François Fillon et Alain Juppé : qu’est-ce qui différencie leurs programmes ?
Les principales différences se situent au niveau de la politique internationale et des questions de société. Sur l’économie, les candidats se distinguent sur les fonctionnaires et la durée du travail.
“Un combat programme contre programme commence”, a lancé Alain Juppé au soir du premier tour de la primaire de la droite et du centre qui a vu s’imposer, largement et contre tous les pronostics, François Fillon . Mais la campagne a montré qu’il s’agit moins de différences que de nuances entre les deux programmes, tant la philosophie est la même.
Pour autant, François Fillon revendique un programme “radical” mais assumé, quand Alain Juppé défend le mot de rassemblement.Sur quels points divergent-ils le plus ?
L’international
Vraisemblablement, c’est sur la question de la politique internationale que François Fillon et Alain Juppé s’éloignent sensiblement. Celui qui est arrivé en tête du scrutin dimanche revendique un positionnement résolument pro-russe, réclamant la fin des sanctions contre le Kremlin, décidées après la guerre dans l’est de l’Ukraine, ainsi qu’un rapprochement avec Poutine pour mettre un terme au conflit en Syrie, quitte à prendre fait et cause pour Bachar al-Assad. En effet, pour François Fillon, la priorité est de mettre fin aux actions de l’Etat islamique plutôt qu’au conflit syrien.
Alain Juppé, qui estime que Vladimir Poutine est un “partenaire incontournable”, a appelé son concurrent à faire attention à “l’excès de vodka” pendant la campagne. Selon lui, il faut “parler franchement” au président russe mais pas pour lui dire “continuez, nous vous suivons”. Il reproche particulièrement à Moscou l’annexion de la Crimée ainsi que son alliance avec Bachar al-Assad. Car, selon lui, le conflit en Syrie ne se réglera qu’avec le départ du dirigeant syrien.
Les questions de société
Autre sujet de profond désaccord entre les deux finalistes, les questions de société. Si les deux candidats ne reviendront pas sur le mariage pour tous, François Fillon, en champion de la droite catholique, veut “réexaminer” la loi Taubira, notamment sur la question de la filiation. Autrement dit, il accepte que les couples homosexuels aient accès à l’adoption “simple” mais pas “plénière” (c’est-à-dire qui brise le lien de parenté avec les parents biologiques). Alain Juppé veut, lui, laisser la loi intacte. Un positionnement qui a valu à François Fillon le soutien de Sens commun, l’émanation politique de “la manif pour tous”.
En revanche, ils sont tous deux opposés à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, et François Fillon souhaite d’ailleurs restreindre cette possibilité aux seuls couples hétérosexuels diagnostiqués infertiles. Alain Juppé compte aujourd’hui dans son camps la seule candidate qui s’était déclarée en faveur de la PMA pour les couples de femmes, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Les deux anciens Premiers ministres divergent aussi sur le Burkini. François Fillon est favorable à une loi l’interdisant, quand Alain Juppé ne veut pas de “loi de circonstance”. Ce dernier a défendu durant toute sa campagne sa notion d’identité heureuse. Mais en ce qui concerne le droit du sol, c’est Alain Juppé qui s’est prononcé en faveur d’une “révision”, quand François Fillon ne souhaite pas y toucher.
La question des fonctionnaires et du temps de travail
Tenant d’une ligne particulièrement libérale, François Fillon veut supprimer 500.000 postes de fonctionnaires durant son quinquennat, tout en ne touchant pas aux effectifs des forces de l’ordre et de l’armée. Alain Juppé, qui ne prévoit “que” 200.000 suppressions de postes chez les fonctionnaires, a qualifié le programme de son rival d’irréalisable.
La divergence est de taille aussi en ce qui concerne le temps de travail . Si les deux candidats sont d’accord pour redonner le pouvoir de décision aux entreprises sur la durée du travail, le curseur n’est pas exactement au même niveau. D’un côté, François Fillon souhaite prendre comme référence de base la limite européenne, soit 48 heures de travail hebdomadaire, de l’autre, Alain Juppé souhaite repousser celle-ci à 39 heures.
Le contrat de travail
Sur ce volet encore, tout est une question de curseur : le but affiché par les deux candidats est de libérer l’embauche. Pour cela, Alain Juppé préconise d’inscrire dans le contrat de travail les modalités de licenciement du salarié. Du côté de François Fillon, la mesure est plus radicale : il veut tout bonnement simplifier les licenciements économiques en introduisant le motif de réorganisation de l’entreprise au sein de la procédure de licenciement afin de permettre aux sociétés de “s’adapter” au contexte économique. Les deux candidats souhaitent aussi relever les seuils sociaux.
Impôts, charges, budget…
C’est finalement sur ces sujets économiques que les deux candidats se rejoignent le plus. Ils souhaitent tous deux rendre 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux classes moyennes (soit en baissant les cotisations familiales, soit en développant la participation, l’intéressement et l’actionnariat), supprimer l’ISF, augmenter la TVA ( 21 % pour Alain Juppé , 22 % pour François Fillon), etc… La philosophie est d’ailleurs assez similaire puisque ce sont justement les deux seuls candidats à avoir choisi le levier de la TVA sociale, contre lequel Sarkozy était particulièrement opposé. Leur opposition, sur ce volet, tient plus de la nuance.
Alain Juppé, taxé par François Fillon de ne pas être assez tranchant dans ses positions économiques, tentait lui de minimiser la radicalité du programme de son concurrent dans une récente interview aux Echos . “Que propose François Fillon ? 50 milliards de baisses de prélèvements d’un côté, 16 milliards de hausses de TVA de l’autre, soit une diminution nette de 34 milliards. Ce soi-disant choc fiscal n’est pas très éloigné du mien puisque je propose 28,5 milliards de baisses nette des impôts et des charges.”