Va-t-on enterrer cet après-midi Maurice Papon sous contrôle policier… ou fera-t-on procéder ensuite à l’ouverture de sa tombe pour s’assurer que l’ancien haut fonctionnaire de l’État français n’emportera pas en enfer sa légion d’honneur ?
Il paraît que lui laisser arborer cette décoration devant les vers et autres asticots de sa dernière demeure serait une « insulte à la mémoire de ses victimes ». La pantalonnade de cet ultime acharnement compassionnel l’est-elle moins ?
Quand l’Inquisition faisait déterrer un cadavre afin de le juger, elle avait un but sonnant et trébuchant à défaut d’honorable : il s’agissait ni plus ni moins que de se « payer sur la dépouille », c’est-à-dire condamner le défunt post-mortem pour récupérer tout ou partie de ses biens. Une légalité quelque peu douteuse, certes, mais dont le monde s’accommodait fort bien à l’époque. En tout cas, autant que de la légalité de certains procès contemporains.
Ce ne pourra même pas être le cas avec ce Papon-là qui s’était rendu insolvable de son vivant. Quoi qu’on pense du personnage, de sa vie et de ses actes, reconnaissons en tout cas qu’il a tenu tête jusqu’au bout à la meute des Justiciers autoproclamés acharnés à la perte de sa réputation davantage encore que de sa liberté. Ceux-là auront beau avoir déclenché contre lui les orgues de Staline de l’opprobre citoyenne, il ne leur aura pas fait cadeau de la moindre miette d’une quelconque repentance à laquelle il ne se croyait nullement obligé.
En 1998, sa condamnation à dix ans de réclusion en a fait le Bouc émissaire d’un passé qui n’en finit pas d’être repassé aux Français… À se demander à combien de génération, certains veulent faire expier l’humiliante défaite de 1940, les cinq années d’occupation qui suivirent et la place quelque peu sujette à caution de notre pays à la table des vainqueurs.(1)
Si on ne tenait pas à ce que Maurice Papon arbore sa légion d’honneur, encore aurait-il fallu ne pas la lui donner. Le responsable en est donc surtout Charles De Gaulle qui lui fit cet honneur dès 1948, trois ans à peine après la fin des hostilités et en toute connaissance du passé de l’intéressé(2).
Verra-t-on certains justiciers professionnels demander qu’on déterre le cadavre le plus célèbre de Colombey-les-deux-Églises afin de le juger pour « complicité de complicité » ? Le ridicule, on le sait bien, n’a jamais tué de vivant… Alors, les morts !
(1) Rappelons la surprise du maréchal Keitel, le 8 avril 1945, lorsqu’il arriva dans la pièce pour signer la capitulation sans condition de son pays : « Vous aussi ! » lança-t-il, dégoûté, aux représentants français présents.
(2) Témoignage Olivier Guichard, un baron du gaullisme.
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