Marine le Pen " Nous ne sommes absolument pas un parti de droite "
Marine Le Pen dédiabolisera le FN jusque devant les tribunaux ! Mercredi, devant des journalistes et analystes d'opinion réunis à L'Express, elle a indiqué menacer de poursuivre quiconque apposerait l'étiquette "extrême droite" sur son parti. Selon elle, une telle appellation ne vise qu'à l'affubler d'une image "bien crade". "Nous ne sommes absolument pas un parti de droite, ceux qui le pensent font une erreur d'analyse totale", a assuré l'eurodéputée, qui a précisé que le FN n'est "ni à droite ni à gauche" et "a des idées radicalement différentes du PS et de l'UMP".
Mais c'est surtout contre la formulation infamante d'extrême droite que s'élève la présidente du Front, évoquant de futures poursuites judiciaires, à l'image de celles qu'avait, a-t-elle relevé, intentées son père - et fondateur du FN - en 1997. Une affirmation étonnante, car si l'année 1997 fut judiciairement mémorable pour le Front national, ce ne fut pas à l'initiative de son père. Cette année-là, Jean-Marie Le Pen a été condamné pour "banalisation de crimes contre l'humanité" et "consentement à l'horrible" pour avoir prononcé cette phrase le 5 décembre 1997 à Munich : "Dans un livre de mille pages sur la Seconde Guerre mondiale, les camps de concentration occupent deux pages et les chambres à gaz dix à quinze lignes, ce qui s'appelle un détail." Jean-Marie Le Pen était en compagnie de Franz Schönhuber, un ancien Waffen-SS. La peine avait été confirmée en appel. L'année suivante, Jean-Marie Le Pen était de nouveau condamné pour "violences en réunion" et "injures publiques" pour avoir agressé la maire de Mantes-la-Jolie Annette Peulvast-Bergeal, lors des élections législatives de 1997.
La dédiabolisation, une stratégie gagnante...
Mais tout cela, c'est le passé. Depuis qu'elle a repris les rênes du parti, Marine Le Pen s'est gardée de tout dérapage de ce type. Elle s'est donc plainte mercredi matin des amalgames dont elle souffre : "Dans le même sac, on met Breivik (le massacreur extrémiste de droite norvégien, NDLR), Aube dorée (le mouvement néonazi grec), on secoue bien et on se dit qu'il y aura une bonne image bien crade" du Front national. Or, son mouvement "respecte l'intégralité des règles républicaines". C'est donc faire "preuve d'un grave défaut d'impartialité" que de le ranger dans cette case.
Marine Le Pen compte désormais s'appuyer sur des termes péjoratifs ("raciste"...) attachés à l'extrême droite dans des enquêtes d'opinion pour mener "des actions en justice". Les Français, selon elle, "particulièrement à droite, expriment une lassitude sur la manière dont on combat le Front national, et notamment l'axe de diabolisation". "Nous ne sommes pas encore traités comme un parti comme les autres" se plaint-elle, soulignant que dans ses comptes-rendus des résultats électoraux, le ministère de l'Intérieur ne classe pas le Front national parmi les partis d'extrême-droite.
Comment donner tort à Marine Le Pen ? La dédiabolisation de son parti est une stratégie gagnante, si l'on en croit l'étude qu'a consacrée la fondation Jean Jaurès aux électorats UMP et Front national. Elle sème la panique dans les rangs des élus de la droite traditionnelle, de plus en plus tentés de reprendre à leur compte les thèmes chers au parti lepéniste : l'immigration, la sécurité, l'assistanat... Une stratégie nocive si l'on en croit cette étude : les électeurs du Front eux aussi se radicalisent et ne rejoignent pas une droite en laquelle ils n'ont plus confiance, tandis qu'à l'inverse elle donne au Front une respectabilité inespérée.
... mais qui connaît quelques couacs
Reste que cette dédiabolisation a aussi ses limites et connaît quelques couacs. Pas plus tard que mardi soir, embarrassé, Gilbert Collard expliquait que Philippe Vardon, fondateur de l'association d'extrême droite islamophobe Nissi Rebela avait reçu sa carte du Rassemblement bleu Marine par erreur. Cette formation, émanation du Front national, a été conçue pour accueillir des militants au-delà des cercles traditionnels.
Mardi soir encore, on apprenait dans Le Monde, que la députée FN Marion Maréchal-Le Pen avait été reçue dimanche par le Vlaams Belang, un parti xénophobe flamand qui milite pour la partition de la Belgique. Sous son ancienne appellation, il a été condamné pour racisme en 2004 et est considéré comme infréquentable en Belgique, expliquait également Le Monde. Marion Maréchal a exhorté ce parti à "continuer son discours de vérité" et à "ne pas se laisser effrayer par les discours moralisateurs et émotionnels qu'on sert également au FN". Rejoignant le discours de sa tante, la jeune députée du Vaucluse a fustigé l'emploi des termes "extrémistes" et "fascistes" pour qualifier le Front national comme le Vlaams Belang. Ces termes sont, selon elle, le fait de "ceux qui n'ont rien à dire".