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Samedi, 1 Septembre 2007
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Regards gaulliens sur la Constitution
Maximilien Malirois
Tribune libre
Au début du mois de juillet 2007, le nouveau président de la République française, Nicolas Sarkozy, a installé le « Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République » conduit par l’ancien Premier ministre, Édouard Balladur. Cette commission d’« experts » a pour mission principale d’accroître le pouvoir présidentiel. Celui-ci a dès à présent pris une dimension nouvelle avec l’élection de Nicolas Sarkozy en mai dernier. Les Français, ébahis, ont ainsi vu leur nouveau chef de l’État discuter avec les dirigeants des principaux syndicats français, inviter au restaurant les responsables syndicalistes étudiants, écouter les doléances des représentants des enseignants, des chefs d’établissement et des parents d’élèves, négocier avec les Vingt-Six un « mini-traité » européen, obtenir la libération des infirmières bulgares détenues en Libye, etc. Tandis que les médias évoquent une « présidentialisation à l’américaine », le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, parle, lui, d’« omniprésidence » et d’« hyperprésidence » tant il est vrai que le style de Nicolas Sarkozy change de la pratique de ses prédécesseurs immédiats, Jacques Chirac et François Mitterrand. Cet « activisme présidentiel » - qui éclipse le Premier ministre - n’est-il cependant pas un retour aux sources de la République gaullienne ?

La question peut paraître provocante, car le microcosme politico-médiatique s’est habitué aux « présidents fainéants » du fait des cohabitations successives de 1986 à 2002 et à l’affaiblissement physique (maladie) ou politique (échecs électoraux) du président de la République. Mais cette situation demeure une anomalie par rapport au fonctionnement institutionnel initial. Le général de Gaulle a fait « du président la clé de voûte du système, tout en lui laissant la possibilité de se décharger d’une grande partie de la gestion des affaires de l’État sur le Premier ministre. Celui-ci, rappelle Pierre-Louis Blanc, un ancien collaborateur du Général, en tant que coordinateur de l’action gouvernementale, est un rouage essentiel. Il décharge le président de nombreuses tâches. Il apparaît aussi comme un brise-lames sur lequel viennent battre les flots de la vie politique, de l’agitation sociale, des inquiétudes et des difficultés quotidiennes. Le système est donc bâti de façon telle que le chef de l’État peut concevoir une politique, intervenir dans les secteurs clés, contrôler la bonne marche du gouvernement sans pour autant être absorbé par les exigences de l’action au jour le jour, qui use davantage un homme d’État que les grandes affaires, lui prend beaucoup de son temps sans toujours lui apporter, en contrepartie, de grandes satisfactions » (1). Marie-France Garaud insiste : « La prééminence présidentielle fonde la Ve République. La légitimité que le Président tire de la confiance explicite de la nation, exprimée par l’élection, lui donne le pouvoir de décider au-delà des intérêts particuliers, au-delà des partis, au-delà de la représentation parlementaire même » (2), ce qui signifie que, « dans la Ve République, le Premier ministre tient ses pouvoirs du président de la République, et de lui seul » (3). Faut-il pour autant abolir le poste de Premier ministre et aligner la France sur le régime présidentiel étatsunien, décalque déjà essayé de 1848 à 1851 avec le brio que l’on sait ?

De nouvelles relations au sein de l’exécutif
Il faut conserver le Premier ministre, clame Jean-Marcel Jeanneney, un des derniers fidèles du Général et néanmoins tenant d’un système présidentiel original, « à la française ». Pour lui, il importe que « le Président détermine et condui[se] la politique de la nation. […] Il s’agit de mettre fin à un partage équivoque de responsabilités et, par là même, d’exclure tout risque de “ cohabitation ” » (4). Cela suppose que « le Président nomme et révoque librement le Premier ministre et les autres membres du gouvernement, dont le nombre ne doit pas excéder vingt-cinq. […] La limitation du nombre de ministres et de secrétaires d’État vise à faciliter leur cohésion et à laisser aux directeurs d’administrations centrales, nommés par le Président, leur rôle normal d’exécution sous l’autorité d’un ministre » (5).

Cette modification annoncerait-elle la « domestication » du « chef du gouvernement » (expression que le général de Gaulle désapprouvait, estimant que c’était lui, le chef du gouvernement, le Premier ministre étant le « premier des ministres ») ? Pas du tout, puisque les relations habituelles entre l’Élysée et Matignon reposent sur une confiance réciproque complète. Si le président Pompidou, explique Marie-France Garaud, « était soucieux de respecter les responsabilités de chacun, à commencer par celles du Premier ministre, il considérait comme normal d’être informé de ses initiatives et de pouvoir en discuter avant qu’elles soient rendues publiques. Si des divergences apparaissaient, elles devaient être réglées dans le tête-à-tête du bureau présidentiel, comme cela avait été pour lui du temps du Général. Il ne pouvait admettre d’être mis devant le fait accompli, ou de traiter les choix du gouvernement sous la pression d’une presse partisane ou instrumentalisée » (6). En effet, au temps de Charles de Gaulle, « les Premiers ministres n’hésitaient pas à lui faire connaître leur façon de voir sur les grandes affaires nationales. La lecture des lettres qu’ils ont adressées au Général m’a montré qu’ils exprimaient très librement des vues qui s’éloignaient parfois de beaucoup de celles de leur correspondant » (7). Parce que Georges Pompidou croyait avec raison que « l’homme d’État investi par le suffrage universel était le chef du pays et responsable de celui-ci » (8), le Premier ministre ne peut être un égal, mais un subordonné de toute première importance qui met en œuvre le programme présidentiel. « Tout engagement important, en quelque domaine que ce fût, que les résultats en fussent bons ou mauvais, avait été pris par [le général de Gaulle], observe Pierre-Louis Blanc. Bien entendu, pour la réalisation, il incombait au Premier ministre et aux membres du gouvernement d’assumer leurs responsabilités. L’administration, de nos jours, est d’une complexité telle que le chef de l’État ne peut tout faire, surtout lorsqu’il s’agit d’animer les grands organismes administratifs tels que les ministères des Finances, de l’Éducation nationale, de l’Équipement » (9).

L’étroite collaboration entre le président de la République et le Premier ministre devrait avoir une retombée institutionnelle tangible en permettant qu’« en cas de vacance de la présidence de la République, les jonctions de président de la République sont exercées par le Premier ministre ou, si celui-ci en est empêché, par un des membres du gouvernement dans l’ordre dû décret qui les a nommés » (10). L’ancien ministre du Général réhabilite une des mesures majeures de la révision rejetée de 1969. Il l’estime toujours indispensable, « car le président du Sénat, qui assure l’intérim selon ce texte, n’est guère au courant des affaires en cours et il se peut qu’il n’ait aucune expérience de l’exercice de pouvoirs gouvernementaux » (11). Cette forme d’intérim existe ailleurs, en Russie ou en Algérie. La Constitution prévoit déjà que le Premier ministre peut suppléer le président et présider, par exemple, le conseil des ministres.

Contre la cohabitation, maintien du quinquennat ou retour au septennat ?

Dans le débat actuel qui porte sur l’avenir de la fonction prime-ministérielle, les partisans de sa suppression se justifient par la réduction à cinq ans du mandat présidentiel. Ils font aussi remarquer que rares sont les Premiers ministres qui restèrent cinq ans ou plus à Matignon. Seuls Georges Pompidou, Raymond Barre et Lionel Jospin bénéficièrent de cette longévité. Pour le général de Gaulle, « il ne faut pas garder plus de trois ou quatre ans le même homme à ce poste. Je voulais y procéder après l’élection présidentielle de 1965. Celle-ci n’avait pas été aussi bonne que je l’aurais voulu. Pompidou n’était pour rien dans l’affaire. Lui donner un successeur à ce moment-là aurait consisté à lui faire endosser une responsabilité qui ne se situait pas à son niveau, mais au mien. Ce que je ne voulais pas. Après mai 1968, c’était bien différent » (12).

Fort belle opération politicienne lancée par Valéry Giscard d’Estaing et reprise par Lionel Jospin en 2000 afin d’affaiblir un peu plus Jacques Chirac, le quinquennat perturbe grandement les institutions françaises en réintroduisant sous le prétexte fallacieux de « modernité » un électoralisme incessant. Il incite le moindre énergumène de notoriété nationale à se porter candidat à la magistrature suprême. Toutefois, la mort du septennat ne date pas à 2000. Sa dévaluation commença dès la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, se poursuivit sous François Mitterrand et s’accéléra avec Jacques Chirac. « La durée, dans la conception gaullienne du pouvoir présidentiel, était un risque. Elle est devenue une sécurité, un alibi à l’irresponsabilité. On ne peut imaginer plus parfaite trahison. » (13) C’est un fait que la cohabitation, voulue par François Mitterrand satisfait de pervertir ainsi l’œuvre de son plus grand ennemi, porte une responsabilité majeure dans ce dévoiement.

Jean-Marcel Jeanneney juge nécessaire « le retour à une durée de sept ans […] car le rôle du Président est de gouverner en ayant une vision à moyen et long terme des problèmes, à quoi un mandat relativement long incite » (14). Mais il assortit de conditions le rétablissement du septennat. « Au terme de son mandat, le Président n’est pas immédiatement rééligible. Il est de plein droit sénateur à vie. Cette inéligibilité est à certains égards une contrepartie de l’allongement de son mandat. Elle ne lui interdirait pas d’être candidat plus tard. Elle lui éviterait la tentation de pratiquer une politique ou de tenir des propos plus ou moins démagogiques à la fin de son mandat. Et l’histoire a montré qu’un Président est moins efficace lors d’un second mandat. Usure du pouvoir ou lassitude ? Sa nomination de sénateur à vie serait préférable à celle de membre du Conseil constitutionnel, car à la tribune du Sénat ou dans ses couloirs il pourrait faire part d’avis fondés sue son expérience politique. » (15) Serait-ce suffisant pour éviter toute nouvelle cohabitation, d’autant que Jean-Marcel Jeanneney préconise la réduction à quatre ans la durée de l’Assemblée nationale parce que « le rôle des députés est de légiférer en tenant compte principalement des besoins et des aspirations actuelles des Français, tout en contrôlant l’action du gouvernement, ce que leur renouvellement relativement fréquent favoriserait » (16) ? Jean-Marcel Jeanneney le certifie. Sans connaître cette affirmation, Marie-France Garaud ajoute qu’« il est faux de prétendre que la cohabitation est imposée par les textes. Pour éviter d’être pris dans le piège, il suffit de décider de ne pas y entrer, c’est une affaire de rigueur et de volonté » (17).

Le président de la République « peut d’abord décider de nommer un Premier ministre de son choix et continuer de gouverner avec celui-ci, assène Marie-France Garaud. En théorie au moins, il n’est pas, dans l’organisation des pouvoirs d’État, nécessaire au gouvernement de disposer d’une majorité instituée en tant que telle. Il suffit qu’il ne trouve pas, à l’Assemblée nationale, un nombre suffisant de députés prêts à voter la censure. Invraisemblable ? Non, puisque ce fut le cas durant les premières années de la Ve République, notamment lorsque les votes concernant l’Algérie étaient au cœur du débat politique. Exceptionnel ? Non, car tout député nouvellement élu répugne à revenir trop vite devant ses électeurs, surtout si son avance en voix lors du récent scrutin est un peu maigrichonne. Il faut alors, pour l’y contraindre, une insurmontable contradiction entre ses positions et la gestion gouvernementale » (18). Mais que faire si l’opposition majoritaire renverse le gouvernement à plusieurs reprises ? Dans ces circonstances, le président de la République ne pourrait « évidemment pas supporter de voir ses gouvernements systématiquement censurés. Il lui resterait l’arme ultime, celle de la dissolution. La décision finale serait alors aux mains des citoyens. Si les Français, ouvertement mis en face de leurs responsabilités, lui donnaient les moyens de continuer à gouverner, tant mieux. Dans le cas contraire, il devrait partir » (19). Marie-France Garaud argue que « ce ne sont pas les partis, ni les majorités parlementaires qui déterminent le choix du Premier ministre, c’est le Président » (20). Elle perçoit donc la cohabitation comme une très nette atteinte aux prérogatives présidentielles, car elle représente « pour les partis, l’occasion, guettée depuis 1958, de reprendre le pouvoir que la Constitution avait donné au peuple. L’histoire nous a pourtant appris que, gangrenés par le souci de leur pérennité et les intérêts de ceux qui en sont membres, les partis apportent invariablement avec eux l’impuissance » (21). La cohabitation a bousculé les institutions de 1958 dans la partitocratie comme le démontra d’ailleurs la nomination du gouvernement Balladur dont, « fait marquant, tous les chefs de partis composant la majorité parlementaire entraient au gouvernement. C’était la première fois sous la Ve République » (22).

Vers un nouvel équilibre des pouvoirs
Jean-Marcel Jeanneney récuse, lui aussi, la cohabitation. Il suggère d’abord « d’interdire au Président de dissoudre à n’importe quel moment, par convenance politique, ainsi qu’il le peut actuellement et l’a fait assez fréquemment » (23). Néanmoins, l’Assemblée « peut l’être notamment au cours du mois qui suit l’élection de celui-ci. L’exercice de ce droit à ce moment-là favoriserait l’existence ensuite d’une harmonie politique entre exécutif et législatif » (24). Les précédents de 1981, 1988, 2002 et 2007 le confirment. Jean-Marcel Jeanneney s’agace cependant de l’irresponsabilité politique actuelle du chef de l’État. Il souhaite y mettre un terme au moyen d’une nouvelle procédure politique, originale et réellement authentique :

« Un article 49 nouveau doit être écrit qui concrétise une différence essentielle entre un régime présidentiel à l’américaine et celui que je préconise ici. Il doit offrir des solutions organiques à d’éventuels conflits entre le président de la République et l’Assemblée nationale, soit au sujet du vote d’une loi, soit sur l’appréciation d’un acte du Président.

Si l’Assemblée nationale rejette tout ou partie d’une loi dont le gouvernement a déposé le projet et que le Président estime indispensable, il peut exiger de l’Assemblée qu’elle en délibère à nouveau. Au cours de cette seconde délibération le Président peut engager sa responsabilité en s’exprimant lui-même devant l’Assemblée ou par l’intermédiaire du Premier ministre. Le projet de texte présenté par le Président est considéré comme adopté, s’il n’est pas rejeté à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée.

En cas de rejet du texte, le Président peut renoncer à promulguer la loi ou provoquer l’arbitrage du peuple français en recourant à un référendum : “ Approuvez-vous le projet de loi ci-joint rejeté par l’Assemblée ? ” Si la réponse est oui, le Président promulgue la loi et a le droit de dissoudre l’Assemblée. Si la réponse est non, il doit démissionner et ne peut se représenter avant la fin du mandat du Président qui lui aura succédé.

Si l’Assemblée nationale vote une proposition de loi à laquelle le Président oppose un veto, une seconde délibération aura lieu au terme de laquelle la proposition, éventuellement amendée, ne pourra être votée qu’à la majorité absolue des membres la composant.

Si elle est ainsi votée, le Président peut soit promulguer la loi, soit en appeler au peuple français par un référendum : “ Approuvez-vous la loi ci-jointe votée par l’Assemblée nationale ? ” Si la réponse est oui, le Président promulgue la loi, puis il démissionne et ne peut se représenter avant la fin du mandat du Président qui lui aura succédé. Si elle est non, le Président poursuit son mandat et l’Assemblée est automatiquement dissoute.

Si, indépendamment de tout projet ou proposition de loi, la politique intérieure ou extérieure du Président ou son comportement personnel apparaît néfaste à l’Assemblée, celle-ci peut, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, lui exprimer sa défiance. L’Assemblée et le Sénat se réunissent alors en congrès, qui peut, à la majorité de ses membres, après délibération, prononcer à bulletin secret la déchéance du Président.

Cette déchéance est acquise si le Président ne décide pas de faire appel au peuple français par un référendum pour arbitrer ce conflit : “ Approuvez-vous ma déchéance ? ” Si la réponse est non, le Président poursuit son mandat et l’Assemblée est automatiquement dissoute.

Si le Président est déchu, il ne peut se représenter avant la fin du mandat du Président qui lui aura succédé.

Ces trois dispositifs ont pour objet de rendre le Président exceptionnellement responsable de ses actes en cas de grave conflit avec l’Assemblée nationale et de fournir un moyen constitutionnel d’apporter une solution à ce conflit. » (25)

Il prend acte que « si le pays rejette par référendum ou élection les choix et la ligne tracés par le chef de l’État, celui-ci ne peut ni les imposer ni s’imposer sans violer le principe démocratique des institutions, tel qu’il a été défini par leur fondateur et appliqué par lui. Le gouvernement repose ainsi sur sur la primauté absolue du politique » (26). Marie-France Garaud se souvient que « soulignant les diverses façons d’en appeler au jugement populaire offertes par la Constitution de la Ve République en cas de conflit entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, Georges Pompidou n’en exclura qu’une seule, la cohabitation » (27).

L’usage fréquent du référendum s’inscrivait dans la vision du général de Gaulle. Si celui-ci « voyait dans le référendum le moyen de s’assurer l’assentiment du pays, ces consultations ne pouvaient être perçues comme le simple recours à une technique de l’action politique. À la question posée : “ Êtes-vous d’accord ? ” s’en ajoutait une seconde en surimpression : “ Ai-je raison ? ”. L’interrogation ne se limitait pas au domaine de l’adhésion ; elle débouchait sur celui de la responsabilité. En d’autres termes, de Gaulle demandait au pays de le juger et, d’une certaine façon, de lui délivrer un quitus » (28). Il n’en demeure pas moins que « le référendum exige, pour prendre tout son sens, que son enjeu soit à la fois clair et grave » (29).

Le référendum appartient par conséquent au cœur même de la Ve République. « La Constitution pose comme normal le recours au référendum, comme exceptionnelle la réunion du Congrès. Elle ne dit pas que la seconde procédure doit être réservée à des questions mineures, mais les précédents allaient dans ce sens. […] La Constitution elle-même, en 1958, a été approuvée par référendum. Elle émane donc du peuple et, s’il n’y a pas de scandale à retoucher son œuvre sur un point mineur sans le consulter directement, les modifications profondes appellent un retour à la source du pouvoir » (30).

Regrettons pourtant qu’aucun des auteurs cités ne proposent d’élargir la procédure référendaire aux citoyens pétitionnaires… Ce serait d’une très grande avancée.

Les raisons françaises de la prédominance présidentielle
Marie-France Garaud, Jean-Marcel Jeanneney et Pierre-Louis Blanc confortent la prédominance institutionnelle du président de la République, garant du destin de la France. Certes, assure Jean-Marcel Jeanneney, « dès lors que le président de la République est chef du gouvernement, le principe de la séparation des pouvoirs interdit qu’il préside le Conseil de la magistrature et nomme les membres du Conseil, comme c’est le cas dans la Constitution actuelle » (31). En revanche, « un article 16 légèrement modifié donne au Président le pouvoir de prendre toutes les mesures exigées par les circonstances lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou la vie de nombreux habitants sont menacées d’une manière grave et immédiate. Le Parlement se réunit alors de plein droit et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute. Le retour à un fonctionnement normal des institutions doit être opéré dès que possible, au plus tard trois mois après le début des mesures exceptionnelles. Cette disposition étend le champ d’application au cas de catastrophes naturelles ou autres. D’autre part, elle en limite expressément la durée. […] Le maintien d’un article 16 est particulièrement nécessaire dans les temps troublés qui sont et seront les nôtres » (32).

Si le président de la République exerce une telle prépondérance, c’est parce qu’il a reçu au préalable l’onction populaire via le suffrage universel direct. Or l’élection présidentielle pâtit elle aussi d’un détournement inquiétant. Outre le verrouillage des candidatures par le filtrage des parrainages qui permet aux grands partis rapaces de terroriser les élus locaux, les résultats électoraux accordent souvent une légitimité restreinte. Attaché au concept de légitimité politique, gage de la pleine souveraineté, Jean-Marcel Jeanneney propose d’y remédier. « Si aucun candidat n’a obtenu au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés et si les deux candidats ayant obtenu le plus de voix n’ont pas ensemble recueilli au moins 60 % des suffrages exprimés, un deuxième tour a lieu où les trois candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se présenter. Si aucun d’eux n’a alors obtenu la majorité absolue des suffrages, seuls les deux candidats ayant obtenu le plus de voix à ce deuxième tour peuvent se présenter à un troisième tour. Cette disposition vise à empêcher le renouvellement de ce qui advint lors de l’élection présidentielle d’avril 2002. En fait, il est probable que dans la plupart des cas il n’y aurait pas de troisième tour, car dès le deuxième des électeurs, au vu des résultats du premier, reporteraient leur voix sur l’un des trois candidats arrivés en tête, lui donnant la majorité absolue, celui-ci pouvant très bien être celui arrivé en troisième position au premier tour » (33). C’est ingénieux. On peut facilement imaginer que les scrutins de 2002 et de 2007 auraient pu désigner des présidents différents de ceux que nous connaissons… Le second tour de la présidentielle de 2002, précisément, restera à jamais ce traumatisme marqué par le sceau de la duperie et de l’hypocrisie. « La décision socialiste avait eu pour résultat, volontaire ou non, de fausser complètement le sens et la portée de l’élection présidentielle. Sur l’ensemble des bulletins portant le nom de Jacques Chirac, la moitié au moins avait été déposée dans les urnes par des électeurs n’ayant aucunement l’intention de lui marquer leur adhésion ou leur ralliement. De sorte que, pour la première fois, l’élection du président de la République au suffrage universel ne conférait pas à l’élu la légitimité particulière pour laquelle elle avait été instituée. » (34) Il serait par ailleurs intéressant de « s’interroger sur les raisons pour lesquelles le Parti socialiste avait poussé ses électeurs dans les bras de celui qu’avait si violemment combattu leur champion. Sans doute la brutalité de l’échec, la décision de Jospin de se retirer du combat et l’emballement de l’opinion publique ont-ils pu, sur le moment, annihiler toute réflexion. Il aurait cependant paru plus normal que, n’ayant plus de candidat en lice, les dirigeants socialistes invitent leurs électeurs à s’abstenir ou voter blanc » (35). Oui, un troisième tour ne serait pas négligeable, d’autant qu’il faut prendre en compte la forte volatilité de l’électorat.

Indispensable régionalisation
Le renforcement de l’autorité responsable au sommet de l’État doit entraîner corollairement un développement de l’initiative, de la liberté et, par conséquent, de l’autonomie à la base. La décentralisation bien trop mal appliquée doit être impérativement remplacée par une authentique régionalisation. « À s’avancer dans ce domaine, souligne Pierre-Louis Blanc, de Gaulle avait quelque mérite ; il allait en effet à l’encontre de sa sensibilité, de ses réflexes, de sa formation, qui le poussaient plutôt vers la hiérarchie et la centralisation. Il avait néanmoins compris que le règne sans partage des légistes centralisateurs qui, d’une poigne de fer, avaient construit la France autour de la royauté d’abord, de la République ensuite, approchait de sa fin. Il pensait qu’il fallait désormais davantage de souplesse et de flexibilité dans l’architecture administrative française, d’autant plus que la présence à la tête de l’État d’un pouvoir fort permettait de prendre quelques risques. » (36)

Favorable à une république fédérale française tout en défendant une conception souverainiste de la construction européenne - bel exemple qu’on peut être à la fois souverainiste et fédéraliste -, Marie-France Garaud considère que la réforme régionale avortée en 1969 « partait d’une idée-force : redonner à l’État sa fonction première, celle des missions essentielles, des choix politiques, du gouvernement. Confier un réel pouvoir gestionnaire dans le domaine économique et social à des collectivités régionales de taille suffisante. Dans une France devenant ainsi un État teinté de fédéralisme […], ces collectivités seraient dotées de compétences autonomes, y compris financières, seul moyen de rendre la souplesse au pays et de réduire en les divisant les monstres qui l’étouffent » (37).

Apprécions que les héritiers les plus sérieux du général de Gaulle n’ont pas du « gaullisme » ce regard myope, étriqué et perverti par le radical-socialisme corrézien, puis par l’euro-atlantisme libéral de Neuilly. Comme le définit magnifiquement Marie-France Garaud, « pour la nation, le gaullisme, fils de la monarchie et de la Révolution, associait, en cette double référence, le pouvoir du monarque et la démocratie » (38). Certes, « la Ve République est morte, constate-t-elle. Les ravaudages institutionnels proposés ici ou là ne la ressusciteront pas. […] Les responsabilités dont elle chargeait les hommes élus pour gouverner se sont révélées trop écrasantes pour leurs aptitudes » (39).

Faut-il pour autant renoncer ? Ce mot relève-t-il vraiment du vocabulaire du fondateur de la Ve République, du gaullisme et/ou de l’esprit gaullien ? Nullement, car le sursaut est toujours possible. La résignation s’apparente à une attitude anhistorique impropre au volontarisme gaullien. De surcroît, « il convient de relever que le Général a eu le privilège - unique dans notre histoire ? - de donner naissance à deux adjectifs issus de son nom : “ gaulliste ” et “ gaullien ”. […] Le premier exprime un engagement politique, son contour est flou. Il ne prend vraiment de consistance que par référence à une époque donnée. Aujourd’hui, il a toujours une signification qu’il appartient à chacun d’apprécier. Quoi qu’il en soit, cet adjectif est à géométrie variable. “ Gaullien ”, en revanche, a conservé sa force et son éclat. Il est devenu un terme de référence. On l’utilise désormais pour qualifier en politique une certaine façon de concevoir et d’agir. Il est même considéré comme un compliment. Voilà encore un domaine où de Gaulle a été créateur, puisque son nom est désormais un point de référence » (40). Marie-France Garaud, Jean-Marcel Jeanneney et Pierre-Louis Blanc, même s’ils s’en défendent, agissent en vrais gaulliens. Au-delà de leurs différences d’énonciation, leurs propositions constitutionnelles se rejoignent sur l’essentiel, à savoir que « le combat pour l’indépendance nationale, qu’il s’agisse de l’acquérir ou de le défendre, [est] celui à mener en priorité » (41).

notes

1 : Pierre-Louis Blanc, De Gaulle au soir de sa vie, Fayard, 1990, p. 169.
2 : Marie-France Garaud, La fête des fous. Qui a tué la Ve République ?, Plon, 2006, p. 25.
3 : Idem, p. 77.
4 : Jean-Marcel Jeanneney, « Quelle réforme constitutionnelle ? À propos du livre de Lionel Jospin Le monde comme je le vois », in Le débat, n° 141, septembre - octobre 2006, pp. 114 - 115, souligné par l’auteur pour avertir le lecteur de ce qu’il faudrait modifier dans la Constitution.
5 : Idem, p. 115, souligné par l’auteur.
6 : Marie-France Garaud, op. cit., pp. 79 - 80.
7 : Pierre-Louis Blanc, op. cit., p. 158.
8 : Marie-France Garaud, op. cit., p. 74.
9 : Pierre-Louis Blanc, op. cit., pp. 164 - 165.
10 : Jean-Marcel Jeanneney, art. cit., p. 115.
11 : Idem.
12 : Pierre-Louis Blanc, op. cit., p. 207.
13 : Marie-France Garaud, op. cit., pp. 61.
14 : Jean-Marcel Jeanneney, art. cit., p. 114.
15 : Idem, souligné par l’auteur.
16 : Id., p. 115.
17 : Marie-France Garaud, op. cit., pp. 248 - 249.
18 : Idem, p. 174.
19 : Id., p. 148.
20 : Id.
21 : Idem, p. 190.
22 : Idem, p. 234.
23 : Jean-Marcel Jeanneney, art. cit., p. 115.
24 : Idem, p. 116, souligné par l’auteur.
25 : Id., pp. 116 - 117, souligné par l’auteur.
26 : Marie-France Garaud, op. cit., p. 26.
27 : Id., p. 95.
28 : Pierre-Louis Blanc, op. cit., p. 208.
29 : Marie-France Garaud, op. cit., p. 84.
30 : Id., p. 221.
31 : Jean-Marcel Jeanneney, art. cit., p. 118.
32 : Id., souligné par l’auteur.
33 : Id., p. 114, souligné par l’auteur.
34 : Marie-France Garaud, op. cit., pp. 252 - 253.
35 : Id., p. 251.
36 : Pierre-Louis Blanc, op. cit., p. 122.
37 : Marie-France Garaud, op. cit., p. 57.
38 : Id., p. 265.
39 : Id., p. 259.
40 : Pierre-Louis Blanc, op. cit., p. 314.
41 : Id., p. 123.

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