Alep, les Contras pro-occidentaux partent sans leurs… armes !
À quoi reconnaît-on qu’une situation est vraiment perdue ou en passe de l’être ? À des petits détails qui ne trompent pas. À Alep : des Contras pro-occidentaux, première notable depuis le début de l’offensive de l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)1, ont accepté de quitter la ville sans leurs… armes ! RETEX sur un fait moins anodin qu’il n’y paraît.
À priori pourtant, une annonce comme une autre : des terroristes ayant déposé leurs armes ont commencé, le 18 octobre 2016, à quitter les quartiers d’Alep-Est dans le cadre d’un accord avec le gouvernement syrien, a annoncé l’agence SANA.
Nouvelle confirmée par l’état-major russe relayant que « Les terroristes sans armes, ainsi qu’un groupe de blessés, de personnes malades et âgées ont quitté les quartiers Est d’Alep pour se rendre dans les banlieues Nord de la ville par des couloirs spéciaux créés par l’armée gouvernementale syrienne en accord avec les militaires russes ».
Damas avait précédemment annoncé avoir retiré ses troupes des axes par lesquelles les terroristes takfirî retranchés dans les quartiers Est d’Alep pourraient quitter la ville.
Le patron du commandement opérationnel, le lieutenant-général Sergueï Roudskoï avait préalablement fait savoir, le 17 octobre 2016, qu’une « pause humanitaire » serait bien mise en place à Alep à dater du 20 octobre 2016. Selon Roudskoï, six couloirs humanitaires seraient mis à la disposition des habitants d’Alep-Est et deux autres seraient « réservés aux terroristes ».
Le ministre russe de la Défense, Sergueï K. Choïgou2, avait lui annoncé, dès mardi, que la Vozdushno-Kosmicheskiye S’ily (VKS)3 et l’Al-Qūwāt al-Jawwīyä al-Arabiya as-Souriya4 suspendraient leurs frappes aériennes près d’Alep, ce à partir du 18 octobre à 10h00, dans le cadre de « la pause humanitaire » annoncée peu avant.
L’armée russe a annoncé mercredi étendre à onze heures (11) la durée de la « pause humanitaire ». A l’origine, le cessez-le-feu devait durer huit heures mais il a été étendu à onze heures « à la demande des organisations internationales ».
« Les parties russe et syrienne ont rempli toutes leurs obligations liées à la mise en place d’une opération humanitaire à Alep-Est », a précisé Roudskoï qui dit espérer « que les États-Unis et les autres parties intéressées pourront influencer les chefs des groupes armés afin d’assurer l’évacuation des malades et des blessés, ainsi que celle des civils et le retrait des rebelles armés », a conclu Roudskoï.
Techniquement, le cessez-le-feu devait commencer jeudi à 08h00 heure locale (05h00 TU) et finir à 19h00 heure locale (16h00 TU), a précisé Roudskoï. Et, depuis mardi matin (18 octobre 2016), les avions russes et syriens « n’approchent pas à moins de 10 km d’Alep », en vue de l’instauration de cette trêve, a-t-il ajouté.
Vous me direz : le quotidien d’une guerre qui dure depuis cinq ans déjà ! Où est donc la nouveauté en cette affaire ?
Deux éléments méritent d’être relevées pour leur signification :
1- les combattants takfirî auront déposé leurs armes avant de se faire évacuer.
2- cette exfiltration sans armes a fait l’objet d’une intense communication en amont de ladite évacuation.
Or, de manière générale, les takfirî, qu’ils soient d’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)5 ou de Jayš al-Fateh (Armée de la conquête)6, obtenaient jusqu’alors le droit d’emporter avec eux tout ou partie de leur armement et, parfois même, quittaient leurs positions à à bord de leurs 4×4 qui sont dans leur impedimentum une part importante de leur équipement militaire. Cela faisait tout simplement partie des concessions accordées par les parties russes et syriennes.
Naturellement, ce fait était systématiquement mis en avant dans la communication des groupes terroristes takfirî.
Là, il n’est plus question d’emporter quoi que ce soit.
L’autre point est que ce départ les mains vides est révélé avant le démarrage de l’opération d’évacuation, ce qui veut dire que :
- les Contras assiégés se sont pliés, motu proprio, à des conditions de reddition beaucoup plus draconiennes qu’auparavant.
- Russes et Syriens n’ont pas craint un changement de dernière minute de la part de la partie adverse.
- l’annonce par des sources étasunienne et séoudienne de l’arrivée de renforts possibles en provenance de Mossoul assiégée (que l’on laisserait passer sans risque à cette fin) n’a pas fait pencher la balance pour le maintien des ces éléments takfirî qui, bien au contraire, n’ont pas fait de chichis pour partir vite et les mains vides d’Alep où ils s’accrochaient pourtant depuis des mois et des mois.
À noter que la tendance actuelle est bien à une série de départs sans fanfare de la part des Kamiz brunes qu’elles soit de DA’ECH ou de Jabhat an-Nusrah li-Ahl ach-Chām7. Bien qu’à Alep des éléments de ce groupe takfirî ont persisté à faire « du bon travail » (pour reprendre l’expression de Laurent Fabius) en pilonnant les quartiers libérés par l’AAS.
Quelque 620 takfirî et leurs familles ont commencé à évacuer, le 19 octobre 2016, Mouadamiyat al-Chām, près de Damas en vertu d’un accord passé avec Damas. Et, là encore, à des conditions plus drastiques que précédemment.
En effet, sur les « Près de 2.100 personnes » concernées par l’accord de Mouadamiyat al-Chām, la majorité des djihâdistes concernés auront à « rendre leurs armes ».
De toute évidence, et il semble bien que la possibilité que des combattants frais arrivent de Mossoul grâce aux complicités occidentales n’y change pas grand-chose, le temps semble être plus celui de la défaite que de l’épopée du côté d’Alep. De là à ce que la dernière ville de taille encore (pour partie simplement) aux mains des takfirî en Syrie tombe sous peu, il n’y a qu’un pas.
À noter que le vieux routier de la géopolitique étasunienne, Richard W. Murphy8, lors d’un entretien accordé au quotidien libanais Al-Akhbar, a fait part d’un éclairage plus qu’intéressant sur la crise syrienne estimant que :
Primo, le grand jeu tenté par Washington était compromis bien avant l’intervention russe aux côté de Damas.
Secundo, l’enlisement de l’administration de Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd, et de ses alliés au Yémen a, aussi, grandement joué en faveur d’Assad. Ce qui confirme bien notre analyse que l’élément déterminant de l’alliance forgée par la Syrie de Bachar el-Assad, a toujours été l’Iran avant la Russie…
« Les États-Unis ont compris il y a deux ans de cela qu’ils ne pourraient pas renverser le président syrien », y affirme l’ancien sous-secrétaire d’État. « Certains pays du Golfe Persique entendent reproduire en Syrie le scenario afghan, façon de provoquer la chute d’Assad. Pourtant, l’administration américaine a compris il y a deux ans qu’il est impossible de renverser Assad. Ce changement de ton et de vision s’est produit il y a trois ans. Washington croit que le président syrien pourrait faire partie d’un processus politique à venir bien que tout le monde ne soit pas d’accord avec cette vision. Assad est désormais un facteur sur lequel il faut compter. Pour la Syrie aujourd’hui, c’est une puissance qu’on ne peut ignorer », a déclaré Murphy.
Ce fut donc bien la présence d’éléments du Sêpah-é Pâsdâran-é Enqelâb-é Eslâmi9, du Nirouy-é Moghavémat Bassidj10, du Hezbollah et du Hizb as-Sūrī al-Qawmī al-Ijtimā`ī (PSNS)11 qui ont aidé à la résilience de l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS) face aux hordes takfirî. L’appui, pour appréciable et déterminant qu’il soit, de Moscou ne venant qu’en second.
Et Murphy d’ajouter que « Ce fut entre les années 2011 et 2012 que les États-Unis ont cru devoir changer de ton et ne plus exiger le départ d’Assad. Puisque son élimination est tout simplement impossible. Pourtant, cette vision n’est pas celle de tout le monde. Il faut de toute manière amorcer des pourparlers puisque Assad n’est pas sur le point de partir ».
Une réalité géostratégique que le retour d’Alep (dans son entier) dans le giron de sa patrie charnelle syrienne pourrait bien confirmer avant même la chute de Mossoul. Et, là encore, l’un des grands perdants du grand jeu syrien sera Paris enkysté dans ses visions dépassées et shooté à l’or golfique.
Notes
1 Armée arabe syrienne.
2 Depuis le 6 novembre 2012.
3 Ou Forces aérospatiales russes. Créées le 1er août 2015 suite à la fusion de la Voïenno-vozdouchnye sily Rossiï (VVS, armée de l’Air) avec les Voïenno Kosmicheskie Sily ou (UK-VKS, Troupes de défense aérospatiale.
4 Force aérienne arabe syrienne.
5 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
6 Coalition articulée autour d’an-Nusrah li-Ahl ach-Chām (Front Al-Nosra), le bras armé d’Al-Qaïda en Syrie. Se compose, pour être complet, de : Ahrār ach-Chām (Mouvement islamique des hommes libres du Cham), Jund al-Aqsa (Les soldats de Jérusalem), Liwāʾ al-Haqq, Jayš al-Sunna, Ajnad ach-Chām et de la Légion de Chām.
7 Ou Front pour la victoire du peuple du Levant, ou de manière abrégée Front al-Nosra.
8 US States Assistant Secretary of State for Near Eastern & South Asian Affairs de 1983 à 1989. Du 1er octobre 1993 au 30 juin 2004, directeur du Middle East Rountable au Council on Foreign Relations (CFR).
9 Corps des Gardiens de la révolution islamique.
10 Ou Force de mobilisation de la Résistance, couramment appelé Bassidj, le nom persan signifiant mobilisé.
11 Parti social national syrien, connu aussi sous le nom donné par la France de Parti populaire syrien, PPS, ou de Parti saadiste ou encore au Liban de Parti nationaliste.