Plus d'Europe pour sauver l'Europe
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11/04/03 |
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15.35 t.u. |
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Thomas Demada |
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Il est temps désormais de mettre de côté chagrin et pitié, légitime colère et ressentiment. Il est temps désormais de tirer les leçons du drame irakien. Ne vendons pas toutefois la peau des Babyloniens trop vite, vaincre et occuper un pays sont deux épreuves bien distinctes, on peut exceller dans la première sans réussir l'autre (le cas de la France à l'heure allemande) mais on peut tout aussi bien remporter les deux (les mêmes Américains et la normalisation du japon). La puissance U.S après avoir gagné la guerre doit maintenant gagner la paix, elle manie malheureusement avec dextérité l'anesthésiant universel des peuples : le capitalisme...
Il n'y a qu'un seul écueil à éviter en politique : sous-estimer son ennemi, le moloch américain a écrasé l'Europe sous ses bombes, mais il l'a vaincu avec des chewing-gums, des barres chocolatées et un cinéma apologétique qui vaut largement les œuvres propagandistes de l'Allemagne nazie ou de la Chine maoïste. Si après l’Afghanistan, le Moyen-Orient tombe dans la gibecière U.S., les liens seront coupés entre la Chine et l'Europe (les deux unités qui pourraient constituer à terme un contrepoids aux velléités de Washington), ils contrôleront le trésor énergétique eurasien après avoir supplanter les anciennes métropoles européennes en Afrique.
Deux conclusions s'imposent alors à nous :
1. Accélérer à tout prix le processus européen même si celui si ce fait dans le cadre imparfait de la future République fédérale européenne. Ce qui veut dire en clair et sans formule pompeuse intégrer immédiatement et quel que soit le coût économique les anciens pays de l'orbite soviétique. On ne fera pas l'Europe en comptant ces deniers ou en se crispant sur ces privilèges, ceux qui ne veulent pas des pays de l'Est ne veulent pas de l'Europe unitaire, nous ne voulons pas d'eux. Il est temps que les eurosceptiques et les eurofébriles rejoignent leurs amis souverainistes. Posons un jalon supplémentaire : il faut accueillir le plus vite possible nos frères de l'actuelle C.E.I, objectivement car ils sont tout aussi européens que nous et plus cyniquement car il nous faut rompre le plus vite possible le dialogue Moscou-Washington. Le précédent de la position commune Berlin-Paris-Moscou contre la guerre en Irak jouant ici en notre faveur. Il ne s'agit pas de bâtir l'Europe autour d'un pays ou d'un noyau dur, fut-il élargi au groupe France-Allemagne-Russie. La conjugaison des forces européennes centrifuges fera diminuer la pertinence des conflits d’intérêt locaux en les diluant dans un espace plus vaste et plus cohérent. Il nous faut faire la paix sur notre sol, chaque conflit entre européens est une plaie ouverte pour nous, il ne s'agit donc pas de prendre partie pour l'un ou l'autre mais d’œuvrer pour les intérêts supérieurs de l'Europe. La plus petite friction communautaire ou ethnique sera le talon d’Achille où les Américains nous frapperons, comme l'on dévide complètement une veste en tirant sur le plus petit accroc. Les petits nationalismes doivent à terme disparaître...
2. Il nous faut appuyer fermement les mouvements de convergence similaire au notre, où qu'ils se trouvent. En clair il faut absolument soutenir l'unité future du monde arabe, qui se cristallise pour l'instant dans les esprits autour de la Palestine et de l'Irak, même si le baahisme politique des années 60 a été un échec en grande partie à cause du triomphe des éléments réactionnaires de droite sur les éléments de gauche. Comme le dit l'essayiste libanais Elias Khoury : "le panarabisme à la Nasser est mort", si le rassemblement des états arabes sur le modèle de l'état-nation européen a vécu, l'idéal panarabe demeure (cf. les articles d'Antoine Sfeir à ce sujet). Il nous faut donc relayer et reproduire en Europe la vox populi arabe contre les "élites" américanisées et corrompues. Tous ensemble nous avons tout à gagner à une coopération réciproque, respectueuse et profitable.
Nous devons également, j'utiliserai une formule très optimiste : "organiser les marches de l'Empire". Si sur un plan formel nous nous opposons à l'entrée de la Turquie dans l'U.E., il est nécessaire d'organiser l'espace eurasien qui outre ces apports en carburants fossiles, doit constituer à terme la nécessaire barrière des peuples touraniens. Là aussi l'ouverture de la nationalité turque aux membres de la nation turque au sens large (turkmènes, ouzbeks, kirghizes etc...) est un précèdent en notre faveur.
L'Europe unitaire aussi puissante et viable qu'elle soit par rapport aux anciens états ne pourra subsister seule.
La politique extérieure des néo-conservateurs américains est transparente comme l'eau claire, c'est là notre seul atout. Le messianisme américain et le rêve des sionistes de reconstituer le grand Israël de David et Salomon (qui s'étend bien au-delà des limites de l'état actuel) est un cocktail empoisonné. La guerre qui gronde désormais aux portes de la Syrie et de l'Iran assurera la mainmise américaine sur d'immenses réserves fossiles, leur permettra d'occuper une position géostratégique clé et elle garantira surtout de désenclaver l'entité sioniste que menace la démographie arabe. Il ne faut pas sous estimer ce lobbying sur la politique américaine particulièrement par l'intermédiaire de l'Alliance Chrétienne dont l'islamophobie est proverbiale. L'axe Tel-Aviv/Washington a engagé un conflit généralisé contre tous les peuples qui aspirent à la liberté. Le plus grand drame est que les juifs de Palestine pourraient vivre en parfaite concorde avec les Palestiniens arabes dans un état où tous seraient citoyens de plein droit. Il y avait en Palestine une communauté juive avant 1948 qui vivaient en bonne intelligence avec les Arabes, les juifs d'Espagne ont souvent préféré les musulmans aux croisés, ils seraient avisés de s'en souvenir.
L'équilibre des puissances doit être rétabli. Plus que jamais l'Europe unitaire est une nécessité pour nous et pour le monde.
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