Palestine et Tradition, notre solution
L’ensemble de la communauté mondiale a été surprise par la promptitude avec laquelle le Kremlin a proposé de collaborer avec le vainqueur des élections palestiniennes, le mouvement Hamas, alors que l’Amérique était encore traumatisée par sa victoire.
Rendre à la Russie sa position de grande puissance
Ces élections prouvent la faillite de la politique américaine au Proche-Orient. Et Vladimir Poutine a l’intention d’exploiter celle-ci pour renforcer un peu plus les rapports arabo-russes. En agissant comme il l’a fait, notre président a démontré qu’il savait faire des pas décisifs en avant pour rendre à la Russie sa position de grande puissance. Nous avions perdu l’habitude depuis longtemps de ce style, de ce courage, chez nos dirigeants ; dans la décennie qui vient de s’écouler, nous avions trop suivi l’Occident, en évitant toute prise de position autonome.
Il est possible que la rencontre avec le Hamas n’apporte pas, à terme, un bénéfice décisif pour la Russie. Mais ce qui compte, c’est que la Russie a recommencé à agir comme une grande puissance, avec un « agenda » personnel, en démontrant son indépendance et son autonomie, sa souveraineté - dans un sens géopolitique - sur des questions épineuses.
Selon le point de vue des médias, le Hamas est considéré comme une « organisation terroriste » qui a comme objectif de détruire l’Etat israélien. Le fondateur du Hamas, Shaykh Ahmad Yassin, ne cachait pas son aspiration à chasser les juifs hors de la Palestine. Le Hamas est un mouvement radical islamique, sur lequel la Russie a une influence assez faible. On a toujours considéré que les spécialistes dans la manipulation des structures de ce type étaient les services secrets américains et israéliens. Moscou, au contraire, ayant toujours choisi de travailler avec le Fatah et Arafat.
On ne doit pas oublier non plus que l’Etat d’Israël fut créé par des terroristes, qui agirent de manière extrêmement violente et brutale contre les Palestiniens. Depuis, ceux-ci ont toujours été considérés comme des citoyens de seconde classe, devant subir les provocations de continuelles humiliations. L’ensemble donnant, au final, de sérieuses motivations à la lutte du Hamas.
Poutine a pris d’avance l’Amérique
Quoiqu’il en soit, il faut, de plus, prendre en compte avant d’aller plus loin, deux autres éléments. Tout d’abord, certains analystes israéliens voient dans la fondation du mouvement Hamas la main du Mossad et du ZRU, lesquels auraient cherché à créer une force artificielle, et contrôlée, pour discréditer le Fatah, le Golem leur ayant échappé par la suite. En second lieu, la victoire du Hamas est le résultat incontestable du processus de paix que les Etats-Unis veulent imposer au Proche-Orient, sous la forme du soi-disant « grand Proche-Orient ».
Il faut maintenant réfléchir sur le réel : le Hamas a gagné les élections et représente la légitime autorité démocratique de la Palestine ; dans le futur, l’Amérique devra sans doute avoir avec lui d’étroites relations diplomatiques puisque pour les Etats-Unis la solution du conflit israélo-palestinien est une question de prestige et une manifestation de leur puissance mondiale.
C’est ici qu’intervient la Russie revitalisée. Poutine a pris d’avance l’Amérique : nous avons été plus rapides que les USA à réagir à un scénario qu’eux-mêmes avaient provoqué. Poutine voulait ainsi montrer aux Américains leur défaite et leurs erreurs. L’approche hégémonistique de la politique mondiale des Américains, leur soutien aux groupes extrémistes pour affaiblir les mouvements plus modérés, ne pouvait mener à rien de bon.
L’Amérique par conséquent, après avoir revendiqué le droit à l’hégémonie mondiale et l’avoir obtenu, ne réussit pas clairement à gérer la situation dans son ensemble. La Russie se tient donc prête à combler le vide que créera la future défaite américaine en politique internationale. Maintenant, nous devons espérer que la Russie devienne une part importante de la politique globale, se cherche par elle-même des alliés en Orient et en Occident, en Europe, en Chine, en Inde, dans le monde islamique et occupe une place correspondant à l’ère du post-américanisme.
La faillites de la politique des Etats–Unis au Proche-Orient
L’absence, chez les Américains, d’un « bagage historique », l’incapacité d’imposer leur forme d’administration, l’absence d’une expérience coloniale que possédaient au contraire leurs prédécesseurs anglais, s’est conclue par la faillites actuelles de la politique des Etats–Unis au Proche-Orient, dont le summum est l’intervention américaine en Irak.
Le Hamas est donc un résultat de l’inadéquation de la politique étrangère américaine. Pendant de longues années les Palestiniens ont combattu pour l’autonomie et la reconnaissance de leur indépendance. La demande de la création de deux Etats ou la revendication plus extrême d’un seul Etat unifié de Palestine à la place d’Israël, se sont élevées en réponse à la position rigide et non négociable adoptée par l’Etat d’Israël.
L’existence même de l’Etat d’Israël est aujourd’hui en question. Dans le conflit entre le Hamas et Israël, où l’Iran pourrait être aussi mis en jeu, sera développé l’argument géopolitique du choc des civilisations, de l’opposition de l’Occident et de l’Orient, du monde islamique et de l’Etat juif d’Israël, du modèle géopolitique unipolaire créé par les Américains et des autres pays qui veulent passer à une nouvelle phase dans un jeu à plus grande échelle. C’est ici que Poutine manifeste sa promptitude pour proposer cette « nouvelle phase ».
Dans cette situation, il est utile de focaliser la situation sur le programme du Hamas, proposé aux Palestiniens au travers d’une formule appelée « Islam – notre solution ».
La proposition « Islam - notre solution », commence à mobiliser les masses palestiniennes et, en devenant ainsi un facteur politique, un facteur d’autorité et de force, elle pousse Israël vers une politique de « droite ». Ainsi toutes les colonies qui ont protesté contre le récent démantèlement des implantations illégales de la zone de Gaza ont démontré qu’elles étaient plus à droite que Sharon.
La politique de dialogue avec la Palestine, l’imposition de la « feuille de route », ont été un échec. En Palestine cela a mené à la radicalisation, aux résultats diamétralement opposés à ceux qu’espéraient les auteurs de celle-ci. Dans la société israélienne se sont au contraire renforcées les positions de droite. Droite qui répond à « l’Islam – notre solution » par « le Judaïsme – notre solution » et nous savons bien comment le judaïsme agit envers ceux qui ne sont pas israélites. L’Amérique après avoir décidé la réconciliation des deux partis opposés, a accompli ensuite des démarches qui ont donné des résultats diamétralement contraires. Dans ce cas, il faut que Poutine propose par conséquent quelque chose de nouveau.
La Tradition, notre solution
Il n’est pas lucide de demander au Hamas de reconnaître Israël puisqu’il ne l’acceptera jamais, mais on peut jouer la carte : « la Tradition – notre solution ». Aujourd’hui, on observe de plus en plus une évidente influence du facteur religieux dans la politique, surtout dans une politique d’agression qui mène non seulement à des affrontements culturels et idéologiques, mais aussi à la lutte armée, au sang et aux victimes innocentes.
Si rien n’est fait, le Hamas islamisera la totalité du mouvement palestinien, Israël par contre augmentera le facteur religieux juif dans sa population. La situation mènera au seuil maximum d’un nouveau cycle de violences et de conflits inter-religieux.
Face à une telle situation, les Etats-Unis et le monde occidental dénoncent la religion comme un phénomène dépassé et nuisible, et ils proposent la solution de la laïcité. Or c’est précisément là qu’est l’erreur ! Il faut proposer une solution complètement différente pour ces religions et pour toutes les frictions interrégionales au Proche-Orient et dans le monde entier.
Ainsi, que pouvait dire Poutine aux dirigeants du Hamas en visite à Moscou ? Il ne pouvait pas certainement leur déclarer : « Reconnaissez le judaïsme, soyez tolérants », ce n’est pas une chose que l’on peut dire à des islamistes radicaux. Pour fournir aux dirigeants du Hamas une proposition concrète, utopique - en apparence seulement -, il faut leur proposer le projet contenu dans le modèle eurasiste ou, au moins, une approche plus traditionnelle, dans laquelle chaque peuple retournant à ses racines et à ses traditions, respecte les autres peuples qui, à leur tour, font leur le modèle traditionnel.
Tourner son ressentiment contre les Américains
En d’autres termes, pour annuler le problème religieux, le ressentiment des Palestiniens ne devrait pas être tourné vers les Israéliens et les juifs, mais plutôt contre les Américains, auteurs de l’absurde « feuille de route » d’une hégémonie mondiale en désagrégation, et contre le projet séculaire globalisant soutenu par l’Occident. En agissant ainsi Poutine aurait été compris par le Hamas.
De la même manière, il faut porter à la connaissance des Israéliens le fait que la Russie est prête à soutenir leurs valeurs et la conservation de leur identité, à condition qu’Israël cesse d’être la marionnette de la politique atlantiste des Etat–Unis et défende sa particularité religieuse et spirituelle, en faisant seulement confiance à ses propres ressources. Et le petit Etat d’Israël possède d’énormes ressources.
La Russie doit pour cela jouer la partie du Proche-Orient « à deux mains », en développant le dialogue avec les Palestiniens, en particulier avec le Hamas, tout en maintenant en même temps des relations avec Israël.
Notre position doit être l’opposée de celle des Etats-Unis. Elle doit être basée, par conséquent, non sur la tolérance et la laïcité, mais sur le principe « Tradition – notre solution ».