« La récidive veut dire que la sanction est un échec ! » Bien vu, madame Dati, monsieur de La Palisse n’aurait certes pas dit mieux.
S’il n’y avait cet enfant, ce petit Enis dont on peut facilement gager qu’il est désormais traumatisé à vie par les quelques heures passées sous la contrainte d’un pédophile, cela prêterait à sourire, voir même à rire, sinon à exploser de rire.
Outre ce constat d’une redoutable lucidité de notre actuel Ministre de la Justice, on a appris également qu’un médecin avait prescrit du viagra à son agresseur, alors détenu en fin de peine, terminant ses dix-huit ans de réclusions suite à une troisième condamnation pour abus sexuels sur enfants.
Le palmarès du pédophile est éloquent : en 1975, quinze ans de réclusion pour attentat à la pudeur sur mineur devant la cour d’assise du Nord ; en 1984, à peine libéré, nouvelle plainte, même motif, mais quatre ans seulement d’emprisonnement devant la cour d’appel de Douai où, semble-t-il, la pudeur n’avait alors pas la même gravité. En 1987, sitôt libre, il se livre à deux autres agressions, toujours sexuelles et toujours sur des mineurs de moins dix ans. Pour cela, il est condamné cette fois à vingt-sept ans de réclusion, assortis de dix-huit années de sûreté. C’était à nouveau devant la cour d’assise du Nord où La pudeur avait gardé toute son importance judiciaire.
Son avocate de l’époque avait imploré les jurés pour qu’ils n’en fassent pas « un rebut de la société ». On peut douter qu’il fût encore temps qu’Evrard soit autre chose que cela… et que les jurés puissent y être pour quoi que ce soit.
On ne parlait guère alors du traitement chimique des délinquants sexuels qui, sinistre actualité oblige, vient de faire parti des sujets abordés lors des réunions entre les ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Santé. On en parle en fait depuis que Dominique Perben, alors garde des sceaux, avait annoncé en 2004 le lancement d’une expérimentation sur le traitement chimique des pédophiles, portant sur quarante-huit personnes.
« Trois ans plus tard, cette enquête scientifique, organisée par le docteur Serge Stoléru, de l’Inserm, est toujours à la recherche de patients » (Le Monde, 18 juillet 2007).
À l’évidence, les « pulsions » de la Justice, de l’Intérieur et de la Santé sont moins urgentes que celles des pédophiles.
Quant à ces fameux traitements chimiques sensés être solution miracle, on omet généralement de préciser qu’ils sont extrêmement limités : « Le traitement permet à un individu de contrôler ses pulsions sexuelles. Il ne s’agit pas de castration chimique. Les pulsions sexuelles ne disparaissent pas et reprennent quand on arrête le traitement », explique le docteur Stoléru.
Quant à son application, elle est d’autant plus limitée qu’elle nécessite le bon vouloir du « patient », respect d’on ne sait quel droit de l’homme oblige : « On ne peut en faire une contrainte. Quand on politise un traitement, on sort du champ médical. Ces traitements sont efficaces, mais ce n’est pas aux surveillants, aux juges, aux politiques de les décider. C’est aux médecins. La pédophilie n’est pas un problème judiciaire, c’est un fléau de santé publique », explique pour sa part Christiane de Beaurepaire, médecin-chef du service médico-psychologique de la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a tranché dans ce débat qui est pourtant le nœud du problème : un pédophile est-il en effet un malade ou un délinquant ? S’il relève de la médecine, il n’a pas sa place en prison, mais en hôpital psychiatrique. S’il est un délinquant, il doit être puni et les médecins n’ont pas intervenir dans la décision de le libérer.
Ce mélange des genres est probablement la cause de la plupart des cas de récidives.
En l’an 2000, nous a-t-on appris, les médecins ont proposé à Francis Evrard un traitement hormonal… Il était temps, après onze ans et trois condamnations ! Rien ne l’obligeait à accepter, mais il a sans doute espéré ainsi une libération conditionnelle anticipée. Elle n’est pas venue, pas aussi vite qu’il l’eût souhaité, alors puisque dans son esprit, c’était donnant-donnant et qu’on ne lui accordait rien, il a tout bonnement cessé très vite le-dit traitement… à la plus grande indifférence de ceux qui l’ont laissé ressortir, cette année, à soixante-et-un ans dont la moitié de sa vie passée en détention !
Un mois et demi plus tard, une nouvelle « pulsion » de cet « incorrigible chasseur de petits garçons » comme des spécialistes l’ont défini, a fait le drame à vie du petit Enis.
Francis Evrard va donc retourner en prison. Pour une nouvelle perpétuité, assorti pour le moins d’une nouvelle peine de sécurité de dix-huit années. Au bout de cette peine, il sera libérable autour de ses quatre-vingt-un an. Il n’aura sans doute plus toutes ses dents, mais peut-être encore quelques infernales pulsions terrées au fond de ses fantasmes.
Après une quatrième sanction, une éventuelle récidive serait-elle encore un échec ? Soyons sûr que le lointain successeur de madame Dati le confirmera, lui aussi.
Sans doute une mauvaise fée penchée sur son berceau a-t-elle fait de Francis Evrard un « rebut de la société ». Mais certaines incompétences médicales et utopies politiques en ont fait également un « rebut de Justice ».
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