Un grand petit livre sur la stratégie
La guerre prend dans notre temps des formes différentes de celles du passé. Mais elle ne perd pas pour autant ses spécificités. N’importe quelle violence n’est pas la guerre, même si on connait peu de guerre non violente. Le terrorisme tue comme la guerre mais n’est pas la même chose. Le regretté Hervé Coutau-Bégarie, trop tôt disparu, qui fut notamment enseignant à l’ecole de guerre a regroupé dans un petit livre en 555 points et 10 chapitres un certain nombre d’observations nourries bien sûr de l’histoire militaire, diplomatique et stratégique. La guerre vise à vaincre, contenir ou rallier un adversaire. La préface, elle aussi remarquable – alors que tant de préface sont de complaisance – d’Olivier Zajec le dit : Coutau-Bégarie était « inspiré » au sens de Simone Weil. Du niveau d’un Lucien Poirer, HCB aimait à citer plutôt que de se mettre en avant. D’une rigueur stylistique à la Schopenhauer, HCB n’aimait pas les concepts flous. Exemple : la stratégie pure ne concerne que le conflit violent. Parler de stratégie économique n’est pas illégitime mais c’est un sens faible du terme stratégie. HCB était l’homme des grandes clarifications intellectuelles. Comparatiste des stratégies il savait que le kairos (l’opportunité, l’occasion, le hasard) ne perd jamais ses droits. Si l’avenir se prépare, il n’est écrit nulle part. « Les mots sont comme les hommes, ils ne valent qu’autant qu’ils sont à leur juste place » disait Rivarol. Dans le livre de Coutau-Bégarie, tout est à sa juste place.
Hervé Coutau-Bégarie, Bréviaire stratégique, éditions du Rocher, 136 pages, 12 €