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Jeudi, 27 Novembre 2003
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Fascisme, Fascismes, National socialisme
Thomas Stahler
Théoriciens :: Autres
1. Définitions

Le fascisme est une idéologie de troisième voie, se présentant à la fois comme antimarxiste et comme anticapitaliste, et que l’on peut qualifier du terme plus général de socialisme national. Sa version italienne, celle fondée par Benito Mussolini, met surtout l’accent sur le rôle de l’état et de l’imperium (le pouvoir de commandement), d’où son symbole, le faisceau des licteurs romains. Sa version allemande, le Nationalsozialismus, met en revanche l’accent sur le concept de la race, du Volk c’est à dire du peuple considéré dans une perspective essentiellement ethnique.
De nombreux mouvements politiques entre 1880 et 1945 peuvent être définis comme fascistes. Ainsi la Tchernaya Sotniya russe (Centuries Noires) du début du siècle, la Falange de Jose-Antonio Primo de Rivera en Espagne, le Movimento Nacional Sindicalista de Rolão Preto au Portugal, la Garde de Fer roumaine de Zelea Codreanu puis d’Horia Sima, le Zbor serbe de Dmitri Ljotic, les Croix Fléchées de Ferenc Szalasi, sont des partis fascistes. On peut considérer l’Union du Peuple Russe de Doubrovine, fondée en 1905, comme le premier parti fasciste.
Pour définir un parti ou un état fasciste, un certain nombre de critères sont nécessaires. Le fascisme est d’abord un socialisme c’est à dire qu’il s’oppose au capitalisme, mais il s’oppose également au marxisme perçu comme un faux socialisme, car mondialiste et donc à terme capitaliste, en défendant un socialisme national. Les chefs fascistes proviennent très majoritairement de la gauche socialiste et sont donc perçus comme des adversaires par la droite. C’est le cas de Mussolini, qui vient du P.S.I, ou d’Hitler, issu de la S.P.D, mais aussi de Mosley, venu du Labour Party, de Quisling, venu du parti communiste norvégien, ou encore de Doriot, issu des rangs du P.C.F, et de Déat, transfuge de la S.F.I.O.
C’est également un nationalisme mais révolutionnaire. A la vision droitière et cléricale de la nation, style Action Française ou Salazarisme, le fascisme oppose une nation enracinée et une société en accord avec ses valeurs ancestrales. Ainsi, le rejet national-socialiste du christianisme se justifie par la valorisation des idéaux germaniques et, entre autres, du culte des divinités germano-scandinaves, culte émanant du peuple lui-même. En conséquence, le fascisme met naturellement en avant le paganisme, celui du peuple auquel chaque parti fasciste s’adresse. C’est surtout le dieu suprême des vieux paganismes que les fascistes sollicitent — le Wotan/Odhinn germanique des SS, l’Ukko finnois du Lapua, l’Isten hongrois de Szalasi ou encore le Jupiter romain.
Face à la double concurrence sur les questions économiques, sociale-démocrate d’une part, libérale-démocrate d’autre part, le fascisme se fait également corporatiste. Il propose de moderniser le principe des anciennes corporations d’avant-1789 afin de forger un syndicalisme national où la grève est remplacée par la concertation entre travailleurs et employeurs à l’intérieur d’une même structure appelée corporation et, sur le plan national, dans une chambre corporative. C’est le sens du corporatisme italien ou encore de l’Arbeitsfront allemand.
Le fascisme est également favorable à la formation d’une Nouvelle Europe dans une perspective aryaniste. L’idée européenne tend à remplacer le nationalisme étriqué par un nouveau nationalisme, résolument moderne. L’Internationale Fasciste forgée par Mussolini répond à cette exigence comme y répond l’union des Fascistes dans le cadre de l’Europe allemande face aussi bien à la Russie marxiste qu’à l’Occident libéral. La Waffen-SS, dans laquelle près de 300.000 non-allemands issus de trente nations différentes et provenant de partis fascistes combattront, est également une confirmation de cette solidarité fasciste qui dépasse le nationalisme ancien, fidèle aux nations anciennement définies, pour promouvoir un nationalisme socialiste et européen. Cela explique pourquoi, en France, tant d’hommes de gauche dans le cadre de la collaboration ont combattu au service de l’Allemagne national-socialiste, comme Marcel Déat, Paul Marion, Gaston Bergery, Victor Arrighi, Pierre Laval ou Jacques Doriot.

Il faut également constater que l’arrivée au pouvoir des fascistes s’est faite selon deux conditions.
En premier lieu, il s’agit de l’abandon, provisoire et hypocrite, d’une partie du programme socialiste. Ainsi la «gauche national-socialiste», c’est à dire les partisans de la «fidélité absolue aux idées socialistes», comme les frères Otto et Gregor Straßer ou encore Ernst Röhm, le chef de la S.A, ont été sacrifiés par Hitler. Si une telle tactique n’est pas mise en œuvre ou si le modèle allemand est imité de manière trop servile, comme le firent Mussert aux Pays-Bas, Quisling en Norvège ou Clausen au Danemark, c’est l’échec.
En second lieu, le machiavélisme d’Hitler ou de Mussolini consiste, alors que leur parti fasciste est le premier parti du pays, au-delà de 30% des électeurs, à profiter de leur position de force et à s’allier tactiquement avec la droite conservatrice voire libérale en mettant l’accent sur le rejet du communisme ou du chaos. Cette alliance leur permet d’arriver démocratiquement au pouvoir, justifiant d’un réel soutien populaire. Les marxistes, ne comprenant la politique que par le prisme réducteur et déformant du matérialisme historique et de l’économisme, parlèrent du fascisme comme du stade suprême du capitalisme et comme un mouvement financé par les patrons, ce qui ne résiste pas aux faits. Comme le pense David Schoenbaum, on peut parler pour le national-socialisme de véritable «révolution brune». De la même façon, les chefs fascistes se rapprochent de l’Eglise, d’où la signature de concordats, ce que Napoléon, aussi antichrétien que Mussolini et Hitler, avait déjà fait. Là encore, il n’y a rien de sincère. Hitler a besoin du parti Zentrum, catholique, pour obtenir les pleins pouvoirs et Mussolini veut bénéficier d’un crédit supérieur dans l’opinion italienne et internationale.
En effet, lorsque les fascistes ont les mains libres et peuvent exprimer leur caractère révolutionnaire, le programme socialiste resurgit. Ainsi la République sociale italienne de Mussolini de 1943 à 1945, a pris des mesures farouchement socialistes, notamment de nombreuses nationalisations. Cela a été grandement facilité par la trahison des conservateurs lorsque la défaite devient possible. Mussolini est ainsi chassé du pouvoir en 1943 sous la pression des hiérarques réactionnaires, dont Ciano, et du roi d’Italien Victor-Emmanuel III. En 1944, c’est la droite conservatrice qui tente d’assassiner Hitler et de prendre le pouvoir par un coup d’état. A partir de cette rupture, Hitler comme Mussolini montrent leur vrai visage socialiste et révolutionnaire.

Il convient également d’évoquer l’antisémitisme et le racialisme, terme plus précis et plus juste que «racisme», du fascisme. Si le racisme est pratique, le racialisme est théorique. Il apparaît plus important dans le national-socialisme allemand mais aussi dans les divers fascismes français ou encore dans les mouvements fascistes d’Europe centrale et orientale que dans le fascisme italien par exemple ou dans des pays comme l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et la Grèce. Mais il appartient en théorie à l’ensemble des fascismes. L’antisémitisme fasciste est essentiellement de gauche, mais de celle du XIXème siècle. De Blanqui à Jaurès, en passant par Fourier, Proudhon, Bakounine, Regnard, Malon ou même Marx, la gauche européenne défend un antisémitisme athée ou néo-païen, bien distinct du vieil antisémitisme chrétien.
En effet l’antisémitisme fasciste s’explique par le rejet du christianisme, religion sémitique, mais aussi celui du bolchevisme, considéré comme juif, et du capitalisme, lui aussi perçu comme juif. Il s’explique également par l’aryanisme fasciste, qui perçoit les Juifs comme des membres particulièrement nuisibles de la race sémitique ou en tout cas des étrangers au monde européen. Les Juifs sont, a priori au même titre que les Arabes, des ennemis, puisqu’ils visent à négrifier l’Europe et à avilir ainsi, par le métissage, la «noble race aryenne» ; les Sémites de manière globale seraient ainsi responsables à leurs yeux de la mort de l’empire romain par l’abâtardissement et par la christianisation.

Le racialisme fasciste apparaît comme une extension de l’antisémitisme mais pas seulement. Gregor Straßer souligne, par exemple, la menace qui pèse sur l’Europe de la part aussi bien du monde négro-africain que de la Chine. La race aryenne ou blanche étant supérieure, ce qu’elle a prouvé sur le terrain par son avancée scientifique, technique mais surtout culturelle, les autres races sont vues comme inférieures. Le métissage favorise toujours les éléments racialement inférieurs et abâtardit la race, risquant même d’engendrer des dégâts irrémédiables. Pour défendre la race aryenne, il faut donc combattre les autres races. L’axe Berlin-Tokyo apparaît donc comme une trahison de l’idéal aryo-fasciste. De même, le refus de la part d’Hitler d’intégrer les Slaves, les Indiens voire les Latins dans son aryanisme est une autre trahison, coûteuse puisque responsable de la défaite du IIIème reich.

2. Le fascisme — un socialisme communautaire et autoritaire

Généralement, le fascisme est considéré comme une idéologie d’extrême-droite. On retient généralement de lui sa prétendue collusion avec le capitalisme, théorie propagée par les historiens marxistes, son autoritarisme voire son totalitarisme, enfin son nationalisme et son antisémitisme. Cependant, en vérité, le fascisme se distingue profondément de l’extrême-droite. Celle-ci est cléricale, chauvine, réactionnaire et monarchiste, mais elle s’oppose au nationalisme ethnique. Elle s’oppose également à la Révolution française de 1789, au socialisme, à la république. Or le fascisme, par bien des aspects, est nettement l’opposé de l’extrême-droite, telle qu’elle est définie ici. En premier lieu, il est fondamentalement antichrétien, se présentant soit comme athée soit comme néo-païen, alors que l’extrême-droite est résolument chrétienne. Certes, des fascismes, notamment en Europe méditerranéenne, se teinteront de christianisme du fait du poids de l’église dans ces pays, mais ce n’est qu’un jeu tactique. En second lieu, son nationalisme aryaniste est bien différent de celui de l’extrême-droite. Celle-ci est contre toute construction européenne alors que le fascisme prône, à terme, la Grande Europe. De plus, le fascisme n’est pas réactionnaire mais révolutionnaire; hostile à la monarchie, il est républicain, attaché à l’héritage positif de 1789. En 1923, Hitler se déclare républicain, et en 1919 comme en 1943 Mussolini défend aussi la république contre la monarchie cléricale italienne. Enfin, à une droite libérale et à une prétendue «gauche» qui l’est autant, le fascisme est socialiste. Certes son socialisme se distingue du marxisme, quoiqu’il ait avec lui un certain nombre de valeurs communes, mais il demeure un socialisme.
Le socialisme marxiste est par essence internationaliste. Même si l’Union Soviétique de Staline, ou celle de Brejnev, répudie de fait cette théorie et met en avant le «socialisme dans un seul pays», qui n’est au fond qu’une variante bolchevique de socialisme national, le fond internationaliste peut toujours être ranimé, comme avec Kroutchchev. Or le fascisme se place dans une perspective réduite. Il peut donc se définir comme un socialisme limité à un ensemble déterminé d’individus. Il s’agit d’un héritage de l’antiquité. Le socialisme d’état de Sparte, ou de Rome, ne concerne que les citoyens et en exclut les hilotes et les métèques. Il s’agit d’un socialisme communautaire. Cette communauté peut se placer à différentes échelles. En premier lieu, le fascisme peut se présenter comme un socialisme régional, par exemple en Alsace, en Bretagne ou en Flandre belge. Il peut ensuite se présenter sous la forme d’un socialisme national; c’est le fascisme que l’on rencontre le plus souvent. C’est notamment le cas du fascisme italien et du national-socialisme allemand. Enfin, il peut même devenir un socialisme européen, que Lucien Rebatet a baptisé «socialisme aryen».
En tant que socialisme communautaire, le fascisme met l’accent sur l’intérêt général en même temps que sur l’identité propre à cette communauté. Ainsi il ne peut que rejeter toutes les formes d’universalisme. Le capitalisme, comme le marxisme, se présentent comme des idéologies universelles, valables pour tous les hommes. De même le christianisme comme l’islam apparaissent comme des religions également universelles. Rejetant aussi bien le capitalisme que le marxisme, le fascisme apparaît comme un socialisme de troisième voie. De même, dans le domaine religieux, le fascisme rejette les religions monothéistes à vocation hégémonique pour promouvoir les religions nationales. Le christianisme dans le cadre de la nation ne peut que céder la place aux véritables religions nationales que sont les paganismes des différents peuples européens.
En tant que socialisme communautaire, le fascisme ne considère l’individu membre de la nation que comme le maillon d’une chaîne. Il refuse le libéralisme politique qui aboutit à ses yeux à la décadence morale et à terme à la mort de la nation elle-même. L’individu n’a de droits que parce qu’il accomplit un certain nombre de devoirs envers la société. Aussi, le socialisme fasciste est nécessairement autoritaire c’est à dire que l’état a pour mission de maintenir les citoyens dans un certain nombre de règles, de les faire respecter par la force s’il le faut voire d’exclure de cette même société ceux qui refuseraient ces règles ou qui attenteraient à la communauté d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi, un certain nombre de politologues qualifient le socialisme fasciste, de socialisme «caporalisé» ou «militaire», parce qu’il se présente avant tout comme un socialisme né des tranchées ou comme un socialisme de corps francs. D’autres parlent de «socialisme policier» pour évoquer l’autoritarisme des régimes fascistes.


3. Les racines idéologiques du fascisme

Le fascisme est un des héritiers de la révolution française de 1789. Mussolini, dans son ouvrage, «La dottrina del fascismo», souligne cet héritage, rejette l’ancien régime, et s’inscrit dans la légitimité républicaine. La république fasciste idéale de Salo en est le témoignage le plus probant; le rejet de la monarchie, du capitalisme et des Juifs qu’affiche le Mussolini de la fin le montre clairement.
Il faut donc rechercher ce qui, avant et pendant la révolution française, a pu inspirer le fascisme et le national-socialisme.

Les origines idéologiques du fascisme remontent à l’aube de l’histoire européenne. Les sociétés aryennes ancestrales relèvent clairement d’un socialisme communautaire c’est à dire d’une forme archaïque de socialisme national. L’Inde védique, l’empire perse, les cités grecques, les peuples italiques, les tribus celtiques ou germaniques, possèdent tous un système que l’on pourrait qualifier de socialiste. La trifonctionnalité sociale indo-européenne pourrait en être l’incarnation originelle.
C’est surtout avec Platon puis avec Aristote que le fascisme prend sa source. Platon, dans sa république idéale, souligne le rôle fondamental des gardiens dans le maintien de la société parfaite. Aristote, dans l’Ethique à Nicomaque, rejette le système libéral que défend toute société cosmopolite car il est source de tyrannie. Au contraire, il considère que le combat contre le libéralisme passe par le maintien de l’homogénéité raciale des peuples.

C’est ensuite avec la Renaissance que le fascisme prend source, notamment dans la pensée d’un néo-platonicien byzantin, Georges Gémiste Pléthon, dans son ouvrage fondateur, « Les Lois ». Celui-ci développe une idéologie raciale valorisant la «race européenne» et le peuple grec; favorable à l’hellénisme, notamment celui de l’empereur Julien, mais aussi à la romanité ancestrale, celle régénérée par Frédéric II Hohenstaufen au XIIIème siècle, il condamne le christianisme mais également les injustices sociales. Il entend remplacer le christianisme et l’islam par une religion européenne fondée sur le culte de Zeus. Un de ses héritiers est Marsile Ficino qui inspirera un penseur pré-fasciste, Nicola Macchiavelli. Après avoir rédigé un manuel de tactique politique, Le Prince, il développe ses idées républicaines et néo-païennes dans son Discours sur la première décade de Tite-Live. Sa condamnation du christianisme inspirera notamment Nietzsche.

Avec le penseur français Voltaire, le fascisme se dote d’un grand précurseur. Voltaire condamne en premier lieu le christianisme, répétant comme un leitmotiv «écrasons l’infâme», nouveau «delenda est Carthago». Mais il pousse sa critique en condamnant également les Juifs, perçus comme une des sources des maux de l’Europe et comme les responsables, vaguement involontaires, de la christianisation, comme il le souligne dans l’article Juifs de son Dictionnaire Philosophique. Il souhaite même qu’ils retournent en Orient.
Le XIXème siècle va donner au fascisme ses lettres de noblesse. Le triptyque nationalisme - socialisme - antisémitisme qui peut définir tout mouvement fasciste est largement répandu chez les penseurs de la gauche. Ainsi Blanqui et Proudhon, mais aussi Fourier, Saint-Simon, Jaurès et Sorel, développent des thèses proto-fascistes. Pour Jaurès, pourtant encore valorisé aujourd’hui, tout adversaire de droite est «un Juif», même un antisémite. Le boulangisme fut le premier mouvement proto-fasciste en Europe, rassemblant dans un faisceau nationalistes et blanquistes. Le jeune Maurice Barrès se présentera à la députation sous une étiquette «national-socialiste». De même, la Commune, qui précède le boulangisme, présente des aspects authentiquement fascistes; la présence du socialiste nationaliste Louis Rossel en est un des symboles. Tous les penseurs de gauche, ou presque, jusqu’à 1914 présentent des caractéristiques fascistes. Ainsi Jean Allemane, Georges Valois, Edouard Berth et même le marxiste Jules Guesde, développent des idées fascistes. Certains les assumeront, d’autres non.
En Allemagne, de nombreux penseurs présentent des idées fascistes avant la lettre. Chez Hegel par exemple, le paganisme antique est présenté comme largement supérieur au christianisme; de même la guerre est considérée comme un bienfait. La phrase de Hegel, «les périodes de paix sont les pages blanches de l’histoire» est significative. De même, chez Goethe comme chez Lessing ou encore Hölderlin, on trouve un curieux mélange de nationalisme, d’antisémitisme et d’amour du paganisme grec. On pourrait rajouter à cette liste le nom d’Heinrich Heine. Bien que d’origine juive et pris comme cible par certains Nationaux-socialistes (ses livres subiront des autodafés dans les années 30), son amour du paganisme grec mais aussi son nationalisme allemand paradoxal ont influencé de nombreux Allemands. De plus, ce visionnaire parle «du dieu Thor détruisant les cathédrales à coups de marteau» et évoque, bien avant la lettre, ce que le national-socialisme allemand allait défendre.
Richard Wagner a également particulièrement influencé le fascisme allemand; par certains aspects, Hitler peut apparaître comme un de ses disciples post mortem. Bien que conservant un vague vernis chrétien, vernis que dénoncera Nietzsche, il défend aussi dans la Tétralogie de l’Anneau du Nibelung une théologie païenne. Il valorise en particulier le dieu Wotan, perçu comme le double germanique du Christ. De plus, son philo-paganisme se double d’un farouche antisémitisme en même temps que de conceptions socialistes. Wagner est bien un pré-fasciste.
A cette liste, il faut ajouter Friedrich Nietzsche. Certains historiens veulent protéger la philosophie nietzschéenne et dénoncent une mauvaise interprétation national-socialiste de ce grand penseur. Pourtant une lecture approfondie de son oeuvre montre bien son aspect pré-hitlérien. Certes, il aurait peut-être rejeté le national-socialisme, quoique Heidegger, pétri de nietzschéisme ne l’ait pas fait. Mais son paganisme, essentiellement grec bien que parfois germanique, son antisémitisme antichrétien, sa «volonté de puissance», son «inversion de toutes les valeurs», son aryanisme, en font un ancêtre idéologique du fascisme. Dans la Généalogie de la Morale, Nietzsche met en avant la brute blonde germanique et dénonce dans le Vatican une Rome judaïsée; les Juifs sont dénoncés à la lumière de Tacite, dont il cite la phrase célèbre, «les Juifs sont les ennemis du genre humain». Dans l’Antéchrist, il se double d’un antisémitisme virulent et s’en prend à Jésus-Christ. On sent également une opposition entre Aryens et Sémites dans son premier ouvrage, La Tragédie de la morale. Son ami Franz Overbeck dira de lui que « son antichristianisme est essentiellement antisémite. »
Hitler a offert à Mussolini l’intégrale des oeuvres de Nietzsche alors que Mussolini lui a envoyé celle de Machiavel. Ainsi, on pourrait dire que la triade Machiavel-Voltaire-Nietzsche est un des fondements idéologiques du fascisme.


A côté de ces penseurs, le début du XXème siècle fut particulièrement fécond. De nombreux auteurs en effet présentent une idéologie de type fasciste. On peut par exemple qualifier le Maurras d’avant 1914 ou encore le Barrès de la même époque de penseurs pré-fascistes. En revanche, le monarchiste Maurras et le républicain Barrès, à partir de 1918, trahissent leur idéal pour prendre des positions nationales-conservatrices et donc antifascistes. C’est le passage d’un nationalisme ethnique et identitaire à un nationalisme chauvin, étriqué, réactionnaire et clérical. Ainsi, cet antisémite et héritier de la philosophie aryaniste de Jules Soury, ce «national-socialiste de Nancy» qu’est Maurice Barrès devient le protecteur des bons juifs français qui se sont battus contre les allemands. De néo-païen qu’il était — on se souvient de ces propos sur le «polythéisme aryen» opposé au «monothéisme sémitique» — il devient catholique traditionaliste. Enfin, du socialiste qu’il était, il devient libéral. De même, le néo-païen Maurras, qui dans sa jeunesse est allé jusqu’à enlacer une colonne et prier Athéna, devient un fervent défenseur de la cause chrétienne. De plus, il refuse l’antisémitisme racial, auquel il croyait auparavant, y dénonçant une pratique allemande et donc ennemie. Il lui préfère un antisémitisme assimilationniste.
On peut également citer à titre d’exemple le cas de cet homme du XIXème siècle qu’est Renan. Pourfendeur du sémitisme et néo-païen à ses heures, il prend pourtant des positions ultra-chrétiennes, rejetant les vieux paganismes dans l’oubli. Parler en effet de christianisme comme de la «religion aryenne par excellence» est évidemment ridicule. De même, l’attitude de Drumont est contestable. Sa critique raciale des Juifs et son profond anticapitalisme en font un pré-fasciste mais son cléricalisme le range dans l’extrême-droite et non dans une forme de fascisme.

Le racialisme fasciste trouve quant à lui de nombreuses racines. Il est simpliste de dénoncer le rôle joué par Arthur de Gobineau dans cette idéologie. De même, Houston Stewart Chamberlain ne peut être le véritable maître d’oeuvre du fascisme allemand, même s’il a témoigné envers Hitler d’une grande vénération. Chamberlain est l’exemple typique de l’incohérence doctrinale d’une certaine forme de racialisme. Ainsi, en matière de religion, il cherche à démontrer l’aryanité du Christ afin de sauver le christianisme. Or, dans le même temps, il déclare ceci: «L’Olympe et le Walhalla se dépeuplèrent parce que les Juifs le voulurent ainsi. Yahweh devint le Dieu des Indo-européens». En somme, le Christ aryen n’aurait pas détruit le paganisme mais ce serait la faute de Saint-Paul, le «Trotsky» de l’antiquité selon Hitler. Ce genre d’absurdités se retrouve aujourd’hui dans quelques sectes fanatiques des Etats-Unis.

En fait, la doctrine du Christ est essentiellement un réformisme juif. Quand bien même Jésus serait moitié aryen, c’est la thèse d’Hitler, relayant le mythe du soldat romain Panthera père du Christ, ou complètement aryen, celle de Houston Stewart Chamberlain ou encore de Paul de Lagarde, cela ne change en rien le fait qu’il ait été éduqué dans le judaïsme essénien, que sa doctrine est essentiellement sémitique et s’apparente à celle d’un Mahomet. Il est clair que le dit Yeshua de Nazareth est le fils du charpentier Yosef et de son épouse Miryam (Marie), fille de Yoahim et de Hannah. Toute théorie visant à démontrer l’aryanité de Jésus-Christ n’est motivée que par un antichristianisme imparfait, cherchant maladroitement à sauver le christianisme. En revanche, la doctrine de Rosenberg et de Darré, celle qu’Himmler finira par accepter, combat radicalement le christianisme et dénonce en Jésus un ennemi. Ceux-ci valorisent Wotan, un anti-Christ, ou même le «bon frappeur», Thor. Cette opposition rejoint celle des derniers fidèles de l’odinisme en Scandinavie au XIème siècle qui opposaient Jésus le blanc, c'est-à-dire le faible, à Thor le rouge, le combattant. Tout nietzschéen ne peut d’ailleurs que rejeter la figure du Christ et le «Christ aryen» n’est qu’une paganisation apollinienne de Jésus à partir de la conversion supposée de Constantin.

4. Le fascisme italien: nouvelles perspectives

Benito Mussolini, le «plus grand espoir du socialisme en Italie» (Lénine), a fondé le terme de fascisme. Ce membre du Parti socialiste italien a découvert à la guerre «le socialisme communautaire des tranchées», celui que découvrira également le jeune Adolf Hitler. Dès 1915, il est convaincu qu’il faut faire rimer socialisme et nationalisme. En 1919, reprenant la tradition révolutionnaire italienne des Faisceaux, il fonde le Fascio de Combatimento, unissant socialistes, anarcho-syndicalistes, futuristes comme Marinetti, néo-païens comme Evola, antisémites comme Farinacci et Presiozi et nationalistes à la d’Annunzio. Chose étrange, ce sont les hommes de gauche qui soutiendront Mussolini jusqu’à la fin. Le meilleur exemple est l’ancien communiste Bombacci qui sera tué en 1945 avec Mussolini.
Le philosophe du fascisme n’est pourtant pas Mussolini mais un fils spirituel de Vilfredo Pareto, philosophe qui dénonce la démo-ploutocratie au profit d’une circulation des élites et de la formation d’une nouvelle aristocratie issue du peuple. Ce «fils» est Giovanni Gentile qui rédige l’article Fascisme de l’encyclopédie italienne. Sa doctrine de base est l’union du socialisme et du nationalisme mais il professe un violent antichristianisme que Mussolini ne démentira jamais.

Un point intéressant du cas italien est la question de l’antisémitisme et du racialisme. Contrairement à l’idée de l’inexistence d’une telle doctrine en Italie avant 1938, le fascisme est bien antisémite, à l’image de Gentile, Presiozi, Evola et Farinacci, et il est aussi racialiste. Cet antisémitisme se double d’un antichristianisme virulent dont Mussolini n’est pas le dernier. Profondément athée mais aussi paganisant, nostalgie de Rome oblige, il complique ses relations avec le Saint-Siège. Le concordat de 1929 est une «arnaque» destiné à faire taire l’Eglise. En fait, pour lui, le christianisme est une «secte juive» qui n’a réussi qu’en fusionnant avec l’imperium de Rome.

L’arrivée au pouvoir des fascistes se fait dans une atmosphère de guerre civile entre les communistes et les démocrates-chrétiens et libéraux. Le fascisme propose aux bourgeois d’être sa milice protectrice. La marche sur Rome a été non une démonstration de force mais plutôt un coup d’intox. Qu’importe, Mussolini accède au pouvoir en ayant négocié avec les forces traditionnelles et les nationalistes conservateurs. Mais, dès la reprise en main, la fascisation de la société peut commencer. Après avoir éliminé les concurrents, socialistes à la Mateotti et libéraux, le fascisme instaure un pouvoir mêlant tradition et modernisme et se proclame héritier de la Rome d’Auguste et de César. Mais ce fascisme est fait de compromis et Mussolini, qui a une fâcheuse tendance à jouer les Garibaldi, s’y sent à l’étroit. La guerre en Ethiopie lui apparaît comme une première roue de secours. La national-socialisation du fascisme à partir de 1937 se justifie certes par la parenté idéologique indéniable, et je pense l’avoir démontré ici, mais aussi par la volonté du duce de sortir de cette impasse. Il pense qu’après un succès, il pourra réellement fasciser l’Italie.

Quand les événements militaires se retournent contre lui, deux camps dans le fascisme s’opposent, celui des «renégats» et celui des «fidèles». Les idéologues demeurent auprès de leur duce; c’est le cas de l’ex-communiste Bombacci, de Farinacci, d’Evola, du «prince noir» Borghese et même du vieux Marinetti. Les opportunistes, souvent des pseudo-fascistes, trahissent. C’est le cas du comte Ciano, gendre du duce, qui apparaît comme un nationaliste réactionnaire et clérical, d’un antigermanisme primaire. La république de Salo de 1943 est authentiquement socialiste bien que sous la férule allemande. Certains socialistes n’hésitent pas, malgré la diabolisation du fascisme que professe la gauche marxiste, à soutenir les nationalisations du duce et à reconnaître l’attitude socialiste du chef de l’état italien. Par exemple, le philosophe socialiste Edoardo Cione cherche à réconcilier le rouge et le noir en fondant dans l’été 1944 le Regroupement National Républicain Socialiste. Le socialiste Carlo Silvestri rejoindra également la république de Salo. On peut donc opposer le Nord fasciste, républicain et socialiste, à un Sud réactionnaire, clérical et monarchiste. Il est amusant de constater que l’Italie du Nord votera pour la république contre la monarchie en 1945; est-ce là un héritage du fascisme républicain de Mussolini ?

5. Le fascisme en Europe occidentale: un échec

Le fascisme en Europe occidentale n’a pu s’installer nulle part, pas même en Espagne et au Portugal, contrairement à ce que l’on pense généralement.
Le cas espagnol est symptomatique des égarements des historiens du fascisme. En effet, le fascisme espagnol est la Falanga de la JONS (Phalange de la ligue d'offensive national-syndicaliste) dont les fondateurs sont Jose-Antonio Primo de Rivera, Ledesma Ramos et Onesimo Redondo. Le premier est le fils d’un dictateur espagnol, Primo de Rivera, fasciste lui-même, ouvert aux idées socialistes et anarcho-syndicalistes. Son fils n’est donc pas un réactionnaire, malgré son nom noble, mais bien un authentique révolutionnaire. Ramos, ancien du parti socialiste espagnol, dirige le côté national-syndicaliste et socialiste révolutionnaire; il est ouvertement hitlérien. Redondo est un nationaliste catholique mais très fascisant et favorable au national-syndicalisme, variante ibérique du fascisme. Les trois chefs fascistes seront tués en 1936. Leur successeur, Manuel Hedilla, de tendance socialiste révolutionnaire et pro-hitlérien, refuse d’être assujetti à Franco, catholique réactionnaire et monarchiste, un homme de la vraie extrême-droite. Il est alors condamné à mort puis finalement exilé.
La Phalange est brisée entre une tendance fidèle, et ignorée, et une tendance franquiste. Hitler, qui déteste Serrano Suñer, un proche du chef de l’Espagne et catholique traditionaliste, dénonce le cléricalisme de Francisco Franco et élabore un plan de combat. Il aurait souhaité, selon les Propos de Table, monter une organisation composée des vrais phalangistes, jose-antonionistes, et des communistes espagnols, jugés par lui fascisants. Son but aurait été de briser Franco pour mettre en oeuvre une véritable révolution fasciste sous la botte allemande.
Au Portugal, le dictateur Salazar, catholique intégriste et adepte des théories de l’Action française, version post-1918, gouverne le pays d’une main de fer. Les fascistes Chemises Bleues du Mouvement National-Syndicaliste de Rolão Preto sont la seule opposition. Elles sont démantelées et Preto retournera dans l’anonymat politique. Le régime de Salazar n’est donc pas fasciste et d’ailleurs l’attitude du doutor entre 1940 et 1945 n’est guère pro-hitlérienne.

La France s’est protégé du fascisme alors que pourtant elle en serait la créatrice selon Zeev Sternhell et qu’elle a connu de nombreux mouvements fascistes. Son échec s’explique par la force des composantes réactionnaires et cléricales de la droite. Ainsi, aussi bien l’Action Française, ou «l’Inaction française» selon Rebatet, que les Croix de Feu du colonel de la Rocque, ont empêché tout fascisme d’émerger. Le fascisme de Valois au début des années 20 fut un échec; ce fut de même de la Solidarité Nationale de Coty, des Francistes d’Henry Coston ou du Francisme de Marcel Bucard. Les Jeunesses Patriotes de Taittinger, bien que de droite réactionnaire, sont devenues fascisantes en formant le Parti National et Social Français. Deux fascistes sortent du lot. Le premier est Jacques Doriot. Il s’agit d’un ancien membre du Parti communiste français, chassé pour avoir proposé l’alliance de tous les antifascistes, dixit tous les anticapitalistes. Cet «antifasciste» devient fasciste en découvrant le vrai visage, socialiste et révolutionnaire, du fascisme. Prônant un discours national-communiste, il fonde le Parti populaire français puis devient pro-hitlérien, antisémite et racialiste. Aligné sur la politique du IIIème reich, il collaborera avec l’Allemagne. Le second est Marcel Déat, ancien de la SFIO, qui a été chassé par Blum. Il fonde le Parti Socialiste de France - Union Jean Jaurès qui deviendra après 1940 le Rassemblement national populaire et collaborera activement avec les nationaux-socialistes. Sa théorie est que le fascisme est la seconde révolution après celle de 1789 chargée de détruire la bourgeoisie et d’instaurer un socialisme «aryen».

L’Angleterre a connu de nombreux petits partis fascistes. Un seul semble significatif, celui d’Oswald Mosley. Mosley, ancien du Labour Party, a fondé en 1932 le New Party puis en 1934 the Union of British Fascists. En 1940, il est emprisonné par les autorités britanniques. De nombreux autres mouvements fascistes verront le jour comme l’Imperial Fascist League ou le très extrémiste National Socialist Movement de William Joyce, « Lord Haw Haw », exécuté en 1945. Un de ses camarades, John Amery, fils d’un ministre de Churchill, représentera le fascisme anglais dans la Waffen-SS, dans la Saint George Legion; il sera exécuté par son pays. En Irlande, le fascisme sera représenté par les Gorma Leine (Chemises Bleues) du général Eoin O’Duffy, structure qui restera très loin du pouvoir ; O’Duffy lui-même sera exilé de son pays par De Valera et ira se battre auprès des nationalistes en Espagne.

En Belgique, Léon Degrelle représente le fascisme appelé Rexisme. Collaborateur dès 1940, il s’engagera dans la Waffen-SS et se réfugiera après 1945 en Espagne. Les Flamands fascistes ont eux comme chef Joris Van Severen, exécuté en 1940 par la France, mais aussi Staff de Clercq, aligné sur la politique hitlérienne. Le chef de l’Union nationale-socialiste (NSB) des Pays-Bas, Mussert, représente un petit courant fasciste dans son pays. Au Danemark, le fascisme est représenté par le parti national-socialiste DNSAP, dirigé par Fritz Clausen. La Norvège connaît le Rassemblement National (Nasjonal Samling) du très rosenbergien Vidkun Quisling. En Finlande, c’est le mouvement Lapua de Vihtori Lasola qui incarne un fascisme néo-païen. En Suède, c’est Sven Lindholm et Birger Furugord qui représentent le Parti National-socialiste Suédois (Svenska Nationalsocialistiska Partiet). En Suisse, on trouve également des formations fascistes très nombreuses comme le Nationale Front de Rolf Henne et en zone italophone, Giorgio Oltramare, qui collaborera en France avec les Allemands, représente également un courant fasciste suisse. Enfin, en Islande, le fascisme est incarné par le Mouvement National d’Islande (Þjodernjishreyfing Islands) de Gisli Sigurdjornsson, groupusculaire.

6. Le fascisme en Europe centrale: un demi-échec

En Europe centrale, le fascisme connaît un succès plus significatif mais jamais il n’arrivera réellement au pouvoir. Ainsi, en Roumanie, le parti fasciste, la Garde de Fer (Garda de Fier), est perpétuellement attaqué. Zelea Codreanu, son premier leader, est assassiné par les autorités. Son successeur, Horia Sima, n’aura le pouvoir qu’en 1944 et pour un temps très court.

En Hongrie, le fascisme est incarné par Gömbös, qui travaille en relation avec l’amiral Horthy, chef de l’état. Le fascisme est ensuite représenté par Ferenc Szalasi, fondateur des Croix Fléchées (Nyilaskaresztes Part) ou Parti National-socialiste Hongrois. Ecarté du pouvoir, Hitler l’appelle en 1944 mais pour un tour d’honneur. La Hongrie, pourtant très réceptive au message fasciste, n’a donc jamais connu de gouvernement fasciste.
En Pologne, le chef fasciste Pilsudski gouverne le pays puis c’est le tour d’une cohorte de colonels, comme le colonel Beck chargé des affaires étrangères. Le fascisme est incarné en Pologne par la Falanga de Boleslaw Piasecki qui rassemblera autour de lui les Narodowi-Socjalisci (Nationaux-Socialistes). Piasecki rejoindra le mouvement syndicaliste chrétien Pax après la guerre. La guerre entre l’Allemagne et la Pologne est entre deux pays fascistes et due uniquement à l’antislavisme obsessionnel d’Hitler et surtout de Bormann et d’Himmler.
En Bulgarie comme en Tchécoslovaquie, le fascisme a une place très modeste. Il faut noter que le Parti Fasciste Tchèque de Cerwinka est très hostile aux Allemands. Le parti fasciste bulgare de Staliyski comme le parti national-socialiste ouvrier bulgare de Kuntscheff, resteront à l’état de groupuscules.
Des Russes émigrés formeront également de petits partis fascistes, à l’instar du Parti Fasciste Panrusse de Vladimir Rodzaevski en Mandchourie ou du Parti National-Socialiste Russe de Bronislav Kaminski. Ceux-ci soutiendront le général russe Andreï Andreïevitch Vlassov et sa ROA (Armée Russe de Libération), avant que Rodzaevski lui-même ne voit en Staline l’incarnation du fascisme russe auquel il aspirait. Revenu en Russie en 1946, sa nouvelle idole le condamnera à mort.
En Yougoslavie, les fascistes se partagent entre Croates et Serbes. Du côté croate, on trouve le mouvement des Oustachi d’Ante Paveliç, pro-italien. Du côté serbe, on trouve le Zbor (Parti «national-socialiste» raciste) de Dmitri Ljotiç, ouvertement pro-hitlérien. Les serbes collaboreront dans le gouvernement pro-allemand du général Milan Nediç.
En Grèce, un gouvernement fasciste, celui de Yannis Métaxas, dirige une Grèce où existent de petits partis fascistes comme le Parti National-Socialiste Grec, Elleniko Ethniko-socialisto Komma, pro-hitlérien, de Georgios Mercouris, père de Melina Mercouri, et le Parti Fasciste Grec de Pangalos, pro-mussolinien et apprécié de Métaxas lui-même.
Enfin, signalons aussi l’existence de partis fascistes dans les pays baltes, comme le Wabs estonien, le Gelezinis Vilkas (Loup d’Acier) d’Augustas Valdemaras en Lituanie, ou le Perkonkrust de Gustav Zelmin en Lettonie. Si Valdemaras a été au pouvoir en 1926, il ne l’a conservé que pendant un temps très court.

7. Le national-socialisme: nouvelles perspectives

Le national-socialisme allemand, version radicale et germanique du fascisme, est le seul parti fasciste à arriver au pouvoir d’une manière démocratique incontestable, avec près de 44% des électeurs en 1933. Ses origines sont relativement complexes.
Plusieurs partis nationaux-socialistes ont existé en Autriche et chez les Sudètes, allemands de Tchécoslovaquie, comme la DNSAP autrichien ou la NSDAP sudète. Ils ont en partie inspiré la DAP, future NSDAP d’Hitler, parti de Bavière. D’autres partis sont en concurrence avec lui, notamment la DSP (Deutsche Sozialistische Partei ou Parti socialiste allemand) dont Gregor Straßer et son frère Otto, anciens SPD, étaient membres. Hitler lui-même semble bien avoir brièvement fait partie de la SPD, la social-démocratie allemande.
Le caractère authentiquement socialiste de la DAP puis de la NSDAP apparaît nettement. C’est le cas bien connu des frères Straßer et d’Ernst Röhm mais aussi celui de Göbbels, d’Anton Drexler, le fondateur du parti, de Gottfried Feder, l’économiste de la DAP, et d’Hitler lui-même. Le caractère antisémite, païen et aryaniste est incarné par Alfred Rosenberg et par Richard Walter Darré, écologiste, défenseur de la paysannerie allemande et père du concept de blut und boden. D’autres, comme Himmler, Von Schirach et Hess peuvent parfois y être rattachés. La droite réactionnaire va progressivement prendre ses marques au sein d’une NSDAP en accroissement; c’est le cas de Göring en particulier, qui représente la réaction.

Les progrès spectaculaires de la NSDAP en Allemagne poussent Hitler à mettre un frein au socialisme offensif de son mouvement afin de se concilier les classes moyennes de la bourgeoisie allemande mais aussi l’armée, très réactionnaire, et les milieux d’affaires. Pour ce faire, avant même l’arrivée au pouvoir, il expulse Otto Straßer. Celui-ci fonde la Communauté de Combat des Nationaux-socialistes Révolutionnaires, Kampfgemeinschaft Revolutionärer Nationalsozialisten , plus connu sous le nom de Schwarzer Front (Front Noir), qui ne décollera pas électoralement, preuve du choix habile d’Hitler. Puis, en 1934, lors de la Nuit des longs couteaux, Gregor Straßer et Ernst Röhm sont assassinés par les SS. La phalange de gauche survit avec Ley, chef de l’Arbeitsfront, qui défend (relativement) les ouvriers.
Après la trahison des milieux réactionnaires, notamment ceux de l’armée, en 1944, comme pour Mussolini, Hitler radicalise son programme. Il ne compte plus que sur l’armée idéologique, la Waffen SS, avant la fuite, avortée, d’Himmler à la toute fin de la guerre. La réaction est épurée quant à ses chefs et le totalitarisme socialiste est renforcé. Comme le dit Ernst Nolte, le national-socialisme de 1944 peut être qualifié de «bolcho-nationalisme» ou en tout cas d’authentique socialisme national. D’une certaine manière, la SS venge la SA et Hitler se fait pardonner par Röhm, son vieux compagnon qu’il a fait tuer pour conserver le pouvoir.
Ainsi, le national-socialisme d’Hitler est un authentique mouvement socialiste et de gauche mais qui, pour des raisons politiques, a laissé partiellement son programme en suspens en attendant de pouvoir l’imposer intégralement. Sa négociation avec les milieux de la droite conservatrice lui permit d’arriver au pouvoir mais par la suite, surtout de 1942 à 1945, celle-ci fut progressivement éliminée afin d’assurer à la SS une place privilégiée. Le SED ou parti socialiste allemand de l’Allemagne de l’Est a pu constituer l’héritier partiel de la NSDAP, la Stasi remplaçant la Gestapo.

La question du racialisme et de l’antisémitisme du national-socialisme est devenue chez les historiens un axe fondamental voire même exclusif de leurs travaux; pourtant, cette question prend une place disproportionnée et fausse le jugement sur le régime hitlérien, considéré dès lors sous un angle purement négatif. En ce qui concerne le racialisme, les nationaux socialistes ont établi une hiérarchie raciale. La race blanche est supérieure; la race jaune n’est capable que d’imiter le «génie aryen»; la race noire est inférieure et seul un «bon dressage» peut donner l’apparence de l’intelligence. Enfin la race sémitique est «le mauvais génie de la terre», vouée à détruire les créations aryennes et à répandre le chaos.
La particularité de certains nationaux-socialistes est de hiérarchiser aussi les différentes composantes de la race blanche. Les Indo-iraniens, les Latins, les Grecs, les Celtes et les Slaves sont considérés comme inférieurs à la race germanique, seule vraiment aryenne car nordique. Le paradoxe est que le peuple allemand n’est que partiellement germanique car il est slavisé à l’est et celtisé au sud. De plus, le type nordique n’est pas propre aux Germains car de nombreux Slaves possèdent ce type ethnique, de même que des Finno-Ougriens, qui ne sont pas linguistiquement indo-européens. Associé à l’idée de l’espace vital, le Lebensraum, et de la race des seigneurs, le Herrenvolk, une telle doctrine abandonne le racialisme ancien, celui de Voltaire qui défendait l’unité de la race blanche, et met en danger l’idée européenne, pan-aryenne, du fascisme. Cette dérive est surtout le fait de Bormann, de Göring, de Göbbels, d’Himmler et d’Hitler. En revanche, Rosenberg, Speer, Schirach, ne sont guère convaincus de même que le spécialiste des races, Hans Günther, ou le racialiste français Georges Montandon, qui définit les deux races aryennes selon lui, la nordique et la méditerranéenne.
Il faut signaler qu’au départ l’aryanisme est une découverte scientifique des linguistes (indo-européanistes) qui démontrèrent la parenté linguistique entre la plupart des peuples d’Europe et les indo-iraniens. Le terme aryen lui-même se retrouve dans le sanscrit arya ou l’avestique (vieil-iranien) airya, dans le sens de « noble », venant de l’indo-européen *aryos, « noble, seigneur », terme ethnique que les Indo-européens originaux utilisaient peut-être pour se qualifier. La lecture fausse, dans un sens pangermaniste et nordiciste, des nationaux-socialistes allemands n’enlève en rien la véracité historique du fait indo-européen/aryen.

Dès 1942, Himmler abandonne cette idée et développe le pan-aryanisme en intégrant de nombreux européens, et même des nationalistes indiens, dans la Waffen-SS. Dès 1943, il étend son pan-aryanisme à certains Slaves, Ukrainiens et Biélorusses surtout, mais aussi aux Caucasiens, formant par exemple une Légion Arménienne. Enfin, en 1944, son pan-aryanisme concerne les Russes, qui ne sont plus vus comme des sous-hommes. S’il avait soutenu dès 1942 l’action de Vlassov, ce qu’il n’a pas fait avant 1944, le cours de la guerre eut probablement été changé, de la même façon que s’il avait su mettre en place un gouvernement fasciste en Pologne, au lieu de pratiquer une terrible répression antipolonaise. C’est par un racialisme mal orienté que le fascisme allemand a été vaincu. Son antislavisme primaire, son rejet des Russes, sont les grands responsables de Mai 1945.
L’antisémitisme fasciste a connu en Allemagne une vigueur sans précédent à l’époque moderne, rappelant l’antisémitisme antique des Grecs et des Romains. Il a dépassé en force l’antisémitisme de la Garde de Fer roumaine ou des Centuries Noires russes. La «shoah» pourrait être qualifiée de «Bar Koshba II».
En l’an 70 de notre ère, les empereurs Vespasien et Titus exterminent près de deux millions de Juifs. En 135, la révolte juive de Bar Koshba est matée dans le sang par l’empereur Hadrien, causant la mort d’un demi-million de Juifs, et aboutissant à la destruction de Jérusalem et à la construction d’une ville païenne, Aelia Capitolina, sur ses fondations. Il ne faut pas non plus oublier les nombreux pogroms en Syrie, en Anatolie et en Egypte. Déjà sous Tibère, les Juifs de Rome avaient été déportés en Sardaigne et exterminés. Et sous Claude, ils avaient été expulsés. Enfin, sous Trajan, la communauté juive d’Alexandrie fut décimée après qu’elle se soit révoltée contre l’empire. Hitler, avec des moyens modernes, s’inscrit dans cette démarche. Il refuse de choisir l’expulsion de masse vers la Palestine, croyant au danger d’un nouveau foyer juif et de toute façon irréalisable en temps de guerre. Proudhon avait dit que le choix pour le problème de la «race juive» était de «la renvoyer en Asie ou l’exterminer» ; Voltaire quant à lui s’était contenté de souhaiter leur expulsion vers la Judée. Hitler, refusant le premier choix, applique logiquement le second, considérant cette race «ennemie du genre humain» (Tacite). Son antichristianisme n’aboutit pas, comme chez l’empereur Julien, à s’allier avec les Juifs contre l’Eglise car il voit dans le christianisme une manoeuvre juive. Julien le pensait vraisemblablement aussi mais son réalisme l’avait obligé à une alliance, contre-nature, entre les Païens et les Juifs. Hitler parle de «Julien le Fidèle» et de «Constantin le Traître» montrant qu’il n’a pas oublié Julien.
L’antisémitisme d’Hitler est fort distinct de l’antisémitisme chrétien. Certes, dans ses Propos de Table, il parle à un moment de Jésus comme du fils d’un soldat romain d’origine gauloise et d’une juive et voit dans «l’anticapitalisme de Jésus», c’est à dire dans la dénonciation des marchands du temple, la justification de sa mort, tué par les Juifs. C’est le seul propos vaguement chrétien. Dans Hitler m’a dit de Rauschning, Hitler dénonce l’idée d’un Jésus aryen; il y voit un «bluff judaïque».
En réalité, Hitler, en nietzschéen, est un antisémite païen qui voit dans les Juifs les pères spirituels du christianisme, du bolchevisme et du capitalisme. Il les accuse non du meurtre de Jésus mais de celui des religions aryennes antiques dont il est nostalgique sans pourtant partager les opinions rénovatrices de Rosenberg et Darré. Il croit également à l’opposition éternelle entre l’Aryen, «ce Prométhée du genre humain» (Mein Kampf), et le Sémite, et dont toute l’histoire serait faite. Ainsi, ce combat millénaire se retrouverait en Egypte, en Perse; la Grèce contre la Phénicie, Rome contre Carthage c’est l’Aryen contre le Sémite, de même le paganisme contre le christianisme. L’opposition entre le monde «juif», à savoir l’Occident libéral, l’Union soviétique et leurs dominions, et l’Europe fasciste, s’inscrirait dans ce schéma.
L’extermination de près de six millions de Juifs s’explique par une véritable «théologie» dont les influences sont davantage le ragnarök où le Wotan aryen combattra le Loki sémite, influences wagnériennes dont on connaît leur rôle sur Hitler, que l’opposition entre Dieu et le Diable du christianisme. Si Hitler évoque une puissance supérieure, un «seigneur», c’est plus Wotan, ce Dieu à la lance, dont il a «hérité» du caractère coléreux et impitoyable. La shoah est donc, au même titre que les shoahim de l’antiquité païenne, motivée par des raisons aussi religieuses que raciales.

8. Conclusion

Le fascisme n’est pas «le stade suprême du capitalisme» mais une autre forme de socialisme, «une autre incarnation du socialisme athée» (V. Loupan). Il n’est pas non plus réactionnaire mais bien révolutionnaire. Il n’est pas non plus une parenthèse dans l’histoire européenne mais représente la volonté de se libérer d’un certain nombre de carcans idéologiques comme la monarchie, le christianisme, le capitalisme, et est en ce sens l’héritier de la Renaissance et de 1789. A l’internationale capitaliste et à l’internationale marxiste, le fascisme oppose l’internationale fasciste.
Et aujourd’hui, alors que le capitalisme est désormais seul en piste, le fascisme, parce qu’il est nationaliste et socialiste, pourrait n’être que la seule opposition possible. Il se pourrait que la décadence de l’Europe ne puisse cesser que si le fascisme, aboutissement d’une idéologie européenne musclée, on a vu qu’il plongeait ses racines dans l’antiquité européenne la plus ancienne, est réhabilité en ce qui concerne ses valeurs si cela ne peut être son nom. Mais il faut bien comprendre qu’actuellement aucun parti politique digne de ce nom en Europe n’est son héritier.
A cause du pangermanisme obtus du Führer Adolf Hitler, et de l’antislavisme qui l’accompagnait naturellement - les crimes portées contre le peuple russe ou le peuple polonais furent nombreux - l’Europe a, d’une certaine manière, perdu la guerre le 8 Mai 1945. La politique antisémite du national-socialisme allemand, toute intolérable soit-elle, est ce que retient l’opinion actuelle d’un régime qui sur les questions sociales, écologiques, religieuses et politiques, avait pourtant tenté toutes les audaces. Vouloir sortir l’Europe de 1500 ans de christianisme, il fallait oser. Vouloir instaurer le socialisme par les urnes et non par une révolution sanglante, aussi.

La libération de la Russie qui aurait pu avoir lieu avec Vlassov fut repoussée de cinquante ans pour laisser désormais à ce grand pays un bilan catastrophique dans tous les domaines et une nation exsangue, que le talent politique d’un Poutine peine à remettre d’aplomb. Le XXIème siècle sera décisif. Il faudra savoir si la race blanche est vouée à disparaître ou si elle est à l’aube de la nouvelle renaissance, comme le phénix qui jamais ne meurt mais toujours se transforme.

Annexe 1:
les origines du judaïsme comme explication des shoahim


L’ancienneté prétendue de la religion juive sur les autres religions du monde méditerranéen ne résiste pas à l’analyse. Les premiers Hébreux ont dû vraisemblablement s’installer en Egypte lors de l’invasion des Hyksôs, populations d’envahisseurs sémites, en 1730 avant J.C. Chassés du pouvoir en 1580, les Hyksôs sont en partie expulsés d’Egypte. Mais un certain nombre de Sémites, essentiellement des Cananéens, semble bien avoir demeuré plus longtemps. Vaincus, les Sémites restés en Egypte passèrent du rang de seigneurs à celui d’esclaves. Ils ont pu subir l’influence des sectateurs d’Aton, Akhénaton ayant régné de 1352-1338, dont le monothéisme solaire fut une véritable révolution religieuse mais qui se solda par un échec. Quoiqu’il en soit, les Hébreux d’Egypte, relativement peu nombreux — on est loin des masses juives prétendues par la Bible —, ont connu une évolution religieuse tendant vers une certaine forme de monothéisme. Pour deviner cette évolution, en l’absence de textes véritablement probants, il faut connaître la religion des Hébreux lors de leur installation en Egypte.
Au départ donc, les envahisseurs cananéens accompagnant l’armée Hyksôs avaient une religion polythéiste proche de celle des Assyriens, des Phéniciens et des Arabes. Ils possédaient un grand dieu céleste, Eloha ou El, variante judéenne du dieu babylonien Il et de l’Allah pré-islamique. Mais son rôle cultuel est relativement modeste, en tout cas au second plan derrière deux autres divinités, Baal, que les Grecs appelleront Adonis, qui désigne le dieu de l’orage et de la guerre des Sémites, et la déesse Ashtoreth. Chez les Babyloniens, le nom de Baal correspond au nom originel de ce dieu, Hadad. Le dieu Baal Hadad jouit dans le panthéon sémitique d’une place considérable. Ashtoreth est la déesse céleste des Sémites occidentaux, cananéens, phéniciens ou ougaritiques. Elle correspond à la déesse babylonienne Ishtar et sera connu des Grecs sous le nom d’Astarté. Il existe une déesse guerrière, Anat, équivalente de la Tanit carthaginoise, et qui est l’épouse de Baal, et bien d’autres divinités, comme le dieu forgeron Koshar ou le dieu solaire Shams. Jerusalem même porte le nom de deux divinités judéo-païennes, Yarih dieu de la lune et Salem dieu du crépuscule.
En arrivant en Egypte, les Sémites Hyksôs fusionnent leurs divinités avec celles des Egyptiens. Ainsi Baal et Seth, tous deux dieux de l’orage sont considérés comme identiques. De même Anat, épouse de Baal, et Nephtys, épouse de Seth, deviennent équivalentes. Mais en Egypte on assiste à une progressive démonisation de Seth et donc à celle de Baal. Les Hébreux vont alors renier le dieu Baal, puisque celui-ci s’est révélé impuissant à améliorer le sort des Judéens d’Egypte, et choisir un nouveau dieu. Le rôle de Moïse semble apparaître à ce moment-là, au cours du XIIIème siècle. A partir du polythéisme judéen, celui-ci construit une nouvelle divinité en empruntant les traits de celle-ci à divers dieux. Il l’appelle Elohim, mot à mot «les dieux» c’est à dire en fait «le dieu des dieux». Il emprunte ses fonctions orageuses à Baal, renié, et ses fonctions de dieu du ciel au dieu El, dont son nom est d’ailleurs proche. Originellement en effet, les Elohim sont le nom des dieux sémitiques c’est à dire qu’ils sont les «fils d’El».
Lorsque Ramsès II prit une mesure d’expulsion à l’encontre des derniers Sémites d’Egypte, c’est à dire essentiellement les Judéens, ceux-ci retournèrent en Canaan au sein d’une population polythéiste. Il semble qu’il y ait eu certains conflits entre Hébreux monothéistes et Hébreux polythéistes. Elohim prend progressivement le nom de Yahweh, «la Divinité», et son culte s’étend. Mais il faudra pourtant plus de sept siècles avant que la Judée soit convertie. Le culte de Baal en effet, de même que celui d’Ashtoreth, persiste jusqu’au VIème siècle. Certains éléments vont pourtant faciliter la conversion. L’invasion des Philistins indo-européens au XIIème siècle est un de ces éléments. Pourtant, il apparaît que les grands rois hébreux, David comme Salomon, soient demeurés païens. La Bible, rédigée en fait très tardivement, s’attribue des héros hébreux en réalité païens. C’est au VIème siècle avec la domination assyrienne que Baal est démonisé. En effet, le Baal hébreu est proche du Bêl assyro-babylonien. Aussi, par rejet des Babyloniens, dont la capitale est même considérée comme l’incarnation du mal, les Hébreux abandonnent définitivement le paganisme vers 580 avant J.C. Cependant, une minorité païenne semble demeurer jusqu’à la conquête romaine.

L’étude des origines du judaïsme prouve en premier lieu le caractère relativement récent de cette religion. Elle est apparue bien après celle des Egyptiens ou des Grecs. En second lieu, le judaïsme a des origines païennes. On peut d’ailleurs le qualifier d’hérésie monothéiste issue du judéo-paganisme. Il est assez comparable à l’islam, qui est également la monothéisation d’un paganisme. En effet, le dieu païen du ciel Allah, est devenu le dieu unique de l’islam. Dans le cas juif, c’est le dieu païen El, devenu par la suite Yahweh, qui passe au rang de dieu unique. L’influence égyptienne du culte d’Aton, dieu solaire devenu dieu unique, est peut-être une explication mais elle ne saurait être unique.
Enfin, les malheurs du peuple hébreu sont nés de cette hérésie religieuse. Si les Judéens étaient demeurés païens, ni le christianisme ni l’islam n’auraient existé. Le précédent juif a changé le monde d’une manière radicale et ce pour son malheur et pour le malheur des Juifs eux-mêmes.

A partir de cette transformation du judéopaganisme au yahwisme, le peuple hébreu s’est placé hors du monde païen. Pour les Iraniens, les Grecs comme les Romains, la religion juive est incompréhensible et la mentalité qui en découle tout autant. Si les religions sémitiques polythéistes, malgré de nombreuses particularités, demeurent compréhensibles, le judaïsme ne l’est pas. Par exemple, les divinités babyloniennes sont interprétées par les Grecs comme des équivalents ou des variantes nationales de leurs propres divinités. Ishtar est à leurs yeux le nom babylonien d’Aphrodite, Anu celui de Zeus, Nergal celui d’Arès, Nabou celui d’Hermès, Shamash celui d’Apollon. Ils essaient de voir en Yahweh le Zeus hébraïque, ce qui était originellement son cas lorsqu’il était le dieu païen Eloha. Mais l’intolérance juive, phénomène incompréhensible pour les autres peuples, a mis fin à ces tentatives. Pour les Grecs comme pour les Romains, les Juifs sont des athées et même des «ennemis du genre humain» aux yeux d’un Tacite ou d’un Suétone. C’est ainsi qu’est né l’antijudaïsme, improprement appelé aujourd’hui antisémitisme. Toutes les tentatives d’helléniser le culte de Yawheh, par exemple sous la forme de Zeus Iaô, échouèrent. Et finalement Hadrien se résolut à construire un temple à Jupiter Capitolin sur les ruines du temple construit par Salomon.
Dans l’«antisémitisme» moderne, il y a certes le rejet de l’esprit matérialiste et capitaliste des Sémites, qui n’est pas perçu comme propre aux Juifs mais qui serait une caractéristique des Sémites, Phéniciens, Babyloniens aussi bien qu’Arabes. Mais il y a surtout un ressentiment profond contre les Juifs qui sont responsables, certes de manière partiellement indirecte, du christianisme et de l’islam et donc de l’«assassinat» de nombreuses religions nationales, ancestrales, comme l’hellénisme, la religion romaine ou l’asatru (paganisme germanique). On leur reproche donc le précédent monothéiste et ses conséquences dramatiques. La dernière shoah est vraisemblablement due à la nostalgie fasciste envers l’Europe aryo-païenne, incompatible avec le monothéisme juif et chrétien.

Annexe 2: Hitler, l’héritier ?

De grands hommes apparaissent parfois dans l’histoire. Penseurs mystiques et conquérants extraordinaires, tels sont ces hommes. Aux yeux de ceux qui les suivent, ils sont de véritables dieux. Aux yeux de leurs ennemis, ils demeurent surhumains mais leur étoile est sombre. Le premier à apparaître dans l’histoire fut le roi Cyrus de Perse, qui, parti d’un petit territoire sut conquérir un grand empire.
De même, Alexandre le Grand, roi de Macédoine, s’empara de cet empire et l’étendit même jusqu’à la Libye d’une part et à l’Inde d’autre part. S’il n’était pas mort à son retour à Babylone, il avait prévu de vaincre Carthage et Rome, de conquérir l’Espagne, l’Arabie et même la Gaule, afin d’unir sous son pouvoir l’Orient et l’Occident.
Jules César, une étoile dans l’empire romain, est le continuateur logique d’Alexandre. Sa conquête des Gaules est bien équivalente de celle de l’empire perse. Les suivants, l’empereur Julien, Frédéric II Hohenstaufen, Louis XIV ou Frédéric II Hohenzollern, ne pourront l’égaler.
Napoléon Bonaparte, l’empereur des Français, est un réveil inattendu de l’esprit héroïque, surhumain, depuis la christianisation de l’Europe. Grand conquérant et penseur religieux, Napoléon appartient à cette race de héros sanguinaires, de «sombres Titans».

La question d’Hitler pose le problème du rattachement de ce dernier à ce type d’homme rarement rencontré dans l’histoire. De nombreuses ressemblances existent entre les trois grands prédécesseurs que sont Alexandre, César et Napoléon, et Adolf Hitler. Selon Maximiani Portas, renommée Savitri Devi, apologiste du Führer, celui-ci serait un avatar, un envoyé chargé d’une mission par les dieux. Mais n’est-ce pas le cas des héros précédents. Alexandre était appelé Arès Makedôn, la réincarnation d’Arès, le dieu de la guerre. Il était aussi considéré comme le fils de Zeus Ammon. De même César est dit «fils de Mars et de Venus» et c’est le dieu Mars qui est invoqué comme vengeur du dictateur. Napoléon, empereur antichrétien, se dit accompagné du «dieu de la guerre», en d’autres termes de Mars.
Adolf Hitler prétend être mandaté par des puissances supérieures, dixit les dieux, et il semble particulièrement lié à la figure du dieu germanique de la guerre, Wotan, «le Furieux», sans doute originellement une des épiclèses du dieu de l’orage et de la guerre Thor.
Les quatre grands conquérants apparaissent donc particulièrement liés au dieu de la guerre. On pourrait d’une certaine manière les considérer comme des incarnations divines de ce dieu. Et en ce sens, Hitler est bien le continuateur, l’héritier de ces grands prédécesseurs.

D’une manière plus précise, ces quatre personnages sont pleins de «fureur». Les colères d’Alexandre, de César, de Napoléon et d’Hitler sont célèbres. Ils ont également un caractère tragique puisque leur idéal ne parvient pas à être réalisé. La mort par maladie ou empoisonnement d’Alexandre à Babylone, l’assassinat de César lors des ides de Rome, l’exil et l’empoisonnement de Napoléon à Saint-Hélène et le suicide d’Adolf Hitler dans son bunker, constituent l’aboutissement de leurs actes. De même le grand héros Héraclès meurt-il sur le bûcher du mont Œta et Achille est tué d’une flèche empoisonnée dans le talon. Hitler a donc connu le sort des héros aréens, du nom d’Arès, le dieu de la guerre. Après des victoires divines, la bataille de France, le début de l’opération Barbarossa, la conquête de l’Europe centrale et septentrionale, c’est aussitôt la Berezina. Vaincues de partout, les troupes européennes du Führer, comme celles jadis de Napoléon, se replient sur l’Allemagne. Hitler est écrasé sous le poids de ses ennemis et trahi par ceux qui se disaient ses amis. Il meurt finalement auprès d’Eva Braun, la compagne qu’il s’est choisie, et de son chien Blondi. Une mort peu digne pour un conquérant comme lui.
Le bilan du Führer est évidemment négatif. De même que l’empire d’Alexandre s’effondre après la mort du héros, de même que l’empire romain s’enfonce dans le déclin dû à l’influence orientale, de même que les monarchies triomphent à nouveau après 1815, l’Europe s’effondre après Hitler. C’est la domination de l’URSS et des Etats-Unis puis, après la chute du premier et l’affaiblissement de la Russie, des Etats-Unis seuls, eux-mêmes soumis à la décadence. Mais son idéal n’est pas mort dans le bunker de Berlin et peut renaître à tout moment et pourquoi pas chez son ancien allié et ennemi, la Russie. Ou bien celui-ci pourrait renaître dans toute l’Europe d’une manière inattendue.

Le rêve d’Alexandre, de César, de Napoléon et d’Hitler, ne s’arrêtera pas. Dans cette optique, l’apparition d’un nouvel avatar du dieu guerrier, celui que les Indiens appellent Kalkî, réincarnation ultime de Vishnu ou d’Indra, et qui ramènerait l’âge d’or, est inévitable. L’histoire future saura raconter l’aventure de ces conquérants du passé, négligeant les critiques de nos sycophantes modernes. Plutôt que de voir en Hitler un atroce boucher, ce qui n’enlève rien aux millions de morts du fait de sa politique, il pourrait n’avoir été que l’annonciateur d’autre chose.

Il est assez logique qu’un avatar du dieu de la guerre, comme Hitler, soit associé aux nombreux crimes de son régime. Le dieu Arès chez Homère n’est-il pas qualifié de « meurtrier ». Cela n’enlève pourtant rien à la grandeur du dieu.
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