Dérive présidentialiste… Le 18 Brumaire du Président Sarkozy ?
Beaucoup, hagiographes ou critiques, ont très vite comparé, peu après son élection, le Président Sarkozy à Napoléon Bonaparte, pour sa célérité à la manœuvre, sa capacité à gérer simultanément des dossiers divers et variés, bref à opérer avec un certain brio sur tous les fronts à la fois.
Pertinente ou impertinente, cette comparaison mérite cependant qu’on la pousse jusqu’au bout : ici et là en effet quelques inquiets sonnent le tocsin en parlant d’une certaine dérive présidentialiste qui pourrait se conclure, le cas échéant, par une révolution blanche surtout dans le contexte d’une crise internationale aiguë. Un autre 18 Brumaire en quelque sorte pour un nouveau 1er Consul. Hier, la fin du Directoire, aujourd’hui la Ve République cédant la place à une VIe, celle dont avait d’ailleurs rêvé Mme Royal, une république à la dimension des enjeux de la construction européenne et des défis de la mondialisation.
Une hypothèse qui n’a rien de spécialement absurde avec l’indéniable montée en puissance de la crise irano-américaine, l’instabilité explosive d’un Pakistan doté de vecteurs nucléaires, voire la menace d’une brutale récession économique tant les craquements se font insistants sur une banquise financière internationale toujours menacée de débâcle. Autant de paramètres que les déclarations rassurantes des uns et des autres parviennent assez difficilement à masquer. Chacun sait en effet – tout va très bien Madame la Marquise - que le baril de brut à 100 $, peut-être avant Noël, ne constitue pas une gêne ou que les militaires américains, malgré une colossale concentration navale dans les eaux du Golfe, la plus importante depuis la seconde guerre mondiale, n’ont aucune intention agressive à l’égard de Téhéran !
Or tout le monde a noté l’effacement de facto du Premier ministre réduit à la posture d’exécutant car tout se pilote à présent depuis l’Élysée. Même les négociations avec les syndicats grévistes (dans les transports) sont conduites depuis la présidence, M. Xavier Bertrand se contentant d’un petit rôle de figuration intelligente.
Une dérive présidentialiste accentuée depuis 2002 et la décision lourde de conséquence de M. Jospin de déplacer les législatives après les présidentielles pour s’assurer une large majorité de gouvernement. Une manip qui s’est aujourd’hui retournée contre ses promoteurs en permettant à la nouvelle majorité de bétonner ses positions et quasiment d’éliminer du jeu le parti socialiste.
Rien d’absolument préoccupant jusque-là parce qu’il ne saurait y avoir de réforme sans une volonté, ni sans les moyens législatifs et institutionnels adéquats. Reste que si l’on place maintenant l’activisme présidentiel au regard de la réforme constitutionnelle en cours telle que dessinée par la Commission Balladur-Lang, les choses prennent une autre allure.
La nouvelle Constitution qui devrait être adoptée après les municipales par les deux Chambres réunies en Congrès prévoit en principe l’extension des prérogatives présidentielles (le chef de l’État est le seul à définir la politique) et un renforcement significatif des pouvoirs d’exception (notamment prévus par l’article 16), en constitutionnalisant l’état d’urgence.
Entre-temps, tournant le dos à 40 ans de politique gaulliste d’indépendance, les forces françaises auront effectué leur retour très prochain au sein du commandement intégré de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ce qui, grosso modo, revient à placer notre défense sous commandement américain. Parallèlement, M. Sarkozy annonce le renforcement de nos effectifs combattants en Afghanistan, là aussi dans le cadre d’une force internationale coiffée par l’Otan.
Imaginons un instant ce qui pourrait advenir dans le contexte d’une crise majeure : état d’urgence, pleins pouvoirs, nos forces armées intégrées à un vaste dispositif militaire allié faisant face à une grave crise menaçant la stabilité internationale…Situation qui n’a rien de vraiment irréaliste comme l’indique sans équivoque l’extraordinaire ballet diplomatique auquel se livrent les principaux chefs d’État du monde occidental, Mme Merkel, MM Poutine, Bush, Olmert et bien sûr le président Sarkozy dont les innombrables va-et-vient sont impressionnants. Certes nous n’en sommes pas encore tout à fait là, mais lorsque le ciel commence à vous tomber sur la tête, tout va alors très vite.
Jean-Michel Vernochet est écrivain et journaliste. Dernier ouvrage : « Manifeste pour une Europe des Peuples ». 2007 Éditions du Rouvre. Disponible sur librad.com :: ici |