Chanson nouvelle à l'usage des faubourgs (1797)
Mourant de faim, mourant de froid,
Peuple dépouillé de tout droit,
Tout bas tu te désoles:
Cependant, le riche effronté,
Qu'épargna un jour ta bonté,
Tout haut, il se console.
Gorgés d'or, des hommes nouveaux,
Sans peines, ni soins, ni travaux,
S'emparent de la ruche:
Et toi, peuple laborieux,
Mange et digère si tu peux,
Du fer, comme l'autruche.
Evoque l'ombre des Gracchus,
Des publicola, des Brutus;
Qu'ils te servent d'enceinte !
Tribun courageux, hâte-toi,
Nous t'attendons, trace la loi
De l'égalité sainte.
O vous, machines à décrets,
Jetez dans le feu, sans regrets,
Tous vos plans de finance:
Pauvres d'esprit, ah ! Laissez nous:
L'égalité saura sans vous
Ramener l'abondance.
Hélas ! Du bon peuple aux abois
Fiers compagnons, vainqueurs des rois,
Soldats couverts de gloire !
Las ! On ne vous reconnaît plus.
Eh, quoi ! Seriez vous devenus
Les gardes du Prétoire ?
Le peuple et le soldat unis
Ont bien su réduire en débris
Le trône et la Bastille:
Tyrans nouveaux, hommes d'Etat,
Craignez le peuple et et le soldat
Réunis en famille.
Je m'attends bien que la prison
Sera le prix de ma chanson;
C'est ce qui me désole;
Le peuple la saura par cœur,
Peut être, il bénira l'auteur:
C'est ce qui me console.