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Goulard : Vrai-Faux et mauvais départ à la Défense

Alors que tous, à l’incontournable Salon du Bourget, attendaient la ministre des Armées, la ci-devant Sylvie Goulard-Grassi. Celle-ci, dans une posture qui fera date, a décidé de rendre son tablier. Retour sur une décision à la portée, somme toute, limitée.

Eh, oui, comme l’a écrit sur son blog, Vincent Lamigeon, « ils étaient là, presque en rang d’oignons, attendant sagement la visite de Sylvie Goulard. Industriels sur leurs stands climatisés, militaires en plein cagnard devant leurs avions et hélicoptères, gros bonnets du ministère des armées dans le chalet du ministère. Tous fin prêts à accueillir la ministre pour sa visite, prévue à 10h30 ce matin »1.

Mais à 9h38 pétantes – indicible légèreté de l’être ou poids des affaires, nul ne sait – un communiqué du cabinet de Sylvie Goulard-Grassi tombe comme un coup de masse d’arme : la ministre y fait savoir, Aero et urbi, avoir demandé au président français, Emmanuel Macron, de quitter le gouvernement, ce « dans l’hypothèse où l’enquête préliminaire visant le MoDem conduirait à vérifier les conditions d’emploi de mes assistants au Parlement européen »2.

Et Sylvie Goulard-Grassi de souligner, assez élégamment d’ailleurs, que « La mission de Défense impose une exigence particulière. L’honneur de nos armées, celui des hommes et des femmes qui y servent, parfois au péril de leur vie, ne sauraient être mêlés à des polémiques auxquelles ils n’ont aucune part ».

Au Bourget, l’endroit où il fallait être, la décision a créé la surprise auprès des industriels et des militaires présents. « C’est une décision tout à son honneur » rapportait à Reuters une source militaire. « Désormais, nous attendons la nomination du nouveau ministre ».

Une décision que, c’est à la noter, personne n’attendait. Comme l’a écrit Vincent Lamigeon, « Guillaume Faury, patron d’Airbus Helicopters, n’est pas au courant, pas plus que le patron de Nexter Stéphane Mayer, qui semble tomber de sa chaise. Chez Dassault Aviation, on affirme aussi n’avoir appris la nouvelle que par un tweet de Challenges »3

Sur l’expo statique du ministère des armées (un des must du salon), même étonnement. « En dix Bourget, je n’ai jamais vu ça », confiait à notre estimé confrère un industriel. « On a un ministère des armées dont c’est un des temps forts, et qui n’a plus de ministre. Le timing est délirant. Complètement délirant »4.

« De fait », poursuit Vincent Lamigeon ; « le choix du moment interroge. Le Bourget est LE moment fort de l’année pour l’aréopage de l’aéronautique et de la défense. Les délégations internationales y défilent, les liens entre industriels s’y tissent ou s’y défont, les armées y montrent leurs équipements et leur savoir-faire devant 3.000 journalistes et 150.000 visiteurs professionnels »5.

La raison de ce Waterloo de la part Sylvie Goulard-Grassi, chaussant là davantage les bottes de Crouchy que celles de Murat, n’est pas claire.

L’explication tentée par Vincent Lamigeon – Cf. « Lâcher le manche du ministère une heure à peine avant la visite prévue relève donc, au mieux, de l’inconscience, au pire de la faute de goût. A moins, comme c’est probable, que des avancées notables aient eu lieu ces dernières heures sur l’enquête concernant le MoDem »– ne comble qu’une partie du vide que pose son plus qu’éphémère attachement à la fonction.

En effet, il suffisait à Sylvie Goulard-Grassi d’attendre la fin des agapes du Bourget (la fin du salon en somme), soit quelques jours à peine, pour tirer sa révérence.

Seul écueil : cela ne pouvait que se passer hors-délai de la nomination du gouvernement Macron-2. Gênant.

De toute évidence, Sylvie Goulard-Grassi, je l’ai dit dès le premier jour, n’était pas taillée pour ce poste. Eh, oui ! Pour mener les armées dans la bonne direction n’est pas Boudicca7 qui veut. D’un autre côté, savoir reconnaître ses limites et prendre ainsi ses distances sera à porter au crédit de Sylvie Goulard-Grassi. Si, bien sûr, c’est cela qui a motivé sa décision…

En tout cas, comme l’a noté Vincent Lamigeon, « Une chose est sûre: les industriels ne seront pas nombreux à regretter l’éphémère ministre des armées. Ses premières prises de position sur la possibilité de privilégier des consortiums européens face aux groupes français, et son discours évasif sur la montée en puissance du budget de Défense promise par le candidat Macron, ont été interprétés, à tort ou à raison, comme de la faiblesse »8.

Une manière de dire que militaires et industriels du secteur – « ...à l’heure où Bercy poursuit son implacable guérilla pour récupérer de l’argent » auprès de ce ministère des armées qui a toujours été la plus docile variable d’ajustement de Bercy – vont pousser des soupirs de soulagement. « A Brienne, il faut des guerriers face à Bercy », a estimé un familier de la maison cité par Challenges. « L’équipe Goulard n’en comptait guère »9.

Pour le reste, Goulard envolée vers des empyrées judiciaires, cela change-t-il vraiment quelque chose aux affaires de nos militaires ?

Pas si sûr. Les hautes strates de notre establishment militaire n’ont jamais beaucoup tenu tête à chaque fois que tombait le couperet budgétaire. Ce quel qu’ait été le titulaire du poste. Passées les voix (trop rares) de guerriers, comme le général de division (CR) Vincent Desportes10, la grande muette a toujours bien mérité son nom. Qui croit sincèrement que le départ anticipé de Sylvie Goulard-Grassi va bouleverser cette donne ?

Question subsidiaire : qui va remplacer la belle éphémère ?

Évoquons (histoire de causer) une piste. Ou plutôt un chemin vicinal encombré de ronces. François Bayrou, qui était de toute manière partant de la Justice compte tenu de son profil plus IVe République que Ve, a toujours été attiré par ce portefeuille aux ors guerriers. Le faiseur de roi palois aurait bien voulu que soit poursuivie, à travers son immodeste personne, cette (petite) tradition de refiler le ministère des armées aux centristes. Outre son manque d’élégance certain en déclarant que « Sylvie Goulard a décidé de quitter le gouvernement et de retourner au Parlement européen. Je respecte sa décision personnelle et l’assure de ma solidarité », qui n’a trompé personne et n’a, de ce fait, guère été apprécié, le temps de ce Centre aux fragrance épouvantables même aux narines républicaines les moins délicates, est devenu plus qu’inutile à l’administration Macron

Du coup, la grisaille centriste pourrait cesser de se marier au kaki de Brienne. Comme quoi, tout ne serait pas négatif dans le départ, avancé, de Sylvie Goulard-Grassi.

Notes

1 Challenges .
2 Challenges .
3  Challenges .
4  Challenges .
5  Challenges .
6 Challenges .
7 Ou Boadicée, vers 30 apr. J.-C. – 61, reine du peuple britto-romain des Iceni présent dans la région qui est aujourd’hui le Norfolk au nord-est de la province romaine de Bretagne, au Ier siècle apr. J.-C. Elle tint tête aux Romains avant d’y laisser la vie….
8 Challenges .
9  Challenges .
10 ex-Commandant du Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF), ancien directeur de l’École de guerre (ex-Collège interarmées de Défense), Professeur associé à Sciences Po Paris, diplômé de l’United States Army War College (équivalent US du Centre des hautes études militaires de l’armée de Terre).

 

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