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La Doxa takfirî, ennemie de la France ? Pas pour tous ceux qui y vivent semble-t-il !…

Revenant sur la table à chaque attentat ou tentative d’attentat, notre propre doxa – pourtant ô combien minimaliste & peu exigeante – en matière de combat Vs la doxa takfirî nous est présentée comme allant de soi. Simple question ce minimum syndical (sic) est-il si évident pour tout le monde. Pas si sûr…

Q. En ces temps où beaucoup s’interrogent sur les questions d’identité & de migration, vous semblez toujours douter de l’engagement de certains à lutter contre le terrorisme. Pouvons-nous revenir sur le sujet ?

Jacques Borde. Oui, bien sûr. Correctif, d’abord : je ne semble pas, je doute ! Vous savez, comme dit le dicton, on juge un arbre à ses fruits. Or (sans parler de lutte, car exiger du courage de tous n’est, admettons-le, pas tenable) à, simplement, dénoncer la terreur takfirî, plusieurs choses sont à noter à propos de ce que certains appellent d’une manière plutôt simpliste, voire réductrice, l’Islam de France (sic) et ceux qui s’en réclament :

1- nombreux sont ceux qui apportent soutien et moyens matériels à cette terreur takfirî ;
2- un bon nombre, en matière de condamnation, semblent appliquer le programme minimum ;
3- beaucoup s’agacent même qu’on ose leur demander qu’ils manifestent – comme le fait l’immense majorité de leurs compatriotes chrétiens et juifs (pour nous en tenir aux seules religions du Livre) qui, eux, ne s’en offusquent guère – ce minimum d’indignation ;
4- quant à ceux qui font quelque-chose (et c’est cela sans doute plus inquiétant) ils le font en assez petit nombre et de manière bien isolée. Lorsqu’ils ne sont pas stigmatisés par nombre de leurs coreligionnaires. Y compris lors de réunions publiques ;
5- curieuse atonie, voire je m’en-foutisme, de la part des représentants (autoproclamés) d’une communauté religieuse – l’Oumma musulmane, pour être clair – alors que la majorité des victimes de la terreur takfirî sont de membres de ladite Oumma ;
6- En toute logique, l’Islam de France (sic) et ceux qui s’en réclament sont supposés (aussi) défendre ceux de leurs coreligionnaires s’opposant aux thèses takfirî. Force est donc de constater que ces musulmans-là ne reçoivent que fort peu l’aide et le soutien auxquels ils ont pourtant droit.

Q. Là, vous pensez à qui ?

Jacques Borde. À beaucoup plus de gens qu’on le croit. Mais, prenons un simple exemple que je trouve assez éclairant :

Parti de Marseille, le frère de Mohamed Merah (de sinistre mémoire) a traversé la France seul pour dénoncer l’intégrisme religieux. Et, c’est tout aussi seul ou presque que ce même Abdelghani Merah a achevé son parcours à Paris.

Comment expliquer cette solitude dans un pays où la fois mahométane se clame, par ceux qui prétendent la représenter1, comme la deuxième religion de l’hexagone ?

1ère hypothèse, serait-ce parce qu’Abdelghani Merah se définit comme « un laïc » ?
2ème hypothèse, serait-ce parce qu’il affirme vouloir « éveiller les consciences » contre les dangers du fondamentalisme takfirî.

À se demander laquelle de ces deux hypothèse est la plus alarmante quant à ses implications…

Q. Qu’est-ce à dire ?

Jacques Borde. Comme l’a écrit un ami sur les réseaux sociaux :
« Or, rien, le silence règne. Les actes sordides commis au nom de votre religion se succèdent en France dans le silence le plus total de vos familles. Oh, bien sûr, nous avons droit à chaque fois aux commentaires éplorés des pères, des mères et des frères du terroriste du jour sur le thème ‘C’était un bon garçon, un peu effacé, rien n’aurait pu permettre de deviner…, etc.’. Et puis l’info tombe quelques heures après le drame et l’on apprend que l’individu était Fiché S, ce fut encore le cas deux fois cette semaine !! Alors prenez garde, votre silence joue contre vous, il vaut acceptation de l’horreur et a comme effet la radicalisation des Français, rien de bon ne sortira de cette attitude ».

Je fais, hélas, miennes ces interrogations.

Q. Mais pourquoi exiger tant des musulmans ?

Jacques Borde. Quelque part, la République étant laïque, fraternelle et égalitaire, je me fiche que ces gens soient musulmans, baptistes ou bouddhistes.

Ce qui m’interpelle, c’est tout simplement la faiblesse d’une mobilisation républicaine face à un phénomène, la doxa takfirî, qui a l’ampleur qu’on lui connaît. Comment ne pas, notamment, noter que de nos cités et zones dites de non-droit, si éruptives à chaque incident les concernant, il se trouve assez de personnes pour se réunir en nombre derrière des banderoles (souvent douteuses, par ailleurs) et pour ainsi dire aucune pour avoir accompagné Abdelghani Merah, ou qui que ce soit d’autre, dans sa marche.

On voit également et assez régulièrement, telle ou telle place parisienne se remplir aisément au moindre appel communautariste (pour ne pas dire sectaire ou antisémite) mais jamais une seule fois, nous n’avons vu ces instances qui se prétendent représentatives de ce qu’elles veulent, peu m’importe, la remplir dans une grande manifestation contre la terreur takfirî.

Alors, posons-nous la question : pourquoi ces deux poids, deux mesures ?

Sans parler des incidents récurrents à chaque sortie (sic) sur le pavé de nos sauvageons, (selon l’expression savoureuse de Jean-Pierre Chevènement) et autres activistes de causes, la plupart du temps, étrangères.

Je n’ai pas noté, même si comparaison n’est pas raison, de débordements, de cris de haine sectaire (ou de haine du tout), de destructions, à l’issue, par exemple ; de la manifestation de masse des partisans de François Fillon2.

Je n’ai pas entendu dire (et nos media n’aurait pas manqué de nous le faire remarquer que les militants de Sens commun, l’aile la plus à droite du fillonisme, aient choisi à ce moment (ou à d’autres) d’aller se défouler en attaquant synagogue.

A contrario, j’en note (des incidents) à chaque manifestation plus ou moins communautariste. Sans parler de celles d’extrême-gauche.

Q. Qu’appelez-vous zones dites de non-droit ?

Jacques Borde. Oh, on entend tout et son contraire à ce sujet. Pour rester dans les clous d’une définition républicaine du phénomène, faisons simple et citons Me. Thibault de Montbrial3,  qui préside le Centre de réflexion sur la sécurité intérieure et connaît parfaitement le sujet :

« Il est manifeste qu’il y a des zones de non-droit et, au-delà de la posture politique, le Premier ministre le sait fort bien. Il s’agit de territoire dont les services d’urgence ne sont pas totalement absents, mais où ils ne se déplacent plus qu’avec une escorte, ne restent que le minimum de temps et sont quasi-quotidiennement exposés à des embuscades ».

« Le terme de ‘dislocation’ de la société française me paraît plus approprié. Les violences contre les forces de l’ordre participent évidemment à ce phénomène, mais il existe de nombreux éléments convergents. Ce sont par exemple les agressions qui se multiplient contre les établissements scolaires et le corps enseignant de manière générale. Rien que pour ces deux derniers jours, une proviseure a été frappée, son lycée de Tremblay-en-France attaqué au cocktail Molotov puis les policiers intervenants visés par des tirs de mortier. Tandis qu’à Argenteuil, l’un des deux agresseurs d’un maître de CE2 frappé devant ses élèves s’est écrié : ‘Il n’y a qu’un seul maître, c’est Allah’ selon les termes rapportés par une source syndicale. Or l’Éducation nationale est un pilier du domaine régalien. Autrement dit, tout ce qui représente les institutions de l’État, au-delà des seules forces de l’ordre, est aujourd’hui soumis à une violence qui trouve son fondement pour l’essentiel dans des dérives communautaristes et parfois ethniques alimentées par une haine incroyable de notre pays. Il faut donc être aveugle ou inconscient pour ne pas nourrir d’inquiétude pour la cohésion nationale ».

Q. Mais ce manque d’affect pour la Res publica, touche tout le monde, non ? Je pense notamment à tous ceux qui attaquent l’institution judiciaire…

Jacques Borde. (Sourire) Ne mélangeons pas tout. Critiquer les institutions de son pays est parfaitement légitime. Surtout lorsque ces critiques :

1- émanent de citoyens de plein droit ;
2- n’engendrent aucun désordre ni bris de quoi que ce soit sur la voie publique.

Q. Comment qualifieriez-vous les réactions du monde musulman vis-à-vis du terrorisme qui nous frappe ?

Jacques Borde. Là, je dirai que, eux aussi, appliquent le minimum syndical. Mais, ça, je peux m’en accommoder. Après tout sommes-nous si solidaires, je veux dire en tant qu’État et/ou société civile, des souffrances qui frappent les Chrétiens d’Orient, dont, pourtant nous sommes si proches ? A-on vu fleurir des Je Suis Kaboul, en réaction au dernier attentat quia frappé la capitale afghane ?

Je me satisferai davantage que ces États, royaumes et principautés :

1- cessent de participer par leurs choix géostratégiques aux malheurs du Levant et de ses peuples ;
2- cessent de participer activement à la déstabilisation de notre continent. Ne serait qu’en refusant d’accueillir leurs propres coreligionnaires dans leurs États, royaumes et principautés respectifs.

Q. Donc vous leur reprochez aussi leur manque d’empathie pour leurs frères arabes, qu’ils soient Palestiniens ou Syriens ? Pourtant les Séoudiens, pour ne parler que d’eux, cassent souvent leurs tirelires…

Jacques Borde. Votre questions comporte, en fait plusieurs volets. Prenons-les comme ils me viennent à l’esprit.

1- je ne nie pas la générosité de leurs altesses Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd, Mohamed Ibn-Salmān Āl-Séʻūd & co., qui est indéniable. Le Royaume a dépensé sans compter en Irak, en Syrie ou au Yémen. Cela serait malhonnête de ne pas reconnaître l’ampleur de ces largesses.
2- ce que mon sens critique vise c’est davantage la manière dont a pu se concrétiser cette générosité (sic). J’ai, je l’avoue, quelque difficultés à reconnaître dans ce qui a été le financement de violeurs en réunions et d’assassins que sont les épurateurs ethniques d’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)4, une forme d’empathie pour leurs centaines de milliers de victimes.
3- idem pour les victimes de la via factis wahhabî au Yémen. Et pourtant, les GBU5, à la longue, ça finit par vous impacter un budget !

Q. On dit le Royaume, gêné aux entournures, plus prêt de ses sous ?

Jacques Borde. (Rire). Cela dépend pour quoi !

Primo. Notons les 400 Md$US que Trump a ramené dans se besace.

Secundo. Lors du dernier périple (ce qui est de son droit) de SM le roi d’Arabie Séoudite pour visiter six pays d’Asie, Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd était accompagné pour cette virée d’une suite de près de 1.000 personnes. Le tout avec une logistique pour le moins spectaculaire : pas moins de six Boeing et un C-130 Hercules, deux Mercedes S600 transportées par avion, deux passerelles-ascenseurs dorées, des dizaines de tonnes de victuailles halal.

Serait outrancier de faire remarquer au Royaume que le même argent aurait pu servir à l’accueil d’un gros paquet de migrants musulmans. À moins que leurs majestés d’Orient ne se satisfassent pas de ce lumpenproletariat sous les fenêtres de leurs palais.

Quid à ce propos du statut de Khādim al-Ḥaramayn al-Sharifayn – ou gardien des deux Saintes mosquées, La Mecque et Médine – inhérent au roi d’Arabie Séoudite, Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd ? Osons lui rappeler que la majorités des morts au Levant sont d’autres musulmans. À un détail prés et qui a (qui sait) son importance : ces morts sont sunni et chî’îte et, fort peu wahhabî. Alors, pour plagier Sartre : l’enfer c’est les autres. Pas qu’en Europe à l’évidence…

Notes

1 À se demander parfois le terme le plus juste ne serait pas : font commerce de.
2 Dont l’auteur ne fait pas partie.
3 Avocat au barreau de Paris. Son premier livre, Le sursaut ou le chaos, est paru en juin 2015 aux éditions Plon. Il a également préfacé le livre La France djihâdiste d’Alexandre Mendel, paru en avril 2016 aux éditions Ring.
4 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.
5 Type de bombes larguées par les appareils de la coalition ad usum Saudi.

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