L’article de Franco Cardini, « Le Dieu d’Adolf Hitler », [
:: Lien] initialement publié dans la revue «Storia illustrata» en août 1985, se propose d’ « éclaircir l’une des équivoques qui avec le temps se sont développées sur le national-socialisme ». Il contient indéniablement de nombreux éléments et considérations dignes d’intérêt sur les conceptions philosophiques et théologiques du Chancelier allemand.
Cependant, il comporte également des lacunes et approximations graves sur deux points principaux :
1. – L’article s’appuie sur l’ouvrage bien connu de Rauschning, ainsi que sur les « Propos de table » du Führer.
Cardini affirme ainsi que « des conversations avec Rauschning et des « Propos de table » émerge (…) le Dieu de Hitler ». Or, on sait que l’ouvrage de Rauschning, qui fut un temps président national-socialiste du Sénat de Dantzig puis exclus du NSDAP, publié en français sous le titre « Hitler m’a dit » (1), est un faux. Utilisées par l’accusation soviétique lors du procès de Nuremberg comme pièce à conviction sous la référence USSR-378, ces prétendues « conversations avec Hitler », regorgeant d’affirmations fantastiques et délirantes censées établir sans équivoque la volonté de puissance illimitée et l’absence absolue de scrupules du Führer, sont en réalité « un document de la propagande de guerre alliée », d’origine britannique, ainsi que l’a clairement établi l’historien suisse Wolfgang Haenel (2), et que l’a admis la presse conformiste (3).
Par ailleurs, les « Propos de table » d’Hitler, s’ils semblent authentiques (4), sont cependant sujet à caution, notamment en ce qui concerne les considérations métaphysiques prêtées à Hitler. En effet, ce document est apparemment issu de la transcription de notes prises par Heinrich Heime, aide de camp du secrétaire du Führer, Martin Bormann, dont les conceptions nettement anti-chrétiennes sont bien connues, et dont il n’est pas interdit de penser qu’il aurait pu accentuer certaines affirmations d’Hitler allant dans le sens de ses conceptions (5).
Ceci étant dit, il semble bien établi, comme le note justement l’auteur de l’article, qu’ « à propos de Dieu, Hitler s’exprime de manière différente selon qu’il en donne l’image qu’il veut présenter officiellement dans son pays et à l’étranger, ou bien qu’il en parle librement, avec franchise ». On peut observer à cet égard que s’agissant d’un chef d’Etat, ce sont les positions et décisions politiques, et non les « confidences » ou les « propos de table » qu’il importe avant tout d’analyser (6). La question des rapports entre l’Eglise catholique (et les groupes protestants) et le gouvernement national-socialiste allemand entre 1933 et 1945 est une question complexe, trop souvent étudiée de façon unilatérale.
2. – Le mouvement national-socialiste est décrit par l’auteur de l’article comme « irréductiblement (…) nihiliste (…) dans son essence ». Le dictionnaire (7) définit le nihilisme, dans son acception philosophique, comme « la doctrine niant qu’il existe un quelconque absolu, et pouvant amener à dénier tout fondement aux valeurs morales, tout sens à l’existence ». Or, lorsqu’on examine sereinement les réalisations politiques, économiques et sociales du gouvernement national-socialiste allemand, du moins jusqu’en 1939, on est amené à considérer qu’elles procèdent de considérations simples, disons de sens commun, telles que le souci du bien-être du peuple, la volonté de préserver la vitalité physique du peuple, la volonté de procurer au travailleur et à sa famille une vie digne, la protection de l’enfance, la primauté du bien commun sur le bien particulier, etc. (8). On voit mal, au contraire, en quoi elles pourraient constituer le fruit de conceptions nihilistes.