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Vendredi, 9 Novembre 2007 |
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Au-delà des nostalgies, la naissance d’un poète
Pierre Le Vigan |
Théoriciens :: Autres
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Olivier Mathieu, dit Robert Pioche, est un éternel jeune homme. Le Dieu de Fénelon dit : « Il te sera beaucoup pardonné, parce que tu as beaucoup aimé ». Mais Olivier Mathieu n’est pas adepte des croyances bibliques. Croyant, sans doute l’est-il. A sa façon. Il croit à l’Europe, à L’Empire, à la Vérité. Il a de celle-ci une conception monumentale. Et il l’assimile à une fidélité aux siens, et, un temps, il l’a assimilée à une certaine idée du parcours humain – et parfois inhumain – des réprouvés de 1945 (il a de ce fait pris beaucoup de coups). Olivier Mathieu est un darwiniste à l’envers : il pense que les meilleurs ont été sélectionnés par l’échec, et que les bons sont forcément ceux dont on ne peut pas dire du bien. (Il est bien entendu aberrant de ne pas pouvoir dire librement du bien ou du mal de tel ou tel personnage historique). C’est une posture qui rend la vie compliquée. Elle n’est pas sans noblesse même si elle est le contraire de l’efficacité (et est loin de s’identifier à la vérité).
Disons deux mots de cette question de la « vérité ». La vérité est beaucoup plus que les faits, c’est l’exactitude. La vérité est la vérité pleine d’un moment, c’est le jour et l’heure, et la position du soleil, et l’odeur, et l’humidité de l’air (cf. Jean-Louis Tallon, Composition de l’atmosphère, Le Grand Souffle, 2007). La vérité est précise et exacte, ou alors elle n’est rien. Autant dire que la vérité n’est que la vérité d’un moment mais d’un moment qui étreint le tout même du monde et le rend compréhensible. La vérité est un saisissement du monde.
Mais la vérité est aussi plurielle, précisément parce qu’il y a 1000 façons de saisir le monde. « S'il y avait une seule vérité, on ne pourrait pas faire cent toiles sur le même thème » disait Pablo Picasso. Je parle de la vérité de la vie. En histoire, la vérité est autre : elle tend à être toujours en tension entre d’une part la recherche sincère des faits et des explications (l’homme aspire anthropologiquement au vrai au moins une fois dans sa vie) et d’autre part l’histoire comme informée par le rapport de force entre historiens et, en amont, par la définition même des assertions qui peuvent être de caractère historique et celles qui ne peuvent l’être. Et ceci varie bien sûr en fonction des sociétés, des climats culturels et idéologiques, et de ceux qui ont gagné les guerres.
Ce qu’Olivier Mathieu veut dire dans son étrange Un peu de d’encre … tient en peu de mots : les purs sont des collectionneurs, il faut toujours poursuivre l’innocence, parler des autres est une façon de parler de soi-même, de même que ceux qui parlent d’eux-mêmes parlent d’abord aux autres. De cela s’ensuivent quelques considérations complémentaires : il faut d’abord étreindre pour accepter de s’éteindre. Et il faut savoir qu’aucune nuit d’été jamais ne revient. Robert Pioche-Olivier Mathieu écrit : « J’ai peut-être donné l’impression d’égarer mon innocence, pourtant jamais sa nostalgie ne m’a abandonné. C’est elle aussi, l’innocence, que j’ai poursuivie à travers le combat des idées. J’ai dit et j’ai prédit ». Et il poursuit par cette phrase énigmatique : « Je n’aurais jamais pensé, en naissant, avoir tant d’égaux ». Une parole poétique au sens de Parménide : qui « fait passer les choses du non-être à l’être ».
Olivier Mathieu, dit Robert Pioche, Un peu d’encre, de larmes, de poudre et puis de sang, 2007, 73 p., sans prix
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