionnaires qui fonde, en 1976, une petite organisation, Lotta studentesca. Celle-ci va rapidement engendrer Terza pozitione. Avec très peu de monde, elle mène des combats de rue intrépides. Ses membres connaissent la prison puis l’exil en Angleterre, en Espagne ou en France. Ni front rouge, ni réaction, est leur mot d’ordre. Ils luttent, en particulier, contre l’emprise de la CIA sur une large partie de l’extrême-droire italienne.

J’avoue qu’en lisant Gabriele Adinolfi, j’ai appris beaucoup de choses, dont ne m’ont jamais parlé, ni Almirante, ni Fini, lorsque je les rencontrais dans les couloirs du Parlement européen.

Roland Gaucher

Note :

1 - Seuil.
2 - disponible à www.librad.com