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Aujourd’hui, comment être jeune et nationaliste ?
Béatrice Péreire |
Politique
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Il y a sept ans, Christian Bouchet, journaliste et écrivain, publiait “Les nouveaux nationalistes”, enquête préfacée par notre défunt directeur, Roland Gaucher. Il vient de récidiver avec un tout aussi passionnant “Jeunes nationalistes d’aujourd’hui”.
A l’exception de David Rachline, animateur du comité Les jeunes avec Le Pen, les six autres intervenants interrogés n’appartiennent pas, loin s’en faut, au Front national. Ils en sont la marge, la périphérie, la proche ou lointaine banlieue. Certains estiment militer en parallèle de l’organisation lepéniste ; d’autres, critiques, un peu moins. Nonobstant, le Front national demeure pour la majorité l’ultime référent, fût-ce en creux. Et Christian Bouchet de noter finement : « En 2001, une organisation – Unité radicale – était dominante, voire hégémonique au sein de la jeunesse nationale. Six ans plus tard, la scène s’est fragmentée et l’on peut estimer qu’un jeune patriote qui souhaite s’engager a le choix, en plus du Front national, entre plus de dix groupes qui couvrent la totalité du kaléidoscope idéologique sans qu’aucun d’entre eux ne parvienne à une situation de développement, idéologique ou militant, suffisant pour dominer ses concurrents. » Bien sûr, il pourra être prétendu que cet ouvrage n’est pas exhaustif ; il n’y prétend pas : « Si j’ai veillé à ce que toutes les familles s’expriment, je n’avais, en rédigent ce livre, aucune prétention à l’exhaustivité. On pourra donc me reprocher l’absence de représentants de certains groupes, me contester le choix de tel ou tel porte-parole. J’en conviens bien aisément. » Et là où Christian Bouchet est doublement honnête, c’est qu’il préfère se cantonner au rôle du présentateur plutôt que d’empiéter sur celui de l’acteur. On dira donc qu’il est un spectateur engagé, car pour ceux qui souhaiteraient mieux connaître le fonds de sa pensée, il suffit de se référer au site Internet voxnr.com ou de se pencher sur son bimestriel, Résistances, disponible à l’abonnement sur le même site.
Toujours en préambule, Christian Bouchet remarque « qu’en 2001, l’intellectuel organique de la “mouvance” le plus écouté et le plus respecté était Guillaume Faye. Six ans plus tard, c’est avec peine que l’on trouvera un jeune militant y faisant référence. (…) D’une certaine mesure, sa place d’intellectuel de référence devenue vacante a été occupée progressivement par Alain Soral… » Cela n’est pas anodin, et on le sent bien au fil de ces entretiens à bâtons rompus. L’air du temps a changé, l’époque aussi. Pourtant, Guillaume Faye, que certains ont pu tenir, à tort ou à raison, pour l’un des fils spirituels d’Alain de Benoist, fondateur du GRECE, lequel, à l’instar d’un Charles Maurras, nous a toujours enseigné que notre monde était par nature complexe – on ne disait pas “multipolaire”, alors – aura répété, avec retard, les mêmes erreurs que ses prédécesseurs. Ainsi, tandis que nous sortions de la Guerre froide et de son affrontement bipolaire, lequel empêchait tout recul – l’ennemi, c’est l’ennemi et l’ennemi de mon ennemi devient forcément mon ami, c’est de la sorte que les USA, persuadés de jouer un tour pendable à l’URSS, ont créé Al Quaïda – Guillaume Faye est passé d’une dichotomie à l’autre, diabolisant ensuite l’islam, vaste ensemble flou, aussi flou, finalement, que pouvait l’être l’ancien “bloc” communiste. En termes d’intelligence, Guillaume Faye ne se sera même pas hissé au niveau d’un Richard Nixon, ou d’un Ronald Reagan, politiciens pourtant peu érudits mais qui, d’instinct, pressentaient, pour le premier, qu’il était possible de jouer le “bloc” communiste chinois contre le “bloc” communiste russe. Et, pour le second, qu’il était possible de jouer le “bloc” communiste d’Europe de l’Est, contre la puissance tutélaire moscovite, “bloc” qui n’en était pas un, d’ailleurs, sachant qu’un Mikhaïl Gorbatchev fut, au terme de son règne, plus fidèle à sa patrie qu’à son idéologie d’origine : il laissa chuter le Mur et jamais ne fit tirer contre son peuple.
Tout cela, nos sept interviewés paraissent l’avoir intégré. D’où cet autre amusant paradoxe : des gamins dont les plus âgés viennent tout juste de fêter leurs trente printemps, en viennent tout doucettement à camper sur les positions d’un homme qui, pour certains, pourrait être leur père et, pour d’autres, leur grand-père : Jean-Marie Le Pen. Le reste, n’est que petite monnaie, puisque malgré ce qui peut éventuellement les opposer, vision d’une France qui ne devrait être que “chrétienne” ou “ethniquement homogène”, centralisée ou refondée sur les régions, destinée à camper sur son pré carré ou dévolue à intégrer un ensemble européen, débordant, pour certains, sur le Sud de la Méditerranée ou s’en allant, pour d’autres, flirter avec les confins sibériens, c’est toujours de la France dont il s’agit. Intellectuellement, tout cela est à la fois fécond et prometteur : voir de jeunes Français se chamailler sur la meilleure manière de renforcer et d’élargir la maison commune, cela vaudra toujours mieux que cette haine de soi, soigneusement cultivée dans d’autres groupuscules plus ou moins trotskisants. Que ces trublions radicaux s’affirment, le cas échéant contre le “père”, Le Pen en l’occurrence, rien que de plus normal, de plus banal, “le père Le Pen” en ayant vu bien d’autres. Et c’est là que la lecture de ce livre est non seulement roborative, mais encourageante. La course au patriotisme vaudra toujours mieux que la haine de soi, si récurrente chez cette gauche dont l’un des plus grands crimes aura consisté et consiste encore à oublier qu’un jour, elle fut française. Lisez ce livre.
Le livre "Jeunes nationalistes d'aujourd'hui" est disponible, à Paris, à la librairie Primatice, 10 rue primatice, 75013 Paris ou par internet chez librad.com :: ici. |
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